Le juge constitutionnel face au temps des contrats
Depuis quelques années, le Conseil constitutionnel a bâti une jurisprudence qui vise à préserver les contrats en cours. Cette jurisprudence intéresse non seulement les nouvelles dispositions adoptées par le Parlement, mais aussi, de façon plus étonnante, les dispositions abrogées par le Conseil lui-même dans le contentieux de la question prioritaire de constitutionnalité. Le présent article tente de dessiner les contours de cette jurisprudence originale et controversée.
Il n’est jamais simple d’aborder la question des relations entre le Conseil constitutionnel et les contrats.
D’abord parce que, contrairement aux autres juges (judiciaire et administratif), le Conseil n’est pas en prise directe avec l’univers des contrats ; il examine seulement la législation intervenant dans le vaste territoire des conventions pour dire si, oui ou non, cette législation est conforme aux droits et libertés garantis par la constitution. Cela, évidemment, a pu faire naître quelques déceptions : on attend parfois du juge constitutionnel qu’il évoque un aspect précis de droit des contrats, qu’il « valide » une interprétation controversée de la Cour de cassation ou du Conseil d’État, qu’il mobilise dans son argumentation la notion de cause, le concept d’imprévision ou les vices du consentement. Mais de[...]
L'accès à l'intégralité de ce document est réservé aux abonnés
Cons. const., 10 juin 1998, n° 98-401 DC : Rec. cons. const., p. 258.
Pour une analyse plus fine de cette évolution, qu’il me soit permis de renvoyer à : Rousseau D., Gahdoun P.-Y. et Bonnet J., Droit du contentieux constitutionnel, 2016, LGDJ, Précis Domat.
Cons. const., 4 juill. 1989, n° 89-254 DC : Rec. cons. const., p. 41.
CEDH, 28 oct. 1999, nos 24846/94 et 34165/96 à 34173/96, Zielinski, Pradal, Gonzalès et a.
Cons. const., 21 déc. 1999, n° 99-422 DC, cons. 64 : JO, 30 déc. 1999, p. 19730.
Cons. const., 3 août 1994, n° 94-348 DC : Rec. cons. const., p. 117.
Cons. const., 20 mars 1997, n° 97-388 DC : Rec. cons. const., p. 31.
Roubier le disait déjà dans son Droit transitoire : « Dans la mesure où la liberté des contrats est admise, il est bien naturel qu’au point de vue de la technique juridique, cette liberté conduise à mettre le contrat hors d’atteinte du législateur, sinon l’autonomie des volontés privées ne serait plus qu’un leurre » (Roubier P., Le droit transitoire. Conflits de lois dans le temps, 2e éd., 2008, Dalloz, p. 398).
Cons. const., 13 janv. 2000, n° 99-423 DC : Rec. cons. const., p. 33 – Cons. const., 7 août 2008, n° 2008-568 DC : Rec. cons. const., p. 352 – Cons. const., 4 août 2016, n° 2016-736 DC : JO, 9 août 2016, texte n° 8.
Cons. const., 5 août 2015, n° 2015-715 DC : JO, 7 août 2015, p. 13616 :« Les dispositions des articles L. 341-1 et L. 341-2 ne sont applicables qu'à l'expiration d'un délai d'un an suivant la promulgation de la loi ; que, dans ces conditions et au regard de l'objectif poursuivi par le législateur, les dispositions des articles L. 341-1 et L. 341-2 ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté contractuelle et aux conventions légalement conclues. »
Cons. const., 12 janv. 2018, n° 2017-685 QPC : JO, 13 janv. 2018, texte n° 107.
Cons. const., 6 avr. 2018, n° 2018-697 QPC : JO, 7 avr. 2018, texte n° 93.
« Le principe de survie du droit ancien est celui des régimes conservateurs, où on ne modifie pas, par voie de réforme interne, les institutions existantes, où on se borne à édifier des institutions parallèles pour satisfaire à des besoins nouveaux » : Roubier P., Le droit transitoire. Conflits de lois dans le temps, 2e éd., 2008, Dalloz, p. 345 (l’auteur exclut de cette critique, il est vrai, le domaine des contrats).
Cons. const., 25 janv. 1985, n° 85-187 DC : JO, 26 janv. 1985, p. 1137.
Cons. const., 24 oct. 2012, n° 2012-656 DC : JO, 27 oct. 2012, p. 16699.
Cons. const., 13 juin 2013, n° 2013-672 DC : JO, 16 juin 2013, p. 9976.
Cons. const., 18 juill. 2014, n° 2014-410 QPC : JO, 20 juill. 2014, p. 12117.
Cons. const., 9 déc. 2011, n° 2011-205 QPC : JO, 10 déc. 2011, p. 20991.
Testez gratuitement Lextenso !
Plan
- 1Constitution et contrat
- 1.1Constitution et contrats – Introduction
- 1.2Les règles constitutionnelles de répartition des compétences normatives en matière contractuelle
- 1.3La codification des principes constitutionnels dans le Code civil
- 1.4La codification des principes constitutionnels dans le Code de la commande publique
- 1.5Table ronde : les réformes du droit des contrats civils et administratifs sont-elles inconstitutionnelles ?
- 1.6Le juge constitutionnel face au temps des contrats
- 1.7Le juge constitutionnel face à la volonté des parties
- 1.8Table ronde : un ordre public contractuel constitutionnel ?