Ce qui a été défait n'est plus à refaire : de la résurrection annoncée du cautionnement réel
La sûreté réelle consentie par un tiers pour garantir la dette du débiteur principal, laquelle n’impliquait aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui, n’était pas un cautionnement, de sorte que l’article 2314 du Code civil n’était pas applicable.
Cass. 3e civ., 12 avr. 2018, n° 17-17542
Suffit-il qu’une sûreté réelle soit consentie par un tiers pour qu’elle emprunte au régime du cautionnement ? Oscillant entre sûretés personnelle et réelle, l’idée d’un « cautionnement réel »1 séduisit en tout cas pendant un temps2. L’imprévisibilité d’une garantie tiraillée par l’influence de modèles opposés conduisit cependant une chambre mixte à en faire justice3, peu avant que l’ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés ne lui porte le coup de grâce4. Aussi n’est-on pas surpris que cette décision interdise au tiers constituant d’une hypothèque de se prévaloir du bénéfice de subrogation.
Une personne physique avait consenti une hypothèque sur l’un de ses immeubles afin de garantir la dette d’une société à l’égard d’une autre. La société débitrice principale fut mise en liquidation judiciaire et la société créancière manifesta son intention de mettre la sûreté en œuvre. Le constituant assigna pourtant la société créancière en mainlevée de la sûreté, prétendant que la dette garantie avait été réglée par une délégation de paiement[...]
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V. not. Simler P. « Eppur, si muove ! (Galilée) : et pourtant, une sûreté réelle constituée en garantie de la dette d'un tiers est un cautionnement... réel », JCP G 2006, I, p. 172. ; Ansault J.-J., Le cautionnement réel, thèse, 2006, Paris II ; Grua F., « Le cautionnement réel », JCP G 1984, I, p. 3167 ; Simler P., « Le cautionnement réel est-il réellement un cautionnement ? » JCP G 2001, I, p. 2241 à 2246 ; Lesbats C., « Le cautionnement réel sous un jour nouveau », Dr. & patr. 2001, p. 28 et s. Adde aussi, sur les différentes conceptions du cautionnement réel », François J., « L’obligation de la caution réelle », Defrénois 15 oct. 2002, n° 37604, p. 1208 ; adde Grimaldi M., note sous Cass. com., 13 nov. 2002, n° 95-18994 : RDC 2003, p. 170 ; Crocq P., « Le cautionnement réel ou les affres de la polysémie », RTD civ. 1999, p. 152 ; v. égal. « Cautionnement réel : retour à la conception mixte ou admission d’une compensation entre dettes de natures différentes », RTD civ. 2001, p. 269 et s.
Cass. 1re civ., 15 mai 2002, nos 00-15298, 00-13527 et 99-21464 : Bull. civ. I, nos127, 128 et 129 ; JCP G. 2002, II, p. 10109, concl. Petit C., note Piedelièvre S. ; JCP G 2002, I, p. 162, n° 3, obs. Simler P. ; LPA 2002, p. 14, obs. Houtcieff D. ; D. 2002, p. 1780, note Barberot C., et somm. p. 333, obs. Aynès L. ; Defrénois 15 oct. 2002, n° 37604, p. 1208, obs. François J. ; Defrénois 30 mars 2003, n° 37691, obs. Théry P. ; RTD civ. 2002, p. 546, obs. Crocq P.
Cass. ch. mixte, 2 déc. 2005, n° 03-18210 : JCP G 2005, II, p. 10183, et JCP N 2006, p. 1009, note Simler P., JCP E 2006, p. 1056, note Piedelièvre S. ; D. 2006, p. 61, obs. Avéna-Robardet V., et p. 729, avis Sainte-Rose J. et note Aynès L. ; Banque et Droit janv. 2006, p. 55, obs. Jacob F. ; Contrats, conc., consom., avr. 2006, obs. Leveneur L., Defrénois 30 oct. 2006, n° 38469, p. 1600, obs. Champenois G. ; RDC 2006, p. 454, obs. Grimaldi M. ; RDC 2006, p. 458, obs. Houtcieff D.
L’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés a inséré un article 2334 dans le Code civil, affirmant, s’agissant du gage de biens corporels, que « le créancier n’a d’action que sur le bien affecté en garantie ».
C. civ., art. 1315, devenu C. civ., art. 1353, al. 2 : « celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».
Barthez A. et Houtcieff D., Traité de sûretés personnelles, Ghestin J. (dir.), 2010, LGDJ, n° 283.
Cass. civ., 25 nov. 1812 : S. 13.1.177 ; adde dans le même sens Cass. civ., 10 août 1814 : S. 15.1.242 : selon cette décision, celui qui donne une affectation hypothécaire, pour la sûreté d’une créance, sans s’obliger lui-même au payement subsidiaire n’est pas une caution et qu’il ne peut dès lors demander sa décharge sur le fondement de l’article 2037 du Code civil.
Cass. 1re civ., 25 nov. 2015, n° 14-21332 : Bull. civ. I, n° 290 ; JCP G 2016, p. 218, note Pellier J.-D. ; RD bancaire et fin. 2016, comm. 20, obs. Legeais D. : « La sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers, n’impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui, n’est pas un cautionnement. Limitée au bien affecté en garantie, elle n’ouvre, à celui qui la constitue, ni le bénéfice de discussion ni le bénéfice de division. ».
Cass. com., 13 janv. 2015, n° 13-16727 : RD bancaire et fin. 2015, comm. 44, obs. Legeais D. : selon cette décision, le tiers garant ne bénéficie pas du devoir de mise en garde pesant sur le créancier dont profite la caution.
L’article 16 du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises autorise le gouvernement – dans le cadre de l’article 38 de la Constitution – à « Réformer le droit du cautionnement, afin de rendre son régime plus lisible et d'en améliorer l'efficacité, tout en assurant la protection de la caution personne physique. »
Le texte est consultable sur le site internet de l'Association Henri Capitant ; v., pour une présentation générale Grimaldi M., Mazeaud D. et Dupichot P., « Présentation d'un avant-projet de réforme du droit des sûretés », D. 2017, p. 1717 ; Crocq P., « Vers une réforme du droit des sûretés, rapport de synthèse », Banque et Droit 2017, p. 4 et s.
Comp. Gouëzel A. et Bougerol L., « Le cautionnement dans l’avant-projet de réforme du droit des sûretés : propositions de modification », D. 2018, p. 678.
Cass. 1re civ., 15 mai 2002, nos 00-15298, 00-13527 et 99-21464 : Bull. civ. I, nos127, 128 et 129.
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