Heureux les prestataires d'investissement, la prescription les protège !
Qu’un manquement du prestataire d’investissement à son obligation d’évaluer la situation financière de son client ne donne pas, en lui-même, naissance à un préjudice ne saurait surprendre. Que l’arrêt commenté refuse en l’espèce et pour cette seule raison de se prononcer sur le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité invoquant un tel manquement, voilà qui ne saurait convaincre.
Cass. com., 3 mai 2018, n° 16-16809
1. Il est des arrêts de la Cour de cassation dont la motivation est si cryptique qu’on peine à en découvrir le sens. Ces décisions laissent aux esprits chagrins (ou lucides ?) tout loisir de s’interroger sur les véritables motivations de la haute juridiction. L’arrêt commenté en offre un exemple frappant : la Cour de cassation a-t-elle entendu protéger, jusqu’à l’excès, les prestataires de services d’investissement. S’est-elle, plus grave encore, emparée d’un faux prétexte pour s’abstenir de trancher la – difficile – question dont elle était saisie ? Rien dans les faits de l’espèce, dépourvus de toute originalité, ne laissait pourtant présager que l’arrêt laisserait le commentateur interdit.
2. Par mandat du 4 septembre 1999, une fille et sa mère avaient confié à une banque un contrat de gestion de profil « dynamique » du portefeuille des titres dont elles étaient respectivement nue-propriétaire et[...]
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Aussi peut-on concevoir qu’intrinsèquement le manquement à l’obligation de s’enquérir de la situation financière du client ne cause pas de préjudice : il le fait en ce qu’il implique nécessairement un manquement au devoir de conseil subséquent. Contra : Storck M., note sous Cass. com., 7 avr. 2010, n° 09-66519, RTD com. 2010, p. 750.
V. par ex. Cass. 1re civ., 4 juin 2014, n° 13-10975 : Bull. civ. I, n° 104.
Cass. com., 9 déc. 2014, n° 13-23673 : qui admet l’existence d’une « perte de chance de mieux investir leurs capitaux » subis par des investisseurs mal informés.
Pour un rappel de cette évidence : Cass. 3e civ., 1er oct. 2008, n° 07-16273 : Bull. civ. III, n° 145.
V. par ex. Cass. com., 26 janv. 2010, n° 08-18354 : Bull. civ. IV, n° 21 – Cass. com., 20 oct. 2009, n° 08-20274 : Bull. civ. IV, n° 127.
V. not. Cass. 1re civ., 9 juill. 2009, n° 08-10820 : Bull. civ. I, n° 172, qui fixe le point de départ de la prescription aux premières difficultés de remboursement rencontrées par le débiteur.
V. par ex. Cass. soc., 26 avr. 2006, n° 03-47525 : Bull. civ. V, n° 146, s’agissant d’un cas de responsabilité contractuelle et Cass. 3e civ., 13 sept. 2006, n° 05-12018 : Bull. civ. III, n° 174, dans une hypothèse de responsabilité extracontractuelle.
V. surtout Klein J., Le point de départ du délai de prescription, 2013, Economica, préf. Molfessis N., p. 510 et s., qui démontre que dans cette hypothèse l’ignorance est une condition de l’existence même du droit substantiel.
Borghetti J.-S., note sous Cass. com., 26 janv. 2010, n° 08-18354, RDC 2010, p. 843.
V. en ce sens Legeais D., note sous Cass. com., 26 janv. 2010, n° 08-18354, JCP E, 2010, 1153. V. aussi Mazeaud D., note sous Cass. com., 20 oct. 2009, n° 08-20274, RDC 2010, p. 30.
Cass. com., 4 mai 2017, n° 15-22830 ; Cass. com., 13 déc. 2016, n° 14-28097, qui se réfèrent « au jour où la caution a su, par la mise en demeure qui lui a été adressée » que son engagement allait être mis à exécution.
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Plan
- 1Heureux les prestataires d’investissement, la prescription les protège !
- 1.1I – Du préjudice consécutif au manquement du prestataire d’investissement à son obligation d’évaluer la situation financière du client
- 1.2II – Du point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité fondée sur le manquement du prestataire d’investissement à son obligation d’évaluer la situation financière du client