Mésentente entre associés et nomination d'un mandataire judiciaire : un revirement discutable
A priori loin du droit des biens et du droit des contrats, la question de la nomination d’un mandataire judiciaire en cas de mésentente entre les associés y est en réalité intimement liée. La nomination d’un tel acteur par le juge est normalement subordonnée à la « paralysie » du contrat de société pouvant conduire à sa disparition et concerne la gestion du patrimoine social en lieu et place des organes de la société, même si l’intensité de l’intervention peut varier. C’est la raison pour laquelle l’arrêt rendu le 21 juin 2018 mérite une attention particulière en ce qu’il semble revenir sur les conditions nécessaires pour demander la nomination d’un mandataire judiciaire en cas de mésentente entre les associés.
Cass. 3e civ., 21 juin 2018, n° 17-13212
La société est un contrat1 et donne naissance à un être moral doté en cette qualité d’un patrimoine2. La modification des conditions de nomination d’un mandataire judiciaire, lequel interfère nécessairement avec la relation contractuelle voulue par les associés, suscite donc l’intérêt dans le cadre de cette chronique. Par un arrêt rendu le 21 juin 2018 et promis à une très large diffusion, la troisième chambre civile de la Cour de cassation prend des libertés par rapport aux conditions traditionnelles de nomination d’un mandataire judiciaire en cas de mésentente entre associés. À suivre la haute juridiction, le constat de la mésentente[...]
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Ce droit est d’ordre public. V. Cass. com., 9 févr. 1999, n° 96-17661 : Bull. civ. IV, n° 44 ; JCP E 1999, p. 724, note Guyon Y. ; Rev. sociétés 1999, p. 81, note Le Cannu P. ; RJ com. 1999, p. 269, note Dom J.-P. ; RTD com. 1999, p. 902, note Reinhard Y.
La cour d’appel s’est fondée sur les articles 1855 et 1856 du Code civil relatifs au droit à l’information des associés dans la société civile.
V. not. Cass. com., 6 févr. 2007, n° 05-19008 : Bull. civ. IV, n 28 ; RTD com. 2007, p. 373, obs. Champaud C. et Danet D. ; Dr sociétés 2007, n° 73, obs. Hovasse H. ; Dr. & patr. juin 2008, n° 171, p. 110, obs. Poracchia D. ; D. 2008, p. 383, obs. Hallouin J.-C. et Lamazerolles E. La solution constante depuis l’arrêt Fruehauf (CA Paris, 22 mai 1965 : JCP 1965, II, 14274 bis). On notera que cette solution était aussi appliquée par la troisième chambre civile (Cass. 3e civ., 30 juin 2015, n° 13-25685 : Rev. sociétés 2016, p. 49, note Naudin E.). Sur ces conditions, v. not. Lecourt B., « Questions autour de l'administrateur provisoire », JCP E 2016, p. 1384.
Rappelons qu’aux termes de l’article 1832 du Code civil, la société peut être instituée par la volonté d’une seule personne lorsque la loi l’autorise et que l’article 1100-1 du Code civil prévoit que les actes juridiques obéissent, en tant que de raison, au régime du droit des contrats.
Cass. com., 21 oct. 1997, n° 95-21156 : Bull. civ. IV, n° 280 ; D. 1997, p. 251 ; Rev. sociétés 1998, p. 310, note Matsopoulou H. ; Dr sociétés 1998, comm. 3, note Bonneau T. ; BJS févr. 1998, n° 46, p. 119, note Petit B. − CA Paris, 29 janv. 1993 : RTD com. 1993, p. 666, obs. Champaud C. et Danet D.
C. civ., art. 1228 : « Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts. » Sur les pouvoirs du juge en matière de résolution judiciaire, v. Genicon T., La résolution du contrat pour inexécution, 2007, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, préf. Leveneur L.
La tenue des comptes et la convocation des assemblées générales sont sans aucun doute des actes de gestion dont le gérant répond à l’égard des associés (v. C. civ., art. 1850).
Saintourens B., obs. sous Cass. 3e civ., 21 juin 2018, n° 17-13212 : Lexbase hebdo, éd. Affaires, 12 juill. 2018, n° 560.
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