Vers l'établissement d'une hiérarchie objective en faveur de la propriété au détriment du droit au domicile ?
L’article 8 de la Conv. EDH qui garantit un droit au domicile sous couvert du respect dû à la vie privée ne peut être efficacement invoqué pour résister à une action en revendication intentée par le véritable propriétaire de l’immeuble. L’occupant doit, si l’action en revendication est fondée, être expulsé et condamné à démolir les édifices qu’il a construits au cours de sa possession du fonds litigieux.
Cass. 3e civ., 17 mai 2018, n° 16-15792
L’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 17 mai 2018 mérite une attention particulière dans la mesure où c’est la première fois que la haute juridiction se prononce aussi clairement sur l’articulation entre deux droits fondamentaux : la propriété et le respect du droit au domicile fondé sur l’article 8 de la CEDH. Cela explique sans doute que la décision soit promise à la plus large diffusion.
En l’espèce, un couple a assigné le propriétaire en titre d’un fonds afin de faire constater qu’ils avaient acquis ledit fonds par le jeu de la prescription trentenaire. Reconventionnellement, le propriétaire a demandé la libération des lieux et la démolition des constructions édifiées par les occupants, selon lui, sans droits ni titre.
La cour d’appel a rejeté la demande du couple et fait droit aux prétentions du propriétaire en ordonnant l’expulsion des occupants et la suppression du bâtiment construit par ces[...]
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Il existe en effet des hypothèses dans lesquelles c’est la loi qui restreint les droits du propriétaire et lui commande de subir l’immixtion d’un tiers. Tel est le cas des servitudes légales par exemple ou encore des règles relatives à la mitoyenneté. De telles restrictions sont totalement justifiées dans la mesure où l’article 544 du Code civil, qui définit la propriété, prévoit explicitement que le pouvoir du propriétaire sur son bien peut être limité par les lois ou les règlements.
DDHC, art. 2 : le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression.
Rappr. Libchaber R., « La recodification du droit des biens », in Le Code civil 1804-2004, livre du bicentenaire, p. 297, spéc. n° 11 ; Mousseron J.-M., Raynard J. et Revet T., « De la propriété comme modèle », in Mélanges Colomer A., 1993, Litec, p. 281. Ces auteurs envisagent la propriété comme le paradigme de la relation entre les personnes et les biens. Ce faisant, la propriété se trouve à l’origine de toutes les opérations que les personnes réalisent entre elles. On explique ainsi que le troisième livre du Code civil qui succède aux personnes (livre I) et aux biens (livre II) s’intitule « des différentes manières dont on acquiert la propriété ». Or cette partie du Code contient tous les fondements de l’organisation juridique des échanges économiques au premier rang desquels figure le droit des contrats.
Cet effet immédiat repose sur la lettre même de l’article 544 du Code civil dans la mesure où il garantit au propriétaire le droit de jouir et de disposer du bien de la manière la plus absolue. V. CA Nîmes, 25 juill. 1887 : DP 1889, 2, p. 79. Rappr. Terré F. et Simler P., Les biens, 9e éd., 2014, Dalloz, n° 523 : « Le revendiquant reprend son bien libre de toutes charges ou servitudes que le défendeur a pu consentir ».
Le droit de superficie consiste à découper l’immeuble en distinguant le tréfonds et la superficie, ce qui conduit à reconnaître une propriété en volume. Sur la reconnaissance du droit de superficie, v. not. Cass. civ., 16 déc. 1873 : S. 1874, 1, p. 457, note Labbe – Cass. req., 27 avr. 1891 : DP 1892, p. 219 ; S. 1891. I, p. 369, note Labbe – Cass. req., 26 avr. 1906 : S 1906, 1, p. 156 – Cass. 1re civ., 1er déc. 1963 : Bull. civ. I, n° 564 – Cass. 3e civ., 6 mars 1991, n° 89-17786 : JCP G 1992, II, 21890, note Ourliac P. ; RTD civ. 1992, p. 793, obs. Zenati F. ; RDI 1991, p. 189, obs. Bergel J.-L. ; D. 1991, p. 308, obs. Robert A.
Sur l’accession en matière immobilière, voir not. Terré F. et Simler P., Les biens, 9e éd., 2014, Dalloz, nos 259 et s.
C. civ., art. 555. La mesure relève de l’équité car le constructeur pensait construire sur un fonds qui lui appartenait ; il n’a donc commis aucune faute. Parallèlement, le propriétaire du sol s’enrichirait sans cause s’il pouvait conserver, sans bourse délier, les constructions édifiées par le possesseur. En effet, l’action en revendication permet au propriétaire de récupérer ce qui lui appartient, mais pas davantage.
Sur la notion de juste titre, v. not. Aubry C. et Rau C., Traité de droit civil. Les biens, t. 2, § 218 ; Planiol M. et Ripert G., Traité de droit civil. Les biens, t. 3, n° 701 ; Cass. 3e civ., 15 févr. 1968 : Bull. civ. III, n° 60 – Cass. 1re civ., 13 janv. 1999, n° 96-19735 : JCP G 1999, I, 175, spéc. n° 6, obs. Périnet-Marquet H. – Cass. 3e civ., 12 juin 2003, n° 01-14817.
Où l’on retrouve la condition posée par l’article 550 du Code civil qui prévoit : « Le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices ».
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