L'interruption de la prescription en cas d'erreur procédurale
De façon contradictoire, l’interruption de la prescription est soumise à une démarche judiciaire, mais demeure efficace si l’assignation est mal dirigée ou atteinte d’un vice propre. L’idée de faire produire des effets à une démarche avortée va si peu de soi qu’il importe de comprendre ce qui peut expliquer ce sauvetage, prévu par le Code civil depuis 1804. On prend alors conscience qu’il s’agit d’un choix difficile à justifier, ce qui permet de suggérer une clarification d’ensemble.
Cass. 2e civ., 1 mars 2018, n° 16-25746
Le présent arrêt n’est certainement pas de grand principe. Insistant sur des considérations qui tiennent d’abord à la procédure civile, il ne mérite qu’un signalement discret dans ces colonnes. Mais il le mérite tout de même car il permet de s’intéresser avec profit à la délicate question des causes interruptives de la prescription extinctive.
L’interruption de la prescription consiste en une action du créancier ou du débiteur, qui « efface le délai de prescription acquis » (C. civ, art. 2231). Il se trouve ainsi ramené à zéro, de sorte que la prescription recommence à courir pour la totalité de sa durée initiale. Pour être efficace, cette action doit manifester l’existence ou la vigueur du lien d’obligation. Du côté du débiteur, ces actes opèrent reconnaissance de la dette ou du droit (C. civ., art. 2240) : renouvellement du titre, paiement[...]
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Cass. 1re civ., 28 nov. 2012, n° 11-26508 : Bull. civ. I, n° 247, aux termes duquel « les crédits immobiliers consentis aux consommateurs par des organismes de crédit constituent des services financiers fournis par des professionnels ».
Article 26-II : « les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ». La disposition se retrouve en substance dans le C. civ., art. 2222, al. 2.
Cass. ch. mixte, 26 mai 2006, n° 03-16800 : D. 2006, p. 1793, note Wintgen R. ; JCP 2006, II, 10129, note Croze H. ; Rép. Defrénois 2006, p. 1233, obs. Libchaber R. ; RTD civ. 2006, p. 558, obs. Mestre J. et Fages B. ; RDC 2006, p. 1090, obs. Laithier Y.-M. ; RDC 2006, p. 1197, obs. Serinet Y.-M.
Cornu G., « Le règne discret de l’analogie », Mélanges offerts à André Colomer, p. 129.
La Cour n’était pas aussi gênée par le refus d’étendre les exceptions il y a une dizaine d’années, lorsqu’une chambre mixte estimait, sur le fondement de l’ancien article 2246, que « les dispositions générales de ce texte sont applicables à tous les délais pour agir et à tous les cas d’incompétence » (Cass. ch. mixte, 24 nov. 2006, n° 04-18610 : Bull. civ. ch. mixte n° 11 ; D. 2007, p. 1112, note Wintgen R. ; JCP 2007, II, 10058, note Pétel-Teyssié R. ; RTD civ. 2007, p. 169, obs. Théry P. ; RTD civ 2007, p. 175, obs. Perrot R.).
Roland H. et Boyer L., Adages du droit français, 4e éd., 1999, Litec, n° 383, p. 758.
Comme le suggère M. Théry dans sa note, il faut sans doute faire un sort particulier à certaines demandes mal adressées : dans le cadre de l’ordre judiciaire, les erreurs de saisine sont rectifiées et les demandes se trouvent référées au tribunal compétent, si bien que l’interruption se justifie par le maintien de la procédure ainsi ouverte. Ce qui paraît troublant, c’est la survie de la prescription en cas de vice intrinsèque à l’assignation, comme les hypothèses où le tribunal se révèle incompétent parce qu’une juridiction d’un autre ordre devait être saisie.
Desjardins A., « Étude historique sur les causes d’interruption de la prescription », Nouvelle revue historique de droit 1877, p. 519, qui estime que, dans l’ancien droit, un exploit nul n’arrêtait pas le cours de la prescription (n° 28), et que la validité d’une assignation donnée devant un juge incompétent « embarrassa l’ancienne jurisprudence » (n° 29).
Art. 2246, anc. : « La citation en justice, donnée même devant un juge incompétent, interrompt la prescription ».
Pothier R.-J., Traité des obligations, in Œuvres de Pothier, par Bugnet M., t. 2, 1847, n° 696, p. 382.
Fenet P. A., Travaux préparatoires du Code civil, t. 15, 1827, p. 583.
Ces considérations nous sont devenues quelque peu étrangères, quoique la Cour rappelle tout de même à l’occasion que la bonne foi fait partie intégrante de l’exception à l’article 2241 : « la citation en justice, donnée devant un juge incompétent, n’interrompt la prescription que lorsqu’elle a été délivrée dans des conditions exclusives de toute mauvaise foi du demandeur » (Cass. 2e civ., 16 déc. 2004, n° 02-20364 : Bull. civ. II, n° 531, p. 453 ; JCP 2005, II, 10073, note Sander É. Dans le même sens : Cass. com., 14 mars 1972, n° 70-12659 : Bull. civ. IV, n° 90, p. 86 – Cass. 1re civ., 14 juin 1967, n° 66-10403 : Bull. civ. I, n° 217, p. 159 – Cass. 1re civ., 4 juin 1956 : Bull. civ. I, n° 218, p. 176).
Cass. 2e civ., 19 févr. 2015, n° 14-10622 : Bull. civ. II, n° 40. Dans le même sens, Cass. 1re civ., 10 juill. 2014, n° 13-15511 : Bull. civ. I, n° 138.
Cass. 2e civ., 14 mai 2009, n° 08-17063 : Bull. civ. II, n° 124 – Cass. com., 12 nov. 1997, n° 95-16149 : Bull. civ. IV, n° 291, p. 252 – Cass. 1re civ., 21 janv. 1997, n° 94-16157 : Bull. civ. I, n° 27, p. 17 – Cass. 2e civ., 26 juin 1991, n° 90-11427 : Bull. civ. I, n° 195, p. 104.
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