L'abus de confiance par détournement du temps de travail du salarié : la chambre criminelle persiste et signe
Constitue le délit d’abus de confiance l’utilisation, par des salariés, de leur temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles ils perçoivent une rémunération de leur employeur.
Cass. crim., 3 mai 2018, n° 16-86369
Bis repetita. Quoique non publiée au bulletin, la décision rendue par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 3 mai 2018 n’en est pas moins importante, peut-être moins par sa forme que par sa répétition puisque, pour la seconde fois, la haute juridiction vient énoncer – presque comme une évidence – que constitue un abus de confiance « l’utilisation, par des salariés, de leur temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles ils perçoivent une rémunération ». Dans la marche vers la dématérialisation de l’abus de confiance, la solution, ainsi réitérée, témoigne de la volonté de la chambre criminelle de l’inscrire dans le temps, comme une solution pérenne, ce qui ouvre des perspectives considérables, inquiétantes au regard de la généralité d’une telle motivation.
L’affaire. En l’espèce, le responsable d’agence d’une société commissionnaire en transports développa, en parallèle de son activité salariée, une activité commerciale pour le compte de sociétés concurrentes, avec l’aide d’une autre employée de l’entreprise. Pour ce faire, les deux salariés – pour le moins indélicats – avaient, durant leur temps de[...]
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Là où la salariée l’ayant aidé fut condamnée, pour complicité de ce délit, à six mois d’emprisonnement avec sursis.
Cass. crim., 19 juin 2013, n° 12-83031 : JCP G 2013, 933, note Detraz S. ; D. 2013, p. 1936, note Beaussonie G. ; Dr. soc. 2013, p. 1008, note Saenko L. ; Gaz. Pal. 15 oct. 2013, n° 150b1, p. 36, obs. Dreyer E. ; RDT 2013, p. 767, note Malabat V. ; RSC 2013, p. 813, chron. Matsopoulou H. ; RDC 2013, p. 1419, obs. Ollard R.
Sur la question : Revet T., La force de travail, 1992, Litec, Bibl. dr. de l’entreprise, t. 28, spéc. nos 350 et s.
V. égal. Beaussonie G., note sous Cass. crim., 19 juin 2013, n° 12-83031, D. 2013, p. 1936.
Cass. crim., 20 oct. 2004, n° 03-86201 : D. 2005, p. 411, note de Lamy B. ; RPDP 2005, p. 239, note Malabat V. Adde pour des espèces similaires appliquant le même raisonnement : Cass. crim., 13 sept. 2006, n° 05-84111 ; Cass. crim., 19 sept. 2007, n° 07-80533.
Revet T., La force de travail, 1992, Litec, Bibl. dr. de l’entreprise, t. 28, spéc. nos 30 et s.
V. Fabre-Magnan M., « Propriété, patrimoine et lien social », RTD civ. 1997, p. 583, n° 12. Ceux qui conçoivent la force de travail comme un bien incorporel le concèdent d’ailleurs : « l’impossibilité de céder sa force de travail la soustrait (…) à une totale et pleine appropriation » (Revet T., La force de travail, 1992, Litec, Bibl. dr. de l’entreprise, t. 28, spéc. nos 350 et s.), l’auteur faisant état d’une « quasi-propriété » de la force de travail, le pouvoir de disposition étant en définitive restreint à son égard.
Tel est en effet le critère dégagé par la Cour de cassation pour délimiter le champ de l’abus de confiance, v. not. Cass. crim., 16 nov. 2011, n° 10-87866.
Cass. crim., 16 nov. 2011, n° 10-87866 : D. 2012, p. 137, note Beaussonie G. ; D. 2012, p. 964, chron. Thomassin N. ; Rev. pénit. 2011, p. 914, obs. Malabat V. ; RDC 2012, p. 551, obs. Ollard R. – Cass. crim., 22 mars 2017, n° 15-85929 : D. 2017, p. 1877, obs. Mascala C. ; RDC 2017, n° 114n1, p. 496, obs. Ollard R. ; Rev. soc. 2018, 56 ; Dr. pén. 2017, comm. 84, Conte P. ; RSC 2017, 747, Matsopoulou H. ; RTD com. 2017, 447, obs. Saenko L.
Cass. 1re civ., 7 nov. 2000, n° 98-17731 : Defrénois 2001, art. 37338, obs. Libchaber R. ; RTD civ. 2001, p. 168, obs. Revet T. ; D. 2001, chron. 2295, note Serra Y.
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