Assurance de choses et dommage matériel résultant d'une infraction pénale : les fausses notes de la chambre criminelle
L’indemnisation de la victime par son assureur ne limite pas l’obligation de réparation pesant sur l’auteur de l’infraction.
Cass. crim., 28 mars 2018, n° 16-84872
1. Soit une personne qui subit un dommage matériel provoqué par un fait constitutif d’une infraction pénale, imputable à un tiers. La victime est entièrement indemnisée par son assureur de choses. Sur le plan strictement civil, quelle va être la suite de l’histoire ? Elle s’évince des textes avec la force de l’évidence, serait-on tenté de répondre.
Primo, la victime, dont le préjudice a été intégralement réparé par l’assureur, ne peut rien réclamer de plus au responsable (principe indemnitaire).
Secundo, l’assureur solvens est subrogé dans les droits de son assuré (C. assur., art. L. 121-12).
Tertio, s’agissant de l’exercice par l’assureur de son recours subrogatoire, le législateur pose un principe, assorti d’un tempérament. Le principe est que l’assureur de la victime qui a indemnisé celle-ci ne peut pas exercer un recours subrogatoire contre le responsable devant la juridiction répressive1. La solution est déduite de l’article 2 du Code de procédure pénale, aux termes duquel « l’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction » : l’assureur a beau[...]
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V. Cass. crim., 2 mai 1956 : RGAT 1958, p. 290 (1re esp.), note Besson A. – Cass. crim., 15 nov. 1956 : RGAT 1957, p. 62, note Besson A. – Cass. crim., 10 oct. 1957 : Bull. crim., n° 616 – Cass. crim., 29 déc. 1961 : Bull. crim., n° 552 – Cass. crim., 26 mars 1990, n° 88-84584 : Bull. crim., n° 130 – Cass. crim., 12 nov. 2008, n° 08-82156 : RGDA 2009, p. 273, note Beauchard J.
V. Chesné G., « L’assureur et le procès pénal », RSC 1965, p. 284-285 ; Mestre J., « La subrogation personnelle », LGDJ, Bibl. dr. privé, t. 160, p. 575 et s., n° 531.
V. Cass. crim., 26 mai 1988, n° 86-94237 : Bull. crim., n° 226.
V. Cass. crim., 9 févr. 1994, n° 93-83047 : Bull. crim., n° 59 ; Resp. civ. et assur. 1994, comm. 404, et chron. 38 par Conte P. ; RTD civ. 1995, p. 123, obs. Jourdain P. – Cass. crim., 26 sept. 1996, n° 96-80679 : Bull. crim., n° 332 – Cass. crim., 6 mars 1997, n° 96-80944 : Bull. crim., n° 90 – Cass. crim., 14 nov. 2007, n° 06-88538 : Bull. crim., n° 278 ; Resp. civ. et assur. 2008, comm. 9 – Cass. crim., 6 déc. 2016, n° 15-87649.
V. Cass. crim., 12 mai 1957 : S. 1957, 1, p. 222.
V. Cass. crim., 19 mars 2014, n° 12-87416 : Bull. crim., n° 86 ; RTD civ. 2014, p. 389, obs. Jourdain P.
V., par ex., Cass. crim., 7 nov. 2001, n° 01-80592 : Bull. crim., n° 230 ; RTD civ. 2002, p. 314, obs. Jourdain P.
Conte P., « Où la Cour de cassation entérine une comédie judiciaire », Resp. civ. et assur. 1994, chron. 38.
V. supra, n° 1.
V. Cass. crim., 14 nov. 2007, n° 06-88538, préc. : « L’indemnisation de la victime par son assureur, lequel ne dispose devant la juridiction répressive d’aucun recours subrogatoire contre le responsable du dommage, ne dispense pas ce dernier de réparer le préjudice résultant de l’infraction dont il a été déclaré coupable » ; Cass. crim., 26 sept. 1996, n° 96-80679, préc. : « L’indemnisation éventuelle de la victime par son assureur, lequel ne dispose devant la juridiction répressive, hors les cas d’homicide et de blessures involontaires prévus par l’article 388-1 du Code de procédure pénale, d’aucun recours subrogatoire contre les responsables du dommage, ne dispense pas ces derniers de réparer le préjudice résultant de l’infraction dont ils ont été déclarés coupables » ; Cass. crim., 9 févr. 1994, n° 93-83047, préc. : « L’indemnisation de la victime par son assureur, lequel ne dispose devant la juridiction répressive d’aucun recours subrogatoire contre le responsable du dommage, ne dispense pas ce dernier de réparer le préjudice résultant de l’infraction dont il a été déclaré coupable ».
V. Cass. civ., 7 avr. 1813 : S. 1813, 1, p. 327 – Cass. req., 28 juill. 1869 : D. 1872, 1, p. 64 – Cass. req. 27 juin 1911 : DP 1914, 1, p. 93 – Cass. civ., 16 févr. 1948 : RTD civ. 1948, p. 360, obs. Vizioz H.
V. Cass. 1re civ., 8 févr. 1983, n° 81-16551 : Bull. crim., n° 50 : « Mais attendu, d’abord, que la cour d’appel a relevé à bon droit que la société Dupont, qui après avoir été indemnisée, avait délivré à son assureur une quittance définitive et sans réserve le subrogeant dans ses droits, n’avait plus qualité pour agir et ne pouvait, sauf convention de prête-nom, qui n’était pas établie, représenter son assureur en justice » – Cass. 1re civ., 4 févr. 2003, n° 00-11023 : Bull. civ. I, n° 31 ; Resp. civ. et assur. 2003, comm. 154, note Groutel H. : « L’assuré qui, après avoir été indemnisé, a subrogé son assureur dans ses droits, n’a plus qualité pour agir contre le responsable et ne peut, sauf convention expresse ou tacite l’y habilitant, agir en justice dans l’intérêt de l’assureur » – Cass. 1re civ., 4 févr. 2003, n° 00-15716 : Bull. civ. I, n° 32 ; Resp. civ. et assur. 2003, comm. 154, note Groutel H. : « Mais attendu que celui qui, après avoir été indemnisé, a subrogé son assureur dans ses droits, n’a plus qualité pour agir contre le responsable et ne peut, sauf convention expresse ou tacite l’y habilitant, agir pour son assureur en justice ; que c’est donc à bon droit que la cour d’appel, qui a souverainement constaté qu’il n’existait aucun élément pertinent permettant de soutenir que la société Eram était intervenue comme prête-nom de la société Cabinet Besse, de sorte qu’elle n’avait pu agir en ses lieu et place ».
V. les arrêts cités note 17.
L’arrêt de revirement est : Cass. crim., 2 mai 1956, préc. note 1.
V. CA Aix-en-Provence, 6 nov. 1951 : RGAT 1952, p. 39, note Besson A. – CA Douai, 23 janv. 1953 : RGAT 1953, p. 399, note Besson A. – CA Paris, 16 mai 1956 : RGAT 1956, p. 355, note Besson A. La doctrine de l’époque approuvait massivement cette position : v. les références citées par Chesné G., « L’assureur et le procès pénal », RSC 1965, p. 325, note 1. V. également, Cass. crim., 23 juin 1859 : Bull. crim., n° 149, qui, à une époque où la subrogation n’était pas encore admise en matière d’assurance, avait ouvert l’assureur solvens un recours personnel contre le tiers-responsable devant le juge pénal.
Aussi bien, des voix autorisées appellent-elles de longue date le législateur à intervenir en ce sens : v., par exemple, Durry G., « Une innovation en procédure pénale : l’intervention de certains assureurs devant les juridictions de jugement », in Mélanges en l’honneur du Professeur Jean Larguier, 1993, PUG, p. 125 ; Schulz R., L’intervention de l’assureur au procès pénal. Contribution à l’étude de l’action civile, LGDJ, Bibl. sc. crim., t. 52, p. 549 et s., nos 1477 et s.
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