Clause de non-concurrence post-contractuelle et pratique anticoncurrentielle
La cour d’appel de Paris explicite avec clarté les différents temps de l’analyse d’une clause de non-concurrence post-contractuelle au regard de la prohibition des ententes en droit de l’Union.
CA, 13 déc. 2017, n° 13/12625
Des contrats de franchise conclus dans le réseau « Wall Street Institute International », dont l’activité est l’enseignement de la langue anglaise, comportaient une clause de non-concurrence post-contractuelle d’une durée d’une année, limitée au territoire concédé aux franchisés. Entre autres difficultés, leur validité au regard du droit européen de la concurrence fut contestée (le nouvel article L. 341-2 du Code de commerce1, dont la conformité au droit européen n’est pas assurée2, n’était pas dans la cause).
Dans un premier temps, la cour relève l’applicabilité du droit européen de la concurrence, en vérifiant que la pratique stigmatisée était « susceptible d’affecter le commerce entre États membres » de manière « sensible »3. La cour relève que le réseau, international, revendiquait de nombreux franchisés, notamment dans plusieurs États membres, et que la clause, visant à éliminer un potentiel concurrent dans le marché intérieur, tendait à cloisonner ce marché : elle était ainsi par nature susceptible d’affecter le commerce entre États membres ; l’affectation était par ailleurs sensible dès lors que la clause figurait dans tous les[...]
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« I.- Toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L. 341-1, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite.
II.- Ne sont pas soumises au I du présent article les clauses dont la personne qui s’en prévaut démontre qu’elles remplissent les conditions cumulatives suivantes :
1° Elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat mentionné au I ;
2° Elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat mentionné au I ;
3° Elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat mentionné au I ;
4° Leur durée n’excède pas un an après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L. 341-1. »
Pour l’essentiel, la disposition française, en réputant non écrites les clauses qui ne remplissent pas les conditions qu’elle pose, interdit une appréciation cas par cas, comme y invite le droit européen de la concurrence, à l’aune notamment des mécanismes des restrictions accessoires et de l’exemption individuelle.
Les articles 101 et 102 du TFUE ne s’appliquent que lorsque la pratique anticoncurrentielle est « susceptible d’affecter le commerce entre États membres ». Le sens et la portée de cette condition ont été précisés dans la communication n° 2004/C 101/07 de la Commission du 27 avril 2004 et portant lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (devenus les articles 101 et 102 du TFUE). D’après la Commission, « l’application du critère de l’affectation du commerce impose d’aborder plus particulièrement trois éléments : a) la notion de “commerce entre États membres”, b) la notion “susceptible d’affecter”, c) la notion de “caractère sensible” » (pt 18).
Le règlement d’exemption n° 330/2010 prévoit, en son article 5, que l’exemption ne s’applique pas à : « Toute obligation directe ou indirecte interdisant à l’acheteur, à l’expiration de l’accord, de fabriquer, d’acheter, de vendre ou de revendre des biens ou des services » (§ 1, b) à moins que : « a) l’obligation concerne des biens ou des services qui sont en concurrence avec les biens ou services contractuels ; b) l’obligation est limitée aux locaux et aux terrains à partir desquels l’acheteur a opéré pendant la durée du contrat ; c) l’obligation est indispensable à la protection d’un savoir-faire transféré par le fournisseur à l’acheteur ; d) la durée de l’obligation est limitée à un an à compter de l’expiration de l’accord » (§ 3), étant précisé que « le paragraphe 1, point b), ne porte pas atteinte à la possibilité d’imposer, pour une durée indéterminée, une restriction à l’utilisation et à la divulgation d’un savoir-faire qui n’est pas tombé dans le domaine public » (§ 3).
Comme l’a rappelé la Cour de justice, un accord qui contient des clauses « qui ne remplissent pas les conditions fixées par un règlement d’exemption par catégories, est susceptible de ne pas relever du champ d’application de l’article 81, § 1, CE. En outre, le fait qu’une clause ne relève pas d’une exemption par catégories ne préjuge pas de l’application éventuelle d’une exemption individuelle » (CJUE, ord., 7 févr. 2013, n° C-117/12, La Retoucherie de Manuela, SL c/ La Retoucherie de Burgos, SC, pt 39).
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