La cession simultanée dans un même acte de la nue-propriété et de l'usufruit d'un bien rural à deux acquéreurs distincts est de nature à déclencher l'exercice du droit de préemption des SAFER
La cession simultanée dans un même acte de la nue-propriété et de l’usufruit d’un bien rural, même si elle est opérée au profit de deux acquéreurs distincts, a pour objet le transfert, en une seule opération, de la pleine propriété de ce bien, de sorte que cette cession est alors soumise au droit de préemption des SAFER.
Cass. 3e civ., 31 mai 2018, n° 16-25829
Le présent arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 31 mai 2018 traite à nouveau de la question de la cession simultanée de la nue-propriété et de l’usufruit d’un bien immobilier à usage agricole et de la soumission de la cession de ces deux droits au droit de préemption dont bénéficient les SAFER, en application de l’article L. 143-1 du Code rural et de la pêche maritime.
En l’espèce, un notaire instrumentaire avait informé, par lettre recommandée, une SAFER de la cession par les propriétaires de parcelles de terre, l’usufruit de ces parcelles étant cédé à une personne physique tandis que la nue-propriété était cédée à une autre personne, et précisément à un groupement foncier agricole. La SAFER contesta cette double mutation ; elle se prévalut de son droit de préemption et saisit le tribunal de grande instance en annulation de la vente et substitution aux acquéreurs. La cour d’appel de Nancy, dans un arrêt du 13 septembre 2016, fit droit à la SAFER et prononcé la nullité de la double cession ainsi que la[...]
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V. not. Saint-Alary-Houin C., Le droit de préemption, 1979, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, préf. Raynaud P., nos 331-332.
L. n° 2014-1170, 13 oct. 2014, art. 29-5° (entré en vigueur le 15 oct. 2014) a modifié C. rur., art. L. 143-1 et a soumis à ce droit de préemption les cessions isolées, à titre onéreux, d’usufruit ou de la nue-propriété des exploitations agricoles. En effet, depuis la loi du 13 octobre 2014, C. rur., art. L. 143-1, al. 5, dispose que « les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural peuvent exercer leur droit de préemption en cas d’aliénation à titre onéreux de l’usufruit ou de la nue-propriété des biens mentionnés au présent article. Elles ne peuvent préempter la nue-propriété de ces biens que dans les cas où elles en détiennent l’usufruit ou sont en mesure de l’acquérir concomitamment, ou lorsque la durée de l’usufruit restant à courir ne dépasse pas 2 ans ».
Cass. 3e civ., 15 déc. 2016, n° 15-27518 : RDC 2017, n° 114g4, p. 339, note Danos F., où la Cour de cassation juge que la cession simultanée de la nue-propriété et du droit d’usufruit d’un bien rural par trois cédants différents au même acquéreur est soumise au droit de préemption de C. rur., art. L. 143-1, dans la mesure où cette cession simultanée a pour but de permettre la reconstitution de la pleine propriété de ce bien rural entre les mains de cet acquéreur.
Lucas-Puget A.-S., Essai sur la notion d’objet du contrat, thèse, t. 441, 2005, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, préf. Fabre-Magnan M., nos 371 et s., et nos 499-500 ; Fabre-Magnan M., Droit des obligations, t. 1, 4e éd., 2016, PUF, Thémis, n° 431.
V. en ce sens Terré F., Simler P. et Lequette Y., Droit civil, Les obligations, 11e éd., 2013, Dalloz, n° 301, qui considèrent que l’expression objet du contrat désigne l’opération contractuelle considérée non dans ses éléments, mais dans sa globalité et qu’elle révèle l’unité du rapport contractuel. V. aussi : Fabre-Magnan M., Droit des obligations, t. 1, 4e éd., 2016, PUF, Thémis, n° 431, qui énonce que la notion d’objet du contrat permet de rendre compte de l’opération globale qu’il réalise ; Lucas-Puget A.-S., Essai sur la notion d’objet du contrat, thèse, t. 441, 2005, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, préf. Fabre-Magnan M., n° 694, pour qui l’objet du contrat traduit « l’unité du rapport contractuel » et révèle la finalité juridique globale du contrat au-delà des prestations qui y sont spécifiquement stipulées.
En appréciant de manière globale, par référence à l’objet du contrat, l’opération juridique que les parties avaient en vue en contractant, la Cour de cassation a pu considérer que la cession simultanée, dans un même acte, de la nue-propriété et de l’usufruit d’un bien rural, même à deux acquéreurs distincts, s’analysait comme une cession, par les cédants, de la pleine propriété de ce bien rural, de nature à déclencher alors l’exercice du droit de préemption des SAFER (au regard de l’objet du contrat, les cessions de la nue-propriété et de l’usufruit étaient considérées comme indivisibles et portaient sur la cession de la pleine propriété du bien concerné).
V. pour une application : Cass. 3e civ., 15 févr. 2018, n° 16-21240.
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