Quand le droit de la consommation protège les étudiants
La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’un juge national statuant par défaut et ayant le pouvoir, selon les règles de procédure internes, d’examiner d’office la contrariété entre la clause qui sert de base à la demande et les règles nationales d’ordre public est tenu d’examiner d’office si le contrat contenant cette clause relève du champ d’application de cette directive et, le cas échéant, le caractère éventuellement abusif de ladite clause.
Sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, l’article 2, sous c), de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’un établissement d’enseignement libre, tel que celui en cause au principal, qui, par contrat, est convenu avec l’une de ses étudiantes de facilités de paiement de sommes dues par cette dernière au titre de droits d’inscription et de frais liés à un voyage d’études, doit être considéré, dans le cadre de ce contrat, comme un « professionnel », au sens de cette disposition, de sorte que ledit contrat relève du champ d’application de cette directive.
CJUE, 17 mai 2018, n° C-147/16
1. Contexte. Il est devenu classique d’affirmer que le droit de la consommation couvre un champ de plus en plus vaste au point de s’immiscer dans des relations qui paraissent de[...]
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Sur la détermination du champ d’application du droit de la consommation, v. Julien J., « La consumérialité », Études en la mémoire de Philippe Neau-Leduc, 2018, LGDJ, p. 537.
CJUE, 17 mai 2018, n° C-147/16, Karel de Grote-Hogeschool Katholieke Hogeschool Antwerpen VZW c/ Susan Romy Jozef Kuijpers : Contrats, conc. consom. 2018, comm. 141, obs. Bernheim-Desvaux S. ; Europe juill. 2018, comm. 281, obs. Daniel E. ; AJ Contrat 2018, p. 333, obs. Legrand V.
Formellement, deux questions sont posées à la Cour de justice, mais il s’agit en réalité d’une seule et même interrogation, qui concerne la qualité de professionnel de l’établissement d’enseignement. D’ailleurs, la Cour n’y apporte qu’une seule réponse (v. infra, n° 4).
CJCE, 26 oct. 2006, n° C-168/05, Mostaza Claro ; CJCE, 4 juin 2009, n° C-243/08, Sté Pannon GSM Zrt c/ Mme Erzsébet Sustikné Gyorfi.
V. en ce sens Aubert de Vincelles C., « La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de droit de la consommation » in Picod Y. (dir.), Le droit européen de la consommation, 2018, Mare et Martin, p. 35, spéc. nos 4, 17 et s.
La Cour cite par analogie l’arrêt du 30 mai 2013, n° C-488/11, Asbeek Brusse et de Man Garabito, point 42.
Ce texte dispose que « les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives ».
Antérieurement à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du Code de la consommation, il s’agissait de l’article L. 141-4, alinéa 2. Ce texte a donc été délégalisé, ce que l’on peut regretter. V. en ce sens Sauphanor-Brouillaud N. et Aubry H., « Recodification du droit de la consommation. – À propos de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 », JCP G 2016, 392.
CJUE, 9 nov. 2010, n° C-137/08 VB Pénzügyi Lízing.
Rappr. Aubert de Vincelles C., « La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de droit de la consommation » in Picod Y. (dir.), Le droit européen de la consommation, 2018, Mare et Martin, p. 35, n° 19.
CJUE, 4 juin 2015, n° C-497/13, Faber.
CJUE, 21 avr. 2016, n° C-377/14, Radlinger et Radlingerova.
Aubert de Vincelles C., « La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de droit de la consommation » in Picod Y. (dir.), Le droit européen de la consommation, 2018, Mare et Martin, p. 35, n° 21.
Par cette disposition, le législateur a en effet souhaité mettre fin à une jurisprudence de la Cour de cassation dans le domaine du crédit à la consommation (v. par ex. Cass. 1re civ., 15 févr. 2000, n° 98-12713, rendu au visa des anciens articles L. 311-2, L. 311-8 et L. 311-10 du Code de la consommation : « Attendu que la méconnaissance des exigences des textes susvisés, même d’ordre public, ne peut être opposée qu’à la demande de la personne que ces dispositions ont pour objet de protéger »).
V. par ex. Cass. ch. mixte, 7 juill. 2017, n° 15-25651 : « Attendu que si le juge n’a pas, sauf règles particulières, l’obligation de changer le fondement juridique des demandes, il est tenu, lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application des règles d’ordre public issues du droit de l’Union européenne, telle la responsabilité du fait des produits défectueux, même si le demandeur ne les a pas invoquées » ; v. égal. Cass. 1re civ., 19 févr. 2014, n° 12-23519, rendu au visa de l’article L. 213-1 du Code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles L. 211-1 à L. 211-17 du Code de la consommation et l’article 12 du Code de procédure civile : « Qu’en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, la vente avait été conclue entre un vendeur agissant au titre de son activité professionnelle et un acheteur agissant en qualité de consommateur, en sorte qu’il lui incombait de faire application, au besoin d’office, des dispositions d’ordre public relatives à la garantie légale de conformité, la juridiction de proximité a violé les textes susvisés ».
La Cour cite l’arrêt du 30 mai 2013, n° C 488/11, Asbeek Brusse et de Man Garabito.
CJCE, 7 déc. 1993, n° C-109/92, Wirth c/ Landeshauptstadt Hannover.
V. égal. CJUE, 3 oct. 2013, n° C-59/12, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs, ayant considéré que la directive du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur « doit être interprétée en ce sens que relève de son champ d’application personnel un organisme de droit public en charge d’une mission d’intérêt général, telle que la gestion d’un régime légal d’assurance maladie ».
Le droit de l’Union européenne lui-même semble aller dans le même sens de manière plus générale. V. directive n° 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, envisageant « l’appréciation, selon les critères généraux fixés, du caractère abusif des clauses notamment dans les activités professionnelles à caractère public fournissant des services collectifs prenant en compte une solidarité entre usagers ». V. en ce sens Péglion-Zika C.-L., La notion de clause abusive, Étude de droit de la consommation, préf. Leveneur L., 2018, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, t. 585, n° 28.
Rappr. Legrand V., AJ Contrat 2018, p. 333.
V. en ce sens Péglion-Zika C.-L., La notion de clause abusive, Étude de droit de la consommation, préf. Leveneur L., 2018, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, t. 585, n° 76.
V. par ex. Comm. clauses abusives, recommandation n° 91-01, 7 juill. 1989, Établissements d'enseignement ; recommandation n° 10-01, 11 févr. 2010.
V. par ex. Cass. 1re civ., 13 déc. 2012, n° 11-27766 ; Cass. 1re civ., 12 mai 2011, n° 10-15786 ; Cass. 1re civ., 10 févr. 1998, n° 96-13316.
V. par ex. Julien J., Droit de la consommation, 2e éd., 2017, LGDJ, Précis Domat, n° 19 ; rappr. Bazin-Beust D., Droit de la consommation, 3e éd., 2018, Lextenso, Mémentos LMD, p. 29-30 ; Calais-Auloy J. et Temple H., Droit de la consommation, 9e éd., 2015, Dalloz, n° 5 ; Legac-Pech S., Droit de la consommation, 1re éd., 2017, Dalloz, p. 5 ; Picod Y., Droit de la consommation, 4e éd., 2018, Sirey, n° 42, ces auteurs opérant une distinction entre les services publics collectifs et gratuits et les services publics onéreux ; comp. Amar J., « Plaidoyer en faveur de la soumission des services publics administratifs au droit de la consommation », Contrats, conc. consom. 2002, chron. 2, selon lequel la notion de gratuité peut se révéler trompeuse.
Il serait cependant préférable de se référer aux activités professionnelles en général (rappr. C. consom., art. L. 311-1, 1°)
V. en ce sens Pellier J.-D., Droit de la consommation, 1re éd., 2016, Dalloz, Cours, n° 13.
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