L'impulsion de l'Autorité de la concurrence pour protéger l'agriculteur contractant
Depuis la fin des années 2000, l’Autorité de la concurrence présente, dans plusieurs avis, la « contractualisation » comme un moyen de pallier le déséquilibre dont souffrent les agriculteurs dans leurs relations commerciales avec l’industrie alimentaire et la grande distribution, avec pour arrière-plan l’objectif de les dissuader de nouer des ententes « défensives ». Le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole conforte un mouvement fortement lancé en 2010 dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
Aut. conc., avis n° 18-A-04, 3 mai 2018, relatif au secteur agricole
Projet de loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire », adopté par l’Assemblée nationale le 31 mai 2018
Défaillance de la théorie générale du contrat face au pouvoir de marché. – Depuis le début des années 2000, le Conseil de la concurrence s’est intéressé à de nombreux secteurs de l’agriculture et de l’élevage parce que les agriculteurs cédaient à la tentation de nouer des ententes sur le prix de vente1, soit pour contrecarrer un rapport de force très éprouvant avec les industriels de la transformation et la grande distribution, soit parce qu’ils subissaient de graves crises2. L’Autorité a donc mis son expertise d’analyse économique des marchés au service des agriculteurs. Le monde[...]
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Cons. conc., déc. n° 00-D-01, 22 févr. 2000, relative à des pratiques constatées dans le secteur des fruits et légumes ; Cons. conc., déc. n° 03-D-36, 29 juill. 2003, relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché des fraises produites dans le Sud-Ouest ; Cons. conc., déc. n° 06-D-21, 21 juill. 2006, relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des eaux-de-vie de cognac par le Bureau national interprofessionnel du cognac ; Cons. conc., déc. n° 05-D-10, 15 mars 2005, relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché du chou-fleur de Bretagne.
Aut. conc., avis n° 08-A-07, 7 mai 2008 relatif à l’organisation économique de la filière fruits et légumes ; Aut. conc., avis n° 09-A-48, 2 oct. 2009, relatif au fonctionnement du secteur laitier ; Aut. conc., avis n° 10-A-28, 13 déc. 2010, relatif à deux projets de décret imposant la contractualisation dans des secteurs agricoles ; Aut. conc., avis n° 11-A-11, 12 juill. 2011, relatif aux modalités de négociation des contrats dans les filières de l’élevage dans un contexte de volatilité des prix de matières premières agricoles ; Aut. conc., avis n° 11-A-03, 15 févr. 2011, relatif à un accord interprofessionnel dans le secteur ovin ; Aut. conc., avis n° 11-A-04, 25 févr. 2011, relatif à un projet de décret précisant le contenu des accords de modération des marges de distribution prévus par l’article L. 611-4-1 du Code rural et de la pêche dans le secteur des fruits et légumes ; Aut. conc., avis n° 11-A-12, 27 juill. 2011, relatif à un accord interprofessionnel dans le secteur de la dinde ; Aut. conc., avis n° 11-A-14, 26 sept. 2011, relatif à un accord interprofessionnel dans le secteur viticole. Pour une vue d’ensemble v. étude thématique « Agriculture et concurrence », Rapport annuel 2012.
V. déjà Canivet G., « Restaurer la concurrence par les prix. Les produits de grande consommation et les relations entre industrie et commerce », 2004, La Documentation française.
Canivet G. et Jenny F., « Pour une réforme du droit de la concurrence », rapport d’une commission ad hoc du Club des Juristes, janv. 2018.
Canivet G., « Restaurer la concurrence par les prix. Les produits de grande consommation et les relations entre industrie et commerce », rapport d’une commission ad hoc du Club des Juristes, janv. 2018.
Fasquelle D., « Agriculture et concurrence : condamnation du titre IV ou nouvelle jeunesse ? », Concurrences, à paraître.
Bosco D. et Prieto C., « Politiques de concurrence », in Droit européen de la concurrence, Les ententes et abus de position dominante, 2013, Bruylant.
Rey P., Tirole J., « Régulation des relations entre fournisseurs et distributeurs », rapport du Conseil d’analyse économique, 2000, La Documentation française.
Fasquelle D., « Agriculture et concurrence : condamnation du titre IV ou nouvelle jeunesse ? », Concurrences, à paraître. C’était en effet tirer toutes les conséquences des défaillances gravissimes des ministres de l’Économie successifs dans la mise en œuvre du contrôle des concentrations. Puisque le contrôle préventif avait échoué, il convenait dans l’intérêt général d’instituer un mécanisme a posteriori à titre exceptionnel.
Aut. conc., déc. n° 12-D-08, 6 mars 2012, relative à la commercialisation des endives.
Du règlement n° 26/62 du Conseil du 4 avril 1962 relatif à l’application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce de produits agricoles au règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés de produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil, JOUE, L 347/671, 20 déc. 2013.
Théry-Schultz J., Traversa B. et Selinsky V., Séminaire Nasse, sept. 2014 ; RLC 2015, n° 44.
CJCE, 15 mai 1975, n° 71/75, NVVFG et Frubo ; CJCE, 29 oct. 1980, n° 139/79, Maizena ; CJCE, 12 déc. 1995, Oude Luttikhuis, n° C-399/93 ; CJCE, 30 mars 2000, n° C-265/97P ; CJCE, 9 sept. 2003, n° C-137/00, Milk Farm et National Farmers’Union.
CJCE, 20 nov. 2008, n° C-209/07, Beef Industry e Barry Brothers, affaire Viande bovine irlandaise ; CJCE, 18 déc. 2008, n° C-101/07P, COOP de France bétail, FNSEA et a., affaire Viande bovine française.
CJUE, 14 nov. 2017, n° C-671/15, APVE et a.
Règl. n° 2017/2013, 13 déc. 2017.
Aut. conc., avis n° 09-A-48, 2 oct. 2009 relatif au fonctionnement du secteur laitier, pts 109 à 131.
V. égal. étude thématique « Agriculture et concurrence », Rapport annuel 2012, p. 127 à 131. V. spéc. p. 131 : « Pour garantir aux producteurs une meilleure anticipation de leurs revenus en leur permettant de gérer au mieux la volatilité des cours, l’Autorité a, dès 2008, préconisé et encouragé le recours à la contractualisation, comme outil de régulation des marchés, fondée sur l’idée d’un partenariat gagnant-gagnant entre, d’un côté, les producteurs et, de l’autre, les transformateurs et les distributeurs. Il s’agit d’un mécanisme de partage du risque entre le vendeur et l’acheteur, le premier s’assurant notamment contre les situations où les cours sont au-dessous du prix mentionné dans le contrat, le second s’assurant contre les situations inverses. La formalisation de leurs relations contractuelles est de nature à constituer un gage de prévisibilité économique et de sécurité juridique accru. La contractualisation est, dans cette mesure, de nature à permettre aux agriculteurs de réagir aux variations brutales des cours et de mieux prévoir le niveau de leurs revenus sur une période de un à cinq ans. Elle peut aussi, en fonction du niveau des garanties retenu, constituer un élément de rééquilibrage du pouvoir de négociation contractuelle entre l’amont et l’aval, en réintroduisant une certaine équité contractuelle dans une logique proconcurrentielle ».
Sur cette notion de bien commun, v. Tirole J., Économie du bien commun, 2016, PUF.
Tirole J., Économie du bien commun, 2016, PUF, p. 129.
CE, 31 janv. 2018, avis consultatif sur le projet de loi relatif à l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable.
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