La faute dolosive est inassurable : la deuxième chambre civile de la Cour de cassation persiste et signe
L’arrêt commenté réaffirme qu’est inassurable non seulement la faute intentionnelle, mais encore la faute dolosive, c’est-à-dire, semble-t-il, la faute délibérée de l’assuré devant inéluctablement entraîner la réalisation du dommage. Loin d’être une nécessité logique commandée par le caractère aléatoire du contrat d’assurance, la solution n’est qu’affaire de politique juridique, et prête donc à la discussion.
Cass. 2e civ., 25 oct. 2018, n° 16-23103
1. Quelles fautes sont si graves que leur auteur ne peut prétendre bénéficier de la couverture de son assureur ? Ignorant la lettre même de l’article L. 113-1 du Code des assurances, qui vise la faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré, la Cour de cassation a longtemps restreint la catégorie des fautes inassurables aux fautes intentionnelles. Dans la lignée de quelques précédents jurisprudentiels, l’arrêt commenté admet au contraire que la seule faute dolosive suffit à écarter le bénéfice de l’assurance.
En l’espèce, par trois lettres des 2 avril 2007, 24 mars et 22 octobre 2009, les deux propriétaires d’une partie d’une grange avaient averti leur voisin, propriétaire de l’autre partie de la grange, qu’en l’absence de travaux de consolidation, la couverture de l’immeuble était vouée à un effondrement certain. L’immeuble s’étant finalement effondré le 27 mai 2010, deux jours après le passage d’un[...]
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V. par exemple : Cass. 1re civ., 27 mai 2003, n° 10-10478 : Bull. civ. I, n° 125.
Cass. 3e civ., 7 oct. 2008, n° 07-17969 : « qu’ayant souverainement retenu que la société GHTP s’était volontairement abstenue d’exécuter les travaux conformément aux prévisions contractuelles et avait délibérément violé par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles, sans ignorer que des désordres allaient apparaître très rapidement, la même faute pouvant être imputée à la société Soderef qui avait pour obligation d’assurer le contrôle des travaux, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées, a pu en déduire que ces manquements délibérés constituaient une faute dolosive ayant pour effet de retirer aux contrats d’assurance leur caractère aléatoire ». La troisième chambre civile a ensuite, semble-t-il, abandonné cette acception de la faute dolosive ; v. infra Cass. 2e civ., 12 sept. 2013, n° 12-24650 : Bull. civ. II, n° 168 : « La cour d’appel a pu retenir par une décision motivée, répondant aux conclusions, que M. X avait volontairement tenté de franchir le cours d’une rivière avec un véhicule non adapté à cet usage et qu’il avait ainsi commis une faute dolosive excluant la garantie de l’assureur ». V. aussi Cass. 2e civ., 28 févr. 2013, n° 12-12813 : Bull. civ. II, n° 44, qui distingue soigneusement faute dolosive et intentionnelle.
Cass. 3e civ., 29 juin 2017, n° 16-14264. V. aussi : Cass. 3e civ., 29 mars 2017, n° 15-20512.
Étant précisé que la chambre criminelle semble admettre, comme la deuxième chambre civile, le caractère non assurable de la faute dolosive : Cass. crim., 6 déc. 2015, n° 15-81592.
V. sur ce point : Bigot J., Pélissier A. et Mayaux L., « Faute intentionnelle, faute dolosive, faute volontaire : le passé, le présent et l’avenir », RGDA févr. 2015, n° 111v3, p. 75.
Aux termes de l’article L. 132-7 du Code des assurances, l’assurance est nulle si l’assuré se donne la mort volontairement au cours de la première année du contrat, efficace s’il se suicide postérieurement. À l’évidence, pourtant, l’effet sur l’aléa est le même, et l’on peut uniquement constater que si le suicide est immédiatement consécutif à la conclusion du contrat, l’assuré en avait peut-être le projet dès la date de conclusion du contrat, de sorte que l’aléa n’a pas disparu, mais n’a en réalité jamais existé.
Kullman J., « L’assuré fautif : après le faisan et le malfaisant, le risque-tout », RGDA janv. 2014, n° 110d3, p. 8.
C’est finalement en ce sens que se comprend l’annexe I de l’article A 243-1 du Code des assurances qui édicte des clauses-types applicables aux contrats d’assurance de responsabilité décennale. Est prévue une déchéance, inopposable à la victime, à la charge de l’assuré « en cas d’inobservation inexcusable des règles de l’art ».
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