Pas d'action directe du sous-acquéreur sur le fondement de la garantie légale de conformité
Par cette décision, la Cour de cassation affirme que le sous-acquéreur d’un bien, ayant la qualité de consommateur, ne peut pas agir directement contre le fabricant sur le fondement de la garantie légale de conformité du Code de la consommation. Contrairement aux apparences, la solution ne remet pas en cause la jurisprudence sur le transfert des actions dans les chaînes de contrats. Elle s’explique par le fait que le vendeur intermédiaire, lorsqu’il est un professionnel, ne dispose pas d’une action contre le fabricant qu’il pourrait transmettre au sous-acquéreur.
Cass. 1re civ., 6 juin 2018, n° 17-10553
Cet arrêt rendu le 6 juin 20181 par la première chambre civile de la Cour de cassation est le premier, à notre connaissance, qui tranche la question de savoir si le sous-acquéreur d’un bien peut agir directement contre le fabricant sur le fondement de la garantie légale de conformité du Code de la consommation (C. consom., art. L. 217-3 et s., anc. art. L.211-3 et s.)2.
À première vue, c’est en faveur d’une telle action directe que l’on est tenté de se prononcer.
On sait en effet que les juridictions françaises accordent au sous-acquéreur, qui reçoit la chose au terme d’une chaîne de contrats dite translative de propriété, une action directe contractuelle contre les vendeurs antérieurs, y compris le fabricant3. Cette action lui permet notamment de se prévaloir de la garantie des vices cachés, de[...]
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Cass. 1re civ., 6 juin 2018, n° 17-10553 : Gaz. Pal. 11 sept. 2018, n° 329z9, p. 35, obs. Piedelièvre S. ; AJ Contrat 2018, 377, note Mainguy D.
Ces textes, d’origine européenne (directive du 25 mai 1999 sur la garantie des biens de consommation), transposés en droit français par une ordonnance du 17 février 2005 (ratifiée par une loi du 5 avril 2006), instituent une « garantie de conformité » au profit de l’acheteur consommateur contre le vendeur professionnel, laquelle ne doit pas être confondue avec l’obligation de délivrance conforme déduite par la jurisprudence de l’article 1604 du Code civil.
Sur cette construction et ses limites, voir notamment le débat : « Vente de l’immeuble et transmission des actions en justice : ordre ou désordre ? », RDC 2014, n° 111f7, p. 766, avec les contributions de Bacache M., Cayrol N., Cottet M., Faure-Abbad M., Jourdain P., Pelletier C., Poumarède M. et Puig P. Adde Cass. 3e civ., 26 nov. 2014, nos 13-22067 et 13-22505 : Deshayes O., « La nature de l’action directe intentée contre le fournisseur du sous-traitant », RDC 2015, n° 111x4, p. 243.
Sur le champ de la transmission des « actions » dans les chaînes de contrats : Deshayes O., La transmission de plein droit des obligations à l’ayant cause à titre particulier, t. V, 2004, LGDJ, Bibliothèque de l’Institut André Tunc, nos 50 et s.
V. part. : Cass. 1re civ., 21 janv. 2003, n° 00-15781 : Bull. civ. I, n° 18 ; Defrénois 30 sept. 2003, n° 37810, p. 1172, obs. Aubert J.-L. : « Il est de principe que le sous-acquéreur jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur de sorte qu’il dispose, le cas échéant, de l’action en responsabilité contractuelle dont son vendeur aurait bénéficié s’il avait conservé la propriété de ladite chose » (mis en italique par nos soins).
V. les références citées infra en note.
Cass. 1re civ., 3 nov. 2016, n° 15-18340 : « Attendu que, pour condamner la société Elektroclima fabricant, in solidum avec M. Y chauffagiste, à verser à M. et Mme X acheteurs finaux diverses indemnités, l’arrêt retient que, si celle-ci est en droit d’opposer à la société ANCS vendeur intermédiaire l’ensemble des clauses d’exclusion figurant dans les documents contractuels qu’elles ont établis, la protection de l’acquéreur profane doit conduire à déclarer inopposable à celui-ci la clause d’exclusion de garantie des vices cachés ; Qu’en statuant ainsi, alors que M. et Mme X, sous-acquéreurs, exerçaient l’action qui appartenait au vendeur intermédiaire, la société ANCS, dont elle avait relevé qu’elle était un professionnel du chauffage, liée à la société Elektroclima par des relations d’affaires, la cour d’appel a violé les textes susvisés C. civ., art. 1641, 1643 et 1645 ». Contra curieusement : Cass. 1re civ., 2 juill. 2014, n° 13-11753.
Cass. 1re civ., 13 juill. 2004, n° 01-12040 ; Cass. 1re civ., 7 juin 1995, n° 93-13898 ; Cass. com., 28 janv. 2004, n° 02-11522 ; Cass. com., 26 mai 2010, n° 07-11744.
Cass. 1re civ., 6 juin 2018, n° 17-17438 : Contrats, conc. consom. 2018, comm. 169, obs. Leveneur L. ; D. 2018, p. 2166, note Grimaldi C.
On ne s’arrêtera pas, ici, sur le fait que la Cour fait démarrer le délai de prescription au jour de la vente alors que l’article 1648 du Code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, prévoit que la garantie des vices cachés se prescrit par deux ans « à compter de la découverte du vice ». Il semble que le délai dont il a été question dans l’affaire soit un délai « butoir » à l’intérieur duquel la Cour considère que l’action doit être engagée. Sur cette solution, v. les commentaires préc.
En ce sens, le revirement opéré par Cass. 3e civ., 27 juin 2001, n° 99-21017 : Rapp. C. cass., 2001, p. 433 ; D. 2001, p. 2995, concl. Weber J.-F. ; D. 2001, p. 2998, note Karila J.-P. ; RDI 2001, p. 493, obs. Leguay G. et RDI 2001, p. 525, note Malinvaud P. ; JCP G 2001, II, 10626, note Malinvaud P. ; Defrénois 15 janv. 2002, p. 64, Périnet-Marquet H.
Cass. 3e civ., 12 juill. 2018, n° 17-20627 : JCP G 2018, 1041, note Larroumet C., Constr.-Urb. 2018, comm. 122, obs. Pagès de Varenne M.-L. – Cass. 3e civ., 27 mars 2013, n° 12-13840 : Constr.-Urb. 2013, comm. 75, obs. Pagès de Varenne M.-L.
Cass. com., 22 mai 2002, n° 99-11113 (l’affaire concernait un maître de l’ouvrage agissant directement contre un sous-traitant).
Cass. 3e civ., 16 nov. 2005, n° 04-10824 : RDC 2006, p. 330, obs. Mazeaud D.
Cass. civ., 25 janv. 1810 : S. 1819-1821, 1, p. 171 – CA Rennes, 9 avr. 1870 : D. 1872, 2, p. 110.
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