Le contrat complexe ou l'ubiquité du lieu d'exécution du contrat de transport
En matière de contrat de transport avec escale, la Cour de justice confirme, par les deux décisions commentées, la compétence simultanée du tribunal du lieu de départ et du lieu de destination finale du transport, quel que soit le transporteur concerné.
CJUE, 7 mars 2018, n° C-274/16
CJUE, 11 juill. 2018, n° C-88/17
1. L’affaire Flightright1 posait, outre une intéressante question de qualification2, également une question d’identification du lieu d’exécution des obligations nées du contrat. Si la réponse que donne la Cour de justice de l’Union européenne à cette question est plus classique que celle qu’elle a donnée à la question de qualification, elle appelle tout de même le commentaire, d’autant qu’elle a été reprise, à quelques mois d’intervalle, dans un récent arrêt Zurich.
Dans les deux cas étaient en cause des contrats de transports, de personnes dans l’affaire Flightright et de marchandises dans l’affaire Zurich. Et, dans les deux cas, la Cour de justice reprend la solution qu’elle avait déjà adoptée dans l’affaire Rehder3.
Dans l’affaire Rehder, la Cour de justice avait raisonné en termes de « contrats complexes », c’est-à-dire de la même manière qu’en présence de délits complexes. Elle avait ainsi considéré que l’éparpillement des lieux d’exécution de la prestation de service – en l’occurrence un transport aérien – avait pour effet de démultiplier les[...]
L'accès à l'intégralité de ce document est réservé aux abonnés
CJUE, 7 mars 2018, nos C-274/16, C-447/16 et C-448/16, Flightright : D. 2018, p. 1366, note Dupont P. et Poissonnier G. ; RTD com. 2018, p. 518, obs. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast A. ; D. 2018, p. 1934, obs. Bollée S.
Sur laquelle v. supra, « Revirement et extension du champ de la “matière contractuelle” dans les relations à trois personnes », RDC janv. 2019, n° 115v5, p. 85.
CJCE, 9 juill. 2009, n° C-204/08 : D. 2009, p. 1904 ; D. 2010, p. 1585, obs. Courbe P. et Jault-Seseke F. ; D. 2011, p. 1445, obs. Kenfack H. ; RTD com. 2009, p. 825, obs. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast A. ; RTD eur. 2010, p. 195, chron. Grard L.
V. en ce sens Marmisse-d’Abbadie d’Arrast A., note préc.
CJUE, 11 juill. 2018, n° C-88/17, Zurich.
Quoique de manière à nouveau ambiguë, l’alternative étant professée expressément au point 63 des conclusions (« le lieu d’expédition et le lieu de destination sont donc tous deux des lieux principaux d’exécution au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b) du règlement Bruxelles 1, tandis que, de manière générale, les lieux de chargement ne le sont pas ») avant d’être curieusement obscurcie une ligne plus tard (point 64 : « je propose de répondre à la question déférée (…) de la manière suivante : Dans le cas d’un contrat de transport de marchandises entre États membres dans lequel les marchandises sont acheminées en plusieurs étapes et par différents modes de transport, le ou les lieux de fourniture des services au sens de l’article 5, point 1, sous b) (…) comprennent le lieu de l’expédition »).
V. ainsi tout particulièrement CJUE, 25 oct. 2011, nos C-509/09 et C-161/10, eDate : Rev. crit. DIP 2012, p. 389, note Muir Watt H. ; D. 2012, p. 1228, obs. Gaudemet- Tallon H. ; D. 2012, p. 1279, note Azzi T. ; D. 2012, p. 1285, chron. Bollée S. et Haftel B. ; D. 2012, p. 2331, obs. D’Avout L. ; RTD com. 2012, p. 423, obs. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast A. ; RTD com. 2012, p. 554, obs. Pollaud-Dulian F. ; JCP G 2012, p. 28, note Francq S. ; Europe 2011, comm. 499, obs. Idot L. ; RLDI 2011/10, n°°76, obs. Costes L. ; RLDI 2012/1, n° 78, note Pech L. ; Comm. com. électr. 2012, chron. 1, nos 6 et 10, obs. Ancel M.-E. Sur l’ensemble, v. Gaudemet-Tallon H. et Ancel M.-E., Compétence et exécution des jugements en Europe, 6e éd., 2018, LGDJ, Droit des affaires, § 228 et s.
CJUE, 7 mars 2018, nos C-274/16, C-447/16 et C-448/16, Flightright, pt. 75 ; CJUE, 11 juill. 2018, n° C-88/17, Zurich, pt. 24.
Dans l’affaire Wood Floor (CJUE, 11 mars 2010, n° C-19/09 : RDC 2010, p. 1395, note Treppoz E. ; D. 2010, p. 2331, obs. Bollée S. ; D. 2011, p. 1374, obs. Jault-Seseke F. ; Europe 2010, comm. 149, obs. Idot L. ; Procédures 2010, comm. 270, obs. Nourissat C.), la Cour de justice avait d’ailleurs décidé de disqualifier le critère du lieu d’exécution en l’absence de lieu d’exécution principale des services.
V. Haftel B., « Le titulaire du droit au respect de la vie privée, nouvelle partie faible du procès international », Justice 2018, p. 43, et Haftel B., « Droit international privé et numérique », in Le juge et le numérique : un défi pour la justice du XXIe siècle, actes du colloque du 8 juin 2018 à la Cour de cassation, Dalloz, Thèmes et commentaires, à paraître. V. toutefois Farnoux E., Les considérations substantielles dans le règlement de la compétence internationale des juridictions : réflexions autour de la matière délictuelle, thèse, 2017, université Paris 1.
CJUE, 25 févr. 2010, n° C‑381/08, Car Trim : D. 2010, p. 1837, note Azzi T. ; D. 2010, p. 1592, obs. Jault-Seseke F. ; D. 2010, p. 2331, obs. Bollée S. ; Europe 2010, comm. 148, obs. Idot L. ; Procédures 2010, comm. 178, obs. Nourissat C. – CJUE, 9 juin 2011, n° C-87/10, Electrosteel : RDC 2012, p. 173, obs. Treppoz E. ; D. 2011, p. 2434, obs. D’Avout L. ; D. 2012, p. 1144, obs. Witz C. ; D. 2012, p. 1234, obs. Jault-Seseke F. ; JCP G 2011, p. 1002, note Martel D.
CJCE, 3 mai 2007, n° C-386/05, Color Drack : Europe 2007, comm. 196, obs. Idot L. ; D. 2007, p. 1604, obs. Gallmeister I. ; D. 2007, p. 2573, obs. Bollée S. ; RJ com. 2007, p. 444, note Raynouard A. Mais il est vrai qu’en cas d’impossibilité de déterminer ce lieu de livraison principal, la Cour envisageait de laisser le choix au demandeur (pt 42).
Testez gratuitement Lextenso !