Les « torts réciproques » dans la résolution du contrat
En autorisant la résolution du contrat aux torts réciproques alors que toutes les parties n’ont pas manqué à leurs obligations respectives, la Cour de cassation modifie l’institution : d’une sanction de l’inexécution, la résolution glisse vers une sanction de la mésentente accessible à ceux dont le désaccord est si profond qu’ils ne parviennent même pas à sortir du contrat par la voie du mutuus dissensus. Le risque, à terme, est de faire dépendre le maintien du contrat de l’absence de conflit entre les parties.
Cass. 3e civ., 6 sept. 2018, n° 17-22026
La résolution pour les « manquements respectifs des parties à leurs obligations contractuelles »1 et la résolution « aux torts réciproques »2 désignent-elles une seule et même réalité ? Ces deux expressions sont-elles synonymes ? Une doctrine particulièrement autorisée le pense en soutenant, examen du contentieux à l’appui, que les « torts réciproques » ne sont rien d’autre que les « manquements réciproques » des parties à leurs engagements3. L’arrêt rapporté, auquel la Cour de cassation donne une large publicité, rompt avec cette analyse : un cocontractant peut être en « tort » bien qu’il n’ait pas manqué à ses obligations.
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V. par ex. Cass. com., 18 oct. 2011, n° 10-30871 ; Cass. 3e civ., 3 févr. 2009, n° 08-10253 ; Cass. com., 5 déc. 2000, n° 98-12827 ; Cass. com., 11 mars 1974, n° 73-10099 : Bull. civ. IV, n° 83.
L’expression « torts partagés » est pareillement utilisée, v. par ex. Cass. 3e civ., 30 oct. 2013, n° 12-16321.
V. Genicon T., La résolution du contrat pour inexécution, 2007, LGDJ, préf. Leveneur L., nos 993 et s. ; Grosser P., Les remèdes à l’inexécution du contrat : essai de classification, thèse, 2000, Paris 1, nos 720 et s.
V. CA Grenoble, 23 mai 2017, n° 14/01165.
V. par ex. Cass. com., 13 mai 1997, n° 95-14948 ; Cass. com., 11 juill. 1962 : Bull. civ. IV, n° 359.
Ce que le juge doit rechercher, une fois le manquement constaté, v. par ex. Cass. com., 29 mars 2017, n° 15-25742.
V. par ex. Cass. com., 18 oct. 2017, n° 15-14640.
V. par ex. Cass. 3e civ., 18 févr. 2016, n° 14-29835 ; Cass. 1re civ., 24 oct. 2006, n° 05-16598 ; Cass. com., 29 mai 2001, n° 97-18580.
V. Genicon T., La résolution du contrat pour inexécution, 2007, LGDJ, préf. Leveneur L., n° 278 et la jurisprudence citée.
V. par ex. Cass. 1re civ., 20 juin 1995, n° 93-16959 : Bull. civ. I, n° 267. V. égal. Fages B., Droit des obligations, 8e éd., 2018, LGDJ, n° 311.
V. Cass. 3e civ., 15 juin 2011, n° 10-20748 ; Cass. 3e civ., 8 févr. 1977, n° 75-14289 : Bull. civ. III, n° 64.
V. CA Grenoble, 23 mai 2017, n° 14/01165.
Rappr. Cass. 3e civ., 7 juin 2011, n° 09-17103 (appréciant la légitimité du motif d’un refus).
V. Cass. 1re civ., 6 mars 1996, n° 93-21728 : Bull. civ. I, n° 118.
Tallon D., « La résolution du contrat aux torts réciproques », in Mélanges offerts à Charles Freyria, 1994, Ester, p. 231, spéc. p. 235.
Tallon D., « La résolution du contrat aux torts réciproques », in Mélanges offerts à Charles Freyria, 1994, Ester, p. 231. V. par ex. censurant un arrêt pour défaut de base légale : Cass. com., 18 oct. 2011, n° 10-30871 ; Cass. 1re civ., 11 mai 1976, n° 75-11129 : Bull. civ. I, n° 166 – Cass. com., 7 janv. 1975, n° 73-12731 : Bull. civ. IV, n° 4.
V. par ex. Larroumet C. et Bros S., Les obligations. Le contrat, 9e éd., 2018, Economica, n° 714. Pour une illustration, avec une répartition de ¾ et ¼, v. Cass. com., 6 mars 1984, n° 82-11350 : Bull. civ. IV, n° 92.
Sur les diverses méthodes d’évaluation, variables selon les circonstances, v. les riches développements de Genicon T., La résolution du contrat pour inexécution, 2007, LGDJ, préf. Leveneur L., nos 991 et s. V. égal. Bénabent A., Droit des obligations, 17e éd., 2018, Lextenso, n° 403.
Pour une illustration de l’appréciation par le juge des comportements respectifs, v. Cass. 1re civ., 18 juill. 1995, n° 93-16338 : Bull. civ. I, n° 322, qui retient des torts exclusifs alors que les deux parties avaient manqué à leurs obligations.
Genicon T., La résolution du contrat pour inexécution, 2007, LGDJ, préf. Leveneur L., n° 230.
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