La responsabilité du notaire, séquestre judiciaire, est extracontractuelle
En affirmant que la responsabilité encourue par le séquestre judiciaire est de nature extracontractuelle, l’arrêt ne surprend guère, tant la solution paraît évidente. La décision sous commentaire a du moins le mérite d’inviter à analyser plus avant cette figure particulière du séquestre judiciaire, dont les obligations prennent leur source dans une décision de justice, mais dont le contenu est calqué (sans doute excessivement) sur celles dues par un séquestre conventionnel.
Cass. 1re civ., 14 févr. 2018, n° 16-20278
1. Originale, l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt commenté l’était assurément, tant étaient anciens les faits litigieux. Désigné séquestre d’une importante succession par jugement d’un tribunal en 1965, un notaire liquidateur avait diverti divers biens de la succession, et adopté une gestion fort inopportune des autres. Ce n’est pourtant que par acte du 26 mai 2010 que les héritiers ont assigné en responsabilité l’hoirie du notaire indélicat. La cour d’appel avait jugé irrecevables comme prescrites leurs demandes, de sorte que les héritiers avaient formé un pourvoi en cassation. Ils soutenaient que dès lors que le séquestre judiciairement institué est soumis à toutes les obligations qu’emporte un séquestre conventionnel, sa responsabilité serait de nature contractuelle. Partant, l’ancienne prescription trentenaire des actions en responsabilité contractuelle aurait été[...]
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La Cour de cassation avait déjà consacré la nature extracontractuelle de la responsabilité du séquestre judiciaire. Elle avait ainsi affirmé que « la personne instituée gardien des scellés dans le cadre d’une procédure d’instruction n’a pas de lien contractuel avec le propriétaire des biens concernés » (v. Cass. 1re civ., 5 nov. 1996, n° 94-18280 : Bull. civ. I, n° 381) et retenu, au visa des articles 1962, alinéa 2, et 1382 du Code civil que le séquestre judiciaire « pouvait se dégager de sa responsabilité par la seule preuve de son absence de faute » (v. Cass. 2e civ., 2 juill. 1997, n° 95-20154 : Bull. civ. II, n° 213).
Où l’on voit que, sous l’empire des textes nouveaux, la question tranchée en l’espèce n’aurait pu se poser : qu’il soit conventionnel ou judiciaire, le séquestre engage sa responsabilité dans le délai de 5 ans de l’article 2224 du Code civil.
V. en ce sens Delebecque P., « Le gardien judiciaire des biens saisis peut dégager sa responsabilité dans le vol de ceux-ci par la preuve de son absence de faute », D. 1998, p. 197.
Pour une description limpide de ce mécanisme : Bénabent A., Droit des obligations, 16e éd., 2017, LGDJ, nos 489 et s. Adde Bénabent A., Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, 12e éd., 2017, LGDJ, nos 730 et s.
V. très clairement en ce sens s’agissant du dépôt nécessaire : Cass. 1re civ., 8 févr. 2005, n° 01-16492 : Defrénois 2005, n° 15, p. 1233, obs. Libchaber R. L’auteur rapproche également le dépôt nécessaire de la figure du quasi-contrat, entendue au sens du droit romain classique, qui consiste par « économie de moyens » à soumettre à un régime d’un contrat nommé une situation légale.
V. surtout Honorat J., « Rôle effectif et rôle concevable des quasi-contrats en droit actuel », RTD civ. 1969, p. 653.
C’est précisément l’objet de l’article 1950 du Code civil, qui prévoit la liberté de la preuve du dépôt nécessaire.
Cass. 1re civ., 15 mai 2008, n° 07-11250 : Bull. civ. I, n° 138 : il incombe au gardien judiciaire d’un vin saisi, dont il a été constaté qu’il était « piqué », de démontrer qu’il n’était pas loyal et marchand lors de son acquisition.
C. civ., art. 1927 applicable au dépôt. L’on sait qu’en vertu de l’article 1928 de ce code, la responsabilité du dépositaire salarié doit être appliquée avec plus de rigueur que celle du dépositaire agissant à titre gratuit.
Cass. com., 29 avr. 1997, n° 95-12759 : Bull. civ. IV, n° 107 (le séquestre judiciaire était, en l’espèce, une banque, ce qui rend d’autant plus surprenante la solution qu’il consacre).
V. en sens s’agissant de l’appréciation de la responsabilité : Delebecque P., « Le gardien judiciaire des biens saisis peut dégager sa responsabilité dans le vol de ceux-ci par la preuve de son absence de faute. », D. 1998, p. 197.
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