La résolution exclue des sanctions de l'inexécution du porte-fort : un regrettable faux-pas
La Cour de cassation décide abruptement que la violation d’une promesse de porte-fort ne peut être sanctionnée par la résolution du contrat qui la contient. Cette décision est regrettable en théorie et inopportune en pratique.
Cass. 1re civ., 7 mars 2018, n° 15-21244
Les décisions de la Cour de cassation appelées à faire jurisprudence alors pourtant qu’elles méritent d’être critiquées sans hésitation, sont suffisamment rares pour qu’on ne manque pas d’en rendre compte1. Tel est le cas de l’arrêt rendu par la première chambre civile le 7 mars 2018 qui décide curieusement, mais en une formule de principe, que la violation d’un engagement de porte-fort ne peut pas être sanctionnée par la résolution pour inexécution du contrat qui le contient.
Au cas d’espèce une transaction avait été passée entre une société et son salarié en vertu de laquelle ce dernier avait renoncé définitivement à l’exécution d’un jugement du conseil de prud’hommes lui allouant la somme de 107 321,36 € à titre d’indemnité. En contrepartie de cette renonciation, le salarié avait obtenu, d’une part, le règlement d’une somme forfaitaire de 72 000 € et, d’autre part, un engagement de porte-fort, pris par la société, consistant pour cette dernière à promettre que le groupe de sociétés dans laquelle elle était intégrée « reprenne des relations contractuelles » avec l’ancien salarié en lui[...]
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V. aussi l’arrêt qui, contre toute attente, avait jugé que la résolution de la vente devait emporter les clauses limitatives de responsabilité (Cass. com., 5 oct. 2010, n° 08-11630) avant d’être heureusement corrigé récemment par Cass. com., 7 févr. 2018, n° 16-20352.
Laithier Y.-M., note sur Cass. 3e civ., 9 févr. 2017, n° 16-10350 : RDC 2017, n° 114c8, p. 227.
De façon générale, le fait du tiers qui est promis peut être, en premier lieu, « l’engagement du tiers », le classique « porte-fort de ratification », qui serait mieux nommé « porte-fort d’engagement », cela pour distinguer le porte-fort de ratification stricto sensu (où il s’agit d’obtenir du tiers qu’il reprenne à son compte un acte conclu dans cette attente par le porte-fort lui-même) du « porte-fort de conclusion », comme en l’espèce, où il s’agit d’obtenir du tiers qu’il conclue un contrat futur (suffisamment précisé – ce dont on pouvait d’ailleurs douter en l’espèce, ce qui fait que la validité du contrat n’était peut-être pas irréprochable quant à la détermination de l’objet). Le fait du tiers peut être, en second lieu, « une prestation de ce tiers » et il s’agit alors d’un « porte-fort d’exécution », redécouvert récemment en jurisprudence (et consacré indirectement par la réforme du droit des contrats, grâce à la formule large du nouvel article 1204). Sur les différents types de porte-fort, et notamment ce dernier, v. « Le sacre du porte-fort d’exécution et son retour au sein du droit commun des contrats », RDC 2014, n° 110r8, p. 347.
V. JCP G 2018, p. 182, obs. Grosser P.
Sur lequel, v. Boulanger J., La promesse de porte-fort et les contrats pour autrui, 1933, Paris, Librairie Dalloz, spéc. n° 70, p. 143 et s.
Notamment, Cass. com., 1er avr. 2014, n° 13-10629 : « attendu que le porte-fort, débiteur d’une obligation de résultat autonome, est tenu envers le bénéficiaire de la promesse, des conséquences de l’inexécution ».
Pour une explication détaillée, v. « Le sacre du porte-fort d’exécution et son retour au sein du droit commun des contrats », RDC 2014, n° 110r8, p. 347.
V. « Le sacre du porte-fort d’exécution et son retour au sein du droit commun des contrats », RDC 2014, n° 110r8, p. 347.
Cass. 1re civ., 26 nov. 1975, n° 74-10356 : Bull. civ. I, n° 351.
En ce sens, v. JCP G 2018, p. 182, obs. Grosser P.
Cass. com., 19 mai 1969 : Bull. civ. IV, n° 180.
Formule que la cour d’appel avait, en l’espèce, reprise à son compte pour fonder la résolution qu’elle avait prononcée.
Dans cet arrêt, qui concernait une promesse de porte-fort insérée dans une cession d’entreprise, il était question d’obtenir le respect par des tiers (les anciens associés) d’une obligation de non-concurrence. Cette obligation avait été violée et devant la difficulté à établir et chiffrer le préjudice, le créancier avait préféré demander la résolution de la cession pour violation du porte-fort.
Ce d’autant plus que les principes même de calcul des dommages-intérêts dus en cas d’inexécution du porte-fort de ratification sont sujets à caution car il n’est pas du tout certain qu’il faille attribuer au créancier l’équivalent pécuniaire du bénéfice qu’il aurait retiré du contrat. En présence d’un simple porte-fort de ratification, le porte-fort n’est pas tenu de garantir la bonne exécution de l’engagement du tiers. Ce qui fait qu’« il serait possible d’admettre que l’absence de ratification fait simplement perdre une chance au bénéficiaire de la promesse de voir l’obligation correctement exécutée », v. Ghestin J., Jamin C., Billiau M., Traité de droit civil, Les effets du contrat, 3e éd., 2001,LGDJ, n° 953, p. 1025.
Et sauf pour lui, bien sûr, à renoncer par convention à ce droit, s’il accepte de courir le risque de ne pas profiter des protections spécifiques que lui offre la résolution. Rappelons en effet que la clause d’exclusion de la résolution pour inexécution est, en principe, valable.
V. Delebecque P., AJ Contrat 2018, p. 231.
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