Obligation d'information et relativité de la faute contractuelle
Par cette décision, la première chambre civile de la Cour de cassation affirme que les « compétences professionnelles ou personnelles » du client ne dispensent pas l’agence de voyages de son obligation d’information. Elle juge aussi et surtout que les tiers ne peuvent agir contre l’agence « que sur le fondement de la responsabilité délictuelle consécutive à un manquement contractuel, exigeant la preuve d’une faute du voyagiste », ce qui peut faire croire à l’abandon de l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle.
Cass. 1re civ., 28 sept. 2016, n° 15-17033
Cet arrêt rendu le 28 septembre 2016 par la première chambre civile de la Cour de cassation est important à deux titres. Il contient tout d’abord une intéressante précision au sujet de l’étendue de l’obligation d’information dont est tenue une agence de voyages envers son client. Il détaille ensuite les conditions auxquelles les tiers peuvent agir en responsabilité délictuelle contre un tel professionnel en réparation de leur préjudice personnel.
En l’espèce, une agence avait organisé un voyage pour un groupe de vacanciers. L’un d’eux, qui se trouvait être médecin, décéda d’un œdème pulmonaire lors d’une excursion sur un volcan de très haute altitude. Sa femme et ses filles assignèrent l’agence de voyages en responsabilité. La cour d’appel, qui caractérisa un manquement à l’obligation de conseil envers la[...]
L'accès à l'intégralité de ce document est réservé aux abonnés
V. par ex. Cass. 1re civ., 14 janv. 2016, n° 15-10406 : « qu’ayant relevé que M. et Mme X avaient une certaine expérience en matière d’acquisition de fonds de commerce et de mise en place de nantissements, ce qui les mettait en mesure de comprendre les informations fournies par la société Faber qui leur avait rappelé le mécanisme du nantissement inscrit dans l’acte de prêt, la cour d’appel a pu en déduire que le rédacteur d’acte n’avait pas failli à son obligation d’information et de conseil ». V. égal. Cass. 2e civ., 24 oct. 2013, n° 12-27000 : « Mais attendu que l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le courtier d’assurances, mandataire de l’assuré, est tenu à l’égard de ce dernier d’un devoir d’information et de conseil ; qu’en l’espèce, il est constant que le courtier a transmis dans les délais à l’assureur la déclaration de sinistre qui lui avait été adressée par Mme X le 23 octobre 2001 ; qu’il ne saurait être reproché au courtier d’avoir manqué de diligence en n’avisant pas son client de l’existence de la prescription biennale et des procédés à mettre en œuvre pour l’interrompre, dès lors que Mme X, mandataire judiciaire, dispose des compétences nécessaires pour connaître de cette prescription spéciale, rappelée expressément aux conditions générales du contrat d’assurances, et qu’elle était assistée d’un conseil professionnel du droit. »
V. en dernier lieu, Cass. 1re civ., 15 juin 2016, n° 15-14192.
Cass. 1re civ., 30 sept. 2015, n° 14-18854 : RGDA 2015, p. 16, note Bruschi M. Comp. le devoir de mise en garde sur le risque du crédit et en particulier celui dû aux consommateurs, Piedelièvre S., « Le devoir de mise en garde légal », Gaz. Pal. 6 sept. 2016, n° 272w8, p. 19.
Sur cette question, v. la riche étude de Ghestin J., Loiseau G. et Serinet Y.-M., La formation du contrat, t. 1, 2013, LGDJ, nos 1512 et s., spéc. nos 1728 et s. Adde l’étude intitulée « Le droit de savoir », in Rapport annuel de la Cour de cassation pour 2010.
V. Deshayes O., Genicon T. et Laithier Y.-M., Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, 2016, LexisNexis, sous art. 1112-1, p. 79 et s.
Sur l’obligation d’information du droit de la consommation et ses rapports avec l’obligation d’information fondée sur le droit commun des contrats, v. not. Sauphanor-Brouillaud N. et a., Les contrats de consommation. Règles communes, 2013, LGDJ, spéc. nos 259 et s.
C. tourisme, art. L. 211-16 : « Toute personne physique ou morale qui se livre aux opérations mentionnées à l’article L. 211-1 est responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ce contrat ait été conclu à distance ou non et que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci et dans la limite des dédommagements prévus par les conventions internationales. »
Par opposition au préjudice éventuellement subi par la victime directe, lequel donne lieu à une action contractuelle transmise aux héritiers.
Cass. 1re civ., 28 oct. 2003, n° 00-18794 : Bull. civ. I, n° 219 ; JCP G 2004, II, 10006, note Lardeux G., et JCP G 2004, I, 163, spéc. n° 13, obs. Viney G. ; D. 2004, p. 233, note P. Delebecque ; RTD civ. 2004, p. 96, obs. Jourdain P. Sur la question dans son ensemble, v. Viney G., Introduction à la responsabilité, 3e éd., 2008, LGDJ, n° 188-2.
Cass. ass. plén., 6 oct. 2006, n° 05-13255, Myr’ho : Bull. civ. ass. plén., n° 9 ; D. 2006, p. 2825, note Viney G. ; JCP G 2006, II, 10181, avis Gariazzo A. et note Billiau M. ; Resp. civ. et assur. 2006, étude n° 17, par Bloch L. ; RTD civ. 2007, p. 123, obs. Jourdain P. ; Les grands arrêts de la jurisprudence civile, t. 1, 13e éd., Dalloz, comm. n° 177 ; adde le dossier spécial « Contrat sans frontières », RDC 2007, p. 537 et s.
Un arrêt de la troisième chambre civile avait paru contredire l’arrêt Myr’ho, v. Cass. 3e civ., 22 oct. 2008, n° 07-15583 : RTD civ. 2009, p. 121, obs. Jourdain P. Mais il s’agissait d’un faux signal, v. Cass. 3e civ., 13 juill. 2010, n° 09-67516 : RDC 2011, p. 65, obs. Genicon T., p. 73, obs. Viney G., et p. 178, obs. Seube J.-B. Une décision de la chambre commerciale a également été interprétée comme mettant en doute la jurisprudence Myr’ho, v. Cass. com., 18 déc. 2012, n° 11-25567 : D. 2014, p. 473, note Boffa R. ; BJS mars 2013, n° 086, p. 191, obs. Barbier H. ; RDC 2013, p. 915, obs. Borghetti J.-S. Mais cette interprétation n’était pas certaine (v. Laithier Y.-M., RDC 2013, p. 533) et n’a pas été confirmée par la suite, v. Cass. com., 23 sept. 2014, n° 13-14241 : RTD civ. 2015, p. 126, obs. Barbier H. Sur la critique de l’arrêt Myr’ho, adde Borghetti J.-S., obs. sous Cass. 1re civ., 25 sept. 2013, n° 12-25160 : RDC 2014, n° 110b3, p. 32.
Avant-projet de loi de réforme de la responsabilité civile, présenté le 29 avril 2016, art. 1234 : « Lorsque l’inexécution d’une obligation contractuelle est la cause directe d’un dommage subi par un tiers, celui-ci ne peut en demander réparation au débiteur que sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, à charge pour lui de rapporter la preuve de l’un des faits générateurs visés à la section II du chapitre II ». Sur cet avant-projet en général, v. Borghetti J.-S., D. 2016, p. 1386 et 1442. Sur la relativité de la faute contractuelle en particulier, v. Bacache M., « Relativité de la faute contractuelle et responsabilité des parties à l’égard des tiers », D. 2016, p. 1454.
V. Deshayes O., « La responsabilité contractuelle du fait d’autrui », RDC 2009, p. 515 ; Meyer-Royère C., « La responsabilité contractuelle du fait d'autrui des agences de voyages », RJ com. 1999, p. 342.
Testez gratuitement Lextenso !