Nullités de la période suspecte : à la recherche de l'équilibre entre le tiers contractant, le débiteur insolvable et ses créanciers
À l’époque des faits, le droit bulgare frappait automatiquement de nullité les actes réalisés par le débiteur durant la période suspecte. La Cour européenne des droits de l’homme estime que cette approche mécanique met à la charge du tiers contractant l’ensemble des conséquences de la nullité. Son constat de violation invite à donner plus de poids à certaines circonstances telles que la nature de l’acte encourant la nullité, la bonne ou la mauvaise foi du tiers ou encore le préjudice pour les créanciers du débiteur insolvable. Les nullités facultatives du droit français offrent suffisamment de souplesse pour répondre à cette invitation. En revanche, la rigidité du système des nullités de droit et les conditions sur lesquelles il repose soulèvent des interrogations.
CEDH, 5 juill. 2018, n° 41299/09
L’affaire Boyadzhieva et Gloria International Limited EOOD c/ Bulgarie confronte une nouvelle fois la Cour européenne des droits de l’homme au problème de l’annulation d’un contrat et de ses conséquences patrimoniales pour l’une des parties1. L’existence même d’une ingérence dans les droits garantis par la convention européenne des droits de l’homme, singulièrement le droit au respect des biens (art. 1-P1) qui a vocation à saisir toute atteinte au patrimoine2, pourrait parfois être discutée. Les restitutions réciproques consécutives à la nullité sont destinées à rétablir l’équilibre initial entre les[...]
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À tel point que la seule mise en jeu de la responsabilité civile s’analyse en une atteinte à un bien ; v. CEDH, gde ch., 11 déc. 2018, n° 36480/07, Lekić c/Slovénie, à propos de la radiation d’une société à responsabilité limitée et de l’engagement de la responsabilité personnelle d’un associé minoritaire au titre d’une dette qu’elle avait contractée ; si la législation sanctionnant les associés relève, dans une perspective globale, de la règlementation de l’usage des biens, le bien objet de la restriction demeure cependant indéterminé et ne peut guère être autre chose que le patrimoine lui-même – rappr. Cass. 1re civ., 28 janv. 2009, n° 07-11729 : JDI (Clunet) 2009, p. 1237, note Marchadier F.
Qui, dans certaines circonstances, soulève pourtant une difficulté au regard de la Conv. EDH ; v. CEDH, 1er déc. 2009, n° 4301/01, Velcea et Masare c/Roumanie, § 133 : D. 2011, p. 472, obs. Fauvarque-Cosson B. ; AJDA 2010, p. 997, chron. Flauss J.-F. ; RDC 2010, p. 981, obs. Marguénaud J.-P.
Cass. com., 26 mars 2013, n° 12-40106 : RTD com. 2013, p. 351, obs. Martin-Serf A. ; RJDA 9/2013, n° 738 ; Rev. proc. coll. 2015, p. 130, note Blanc G.
Par exemple, Cass. com., 16 févr. 1993, n° 91-11235 : Rev. proc. coll. 1994, p. 254, note Lemistre B. ; JCP G 1993, II, 3704 ; JCP E 1993, I, 277, spéc. n° 9, obs. Petel P. et Cabrillac R. ; au contraire, sur le fondement du droit antérieur, la Cour de cassation estimait que la masse des créanciers n’avait alors pas d’intérêt à agir – Cass. com., 17 janv. 1962 : Bull. civ. IV, n° 39.
Au sens européen du terme, ce qui inclut également les sûretés ; en ce sens, CEDH, 23 févr. 1995, Gasus Dosier und Fordertechnik Gmbh c/Pays-Bas.
Par exemple, Cass. com., 5 mai 2015, n° 14-13551, D.
Sur laquelle, v. GACEDH, 8e éd., 2017, nos 66.11 et s. ; Jean-Baptiste W., L’espérance légitime, 2011, Institut Universitaire Varenne.
Cass. com., 23 janv. 2001, n° 98-10975 : D. 2001, p. 2509, note Bimes-Arbus S.
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