Crédit-bail et location financière : semblables et pourtant si différents…
Par un important arrêt, la Cour de cassation harmonise les solutions jurisprudentielles retenues en matière de crédit-bail et de location financière, tout en prenant le soin de ne pas confondre les deux techniques de financement. En dépit de sa motivation enrichie censée éclairer la portée du revirement opéré, l’arrêt suscite de nombreuses interrogations.
Cass. ch. mixte, 13 avr. 2018, n° 16-21947
Il était jugé depuis près de 30 ans que la résolution de la vente entraînait nécessairement la résiliation du contrat de crédit-bail, sous réserve de l’application des clauses ayant pour objet de régler les conséquences de cette résiliation1. Cette solution, à laquelle la Cour de cassation était parvenue après de nombreuses hésitations, ménageait les intérêts des différents protagonistes puisqu’elle permettait au crédit-preneur de ne plus payer les loyers pour l’avenir et au banquier de conserver ceux qu’il avait déjà perçus, le tout sous réserve des clauses éventuellement stipulées par les parties. En revanche, pour la location financière, il était plus récemment retenu que les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants2, de sorte que sont réputées non écrites les clauses incompatibles avec cette interdépendance et de sorte que l’anéantissement de l’un quelconque d’entre eux entraîne la caducité, par voie de[...]
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V. Cass. ch. mixte, 23 nov. 1990, nos 86-19396, 88-16883 et 87-17044 : JCP G 1991, II, 21642, note Legeais D. ; D. 1991, p. 121, note Larroumet C. ; RTD. civ. 1991, p. 360, obs. Rémy P. − Cass. com., 12 oct. 1993, n° 91-17621 ; Cass. com., 28 janv. 2003, n° 01-00330 ; Cass. com., 14 déc. 2010, n° 09-15992.
V. Cass. ch. mixte, 17 mai 2013, nos 11-22768 et 11-22927 : JCP G 2013, 673, note Buy F. ; JCP G 2013, 674, note Seube J.-B. ; D. 2013, p. 1658, note Mazeaud D. ; RDC 2013, p. 1331, obs. Laithier Y.-M. ; RTD. civ. 2013, p. 597, obs. Barbier H. ; Gaz. Pal. 4 juill. 2013, n° 136c6, p. 18, obs. Houtcieff D.
V. Cass. com., 12 juill. 2017, nos 15-27703 et 15-23552 : JCP G 2017, 1021, note Buy F. ; RDC 2017, n° 114u5, p. 11, obs. Genicon T. ; RTD. civ. 2017, p. 846, obs. Barbier H. ; Gaz. Pal. 26 sept. 2017, n° 303n1, p. 34, obs. Houtcieff D. ; AJ Contrat 2017, p. 429, note Bros S.
V. Larroumet C. et Bros S., Traité de droit civil : Les obligations, le contrat, t. 3, 8e éd., 2016, Economica, n° 511, espérant le recours à la caducité et l’abandon de la résiliation du crédit-bail.
V. Ghozi A., « La location financière : les liaisons dangereuses ? », D. 2012, p. 2254 ; Kilgus N., « Le financement des biens de l’entreprise par la location financière : La problématique de l’interdépendance contractuelle », AJ Contrat 2017, p. 411 ; Ruy B., « La location de matériel sans option d’achat à l’épreuve du droit des contrats », Contrats, conc. consom. 2009, étude 13 ; Gicquiaud E., « L’interdépendance contractuelle dans les opérations de financement locatif », RD bancaire et fin. 2014, étude 1.
Solution retenue par Cass. com., 12 juill. 2017, n° 15-27703.
Par exemple, Bénabent A., Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, 12e éd., 2017, LGDJ, n° 891 ; Larroumet C. et Bros S., Traité de droit civil : Les obligations, le contrat, t. 3, 8e éd., 2016, Economica, n° 510 ; Huet J., Decocq G., Grimaldi C., et a., Les principaux contrats spéciaux, 3e éd., 2012, LGDJ, n° 23005.
V. Bey E.-M., De la symbiotique dans le leasing et le crédit-bail mobilier, 1970, Dalloz.
V. Cass. com., 4 nov. 2014, n° 13-24270 : D. 2015, p. 529, obs. Amrani-Mekki S. et Mekki S. ; RTD. civ. 2015, p. 127, obs. Barbier H. ; Gaz. Pal. 5 janv. 2016, n° 253r8, p. 37, obs. Houtcieff D. ; RDC 2015, n° 111q3, p. 268, v. nos obs.
V. par ex. Malaurie P., Aynès L. et Stoffel-Munck P., Droit des obligations, 9e éd., 2017, Defrénois, n° 668 ; Terré F., Simler P., Lequette Y., Droit civil, Les obligations, 11e éd., 2013, Dalloz, n° 82 ; Chaaban R., La caducité des actes juridiques, 2006, LGDJ, Bibl. dr. priv., t. 445 ; Chantepie G., Latina M., La réforme du droit des obligations, 2016, Dalloz, n° 493.
V. Deshayes O., Genicon T., Laithier Y.-M., Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, 2016, LexisNexis, p. 364.
V. Buy F., note sous Cass. com., 12 juill. 2017, nos 15-27703 et 15-23552 : JCP G, 2017, 1021.
V. C. civ., art. 1186, al. 1 : « le contrat valablement formé devient caduc, si l’un de ses éléments essentiels disparaît ».
V. C. civ., art. 1186, al. 2 : « Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du contrat disparu. »
Sur ce débat, v. Deshayes O., Genicon T., Laithier Y.-M., Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, 2016, LexisNexis, p. 349 ; JCl. Civil Code, art. 1186 et 1187, Caducité, nos 19 et s.
V. Cass. com., 12 oct. 1993, n° 91-17621 : JCP E 1994, 548, note Legeais D. − Cass. com., 21 mars 1995, n° 93-19085 : RTD. com., 1995, p. 835, obs. Bouloc B.
V. Chaaban R., La caducité des actes juridiques, 2006, LGDJ, Bibl. dr. priv., t. 445, n° 26 ; Terré F., Simler P. et Lequette Y., Les obligations, 11e éd., 2013, Dalloz, n° 82 ; Amrani-Mekki S., « Indivisibilité et ensembles contractuels », Defrénois 30 mars 2002, n° 37505, p. 355, spéc. n° 37 ; Seube J.-B., « Caducité et ensemble contractuel indivisible : timidité jurisprudentielle ou audace doctrinale ? » in Le monde du droit, Mélanges en l’honneur de Jacques Foyer, 2008, Economica, p. 925 ; JCl. Civil Code, art. 1186 et 1187, Caducité.
V. Cass. com., 6 déc. 2017, n° 16-21180 : RTD. civ. 2018, p. 109, obs. Barbier H. : « ayant prononcé la caducité du contrat de location, ce dont il résultait que la clause pénale et l’indemnité prévues en cas de résiliation étaient inapplicables, c’est à bon droit que la cour d’appel a rejeté les demandes formées à ce titre ».
V. Cass. com., 22 mars 2011, n° 09-16660 : D. 2011, p. 2179, note Hontebeyrie A. ; RTD. civ. 2011, p. 345, obs. Fages B. ; JCP G 2011, I, 566, n° 17, obs. Grosser P. ; JCP E 2011, 1410, note Mortier R. ; Rev. sociétés 2011, p. 626, obs. Moury J.
Cass. com., 7 févr. 2018, n° 16-20352 : JCP G 2018, 415, note Le Mesle L. ; JCP G 2018, 416, note Leveneur-Azémar M. ; D. 2018, p. 537, note Mazeaud D. ; Gaz. Pal. 10 avr. 2018, n° 320a4, p. 25, obs. Houtcieff D. ; Gaz. Pal. 17 avr. 2018, n° 320c9, p. 26, obs. Mekki M.
Buy F., note préc.
Bros S., note sous Cass. com., 12 juill. 2017, nos 15-27703 et 15-23552 : AJ Contrat 2017, p. 429.
Ce que Sarah Bros semble prête à admettre en écrivant que la neutralité économique se justifie, « notamment dans l’hypothèse, la plus fréquemment rencontrée jusqu’à présent, où ce participant a subi l’inexécution du contrat ». A contrario, il n’y aurait aucune raison de garantir la neutralité économique lorsque le participant ne souffre d’aucune inexécution et met cependant fin, par pur opportunisme, au contrat.
V. notre article, « Les clauses de divisibilité dans les ensembles de contrats interdépendants après la réforme de 2006 », in Mélanges Philippe Neau-Leduc, 2018, LGDJ, p. 963.
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