Retour sur la notion de fourniture non demandée
La notion de « fourniture non demandée », au sens de l’annexe I, point 29, de la directive du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, doit être interprétée en ce sens qu’elle couvre des comportements consistant, pour un opérateur de télécommunications, à commercialiser des cartes SIM sur lesquelles sont préinstallés et préalablement activés certains services, tels que la navigation sur Internet et la messagerie vocale, sans avoir préalablement et de manière adéquate informé le consommateur de cette préinstallation et activation préalable ni des coûts de ces services. La présente décision permet de revenir sur la notion de fourniture non demandée, qui semble unitaire au regard du droit de l’Union européenne alors qu’elle est plurale en droit français.
CJUE, 13 sept. 2018, n° C-54/17
1. Contexte. La téléphonie mobile est aujourd’hui devenue un secteur économique incontournable touchant un très grand nombre de consommateurs. Dès lors, il n’est pas étonnant que les juridictions se montrent particulièrement attentives à la protection de ces derniers tant les pratiques commerciales douteuses se multiplient en ce domaine. L’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 13 septembre 20181 en offre une belle illustration : en l’espèce, par deux décisions du 6 mars 2012,[...]
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CJUE, 13 sept. 2018, nos C-54/17 et C-55/17 : Comm. com. électr. 2018, comm. 83, obs. Loiseau G. ; Dalloz actualité 5 oct. 2018, obs. Maximin N. ; Europe 2018, comm. 440, obs. Péraldi-Leneuf F. ; Gaz. Pal. 11 déc. 2018, n° 328n1, p. 33, obs. Piédelièvre S.
Corrélativement, la directive du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs prévoit, en son article 27, que « le consommateur est dispensé de l’obligation de verser toute contre-prestation en cas de fourniture non demandée d’un bien, d’eau, de gaz, d’électricité, de chauffage urbain ou de contenu numérique, ou de prestation non demandée de services, en violation de l’article 5, paragraphe 5, et de l’annexe I, point 29, de la directive 2005/29/CE. Dans ces cas, l’absence de réponse du consommateur dans un tel cas de fourniture ou de prestation non demandée ne vaut pas consentement ».
La Cour cite, par analogie, l’arrêt du 18 octobre 2012 : CJUE, 18 oct. 2012, n° C-428/11, Purely Creative e.a., pt 53.
Sur cette notion, v. Paisant G., Défense et illustration du droit de la consommation, 2015, LexisNexis, n° 143.
La Cour cite l’arrêt du 12 mai 2011 : CJUE, 12 mai 2011, n° C-122/10, Ving Sverige, pt 22.
Les juges affirment en effet qu’« il n’apparaît pas de manière évidente qu’un acheteur moyen de carte SIM puisse être conscient du fait que, lorsqu’il achète une telle carte, celle-ci contient d’office des services de messagerie vocale et de navigation sur internet préinstallés et préalablement activés qui sont susceptibles de générer des frais additionnels, ou du fait que, lorsqu’il l’insère dans son téléphone mobile, ou dans tout autre appareil, permettant la navigation sur internet, des applications ou l’appareil lui-même sont susceptibles de se connecter à son insu à Internet ni qu’il ait une maîtrise technique suffisante pour effectuer seul les réglages nécessaires pour désactiver ces services ou ces connections [sic] automatiques sur son appareil. Conformément à ce considérant 18, il appartient cependant à la juridiction de renvoi de déterminer la réaction typique du consommateur moyen dans des circonstances telles que celles en cause au principal » (pt 52).
La directive du 11 mai 2005 prévoit en effet, en son considérant 17, qu’« [a]fin d’apporter une plus grande sécurité juridique, il est souhaitable d’identifier les pratiques commerciales qui sont, en toutes circonstances, déloyales. L’annexe I contient donc la liste complète de toutes ces pratiques. Il s’agit des seules pratiques commerciales qui peuvent être considérées comme déloyales sans une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9. Cette liste ne peut être modifiée que par une révision de la directive ».
CJUE, 7 sept. 2016, n° C-310/15, Deroo-Blanquart.
V. en ce sens Sauphanor-Brouillaud N. avec le concours de Poillot E., Aubert de Vincelles C. et Brunaux G., Les contrats de consommation. Règles communes, 2013, LGDJ, Traités, Traité de droit civil, n° 256, affirmant que « ces indices, pas plus que les éléments constitutifs, n’ont à être pris en compte en présence de l’une des pratiques réputées agressives en toutes circonstances figurant dans la “liste noire” de l’article L. 122-11-1 ».
V. en ce sens Calais-Auloy J. et Temple H., Droit de la consommation, 9e éd., 2015, Dalloz, n° 105 ; Pellier J.-D., Droit de la consommation, 2e éd., 2019, Dalloz, Cours, n° 52.
Il s’agit là d’une transposition de l’annexe I, point 21, de la directive du 11 mai 2005, visant le fait d’« inclure dans le matériel promotionnel une facture ou un document similaire demandant paiement qui donne au consommateur l’impression qu’il a déjà commandé le produit commercialisé alors que ce n’est pas le cas ». Sur les sanctions applicables en la matière, v. C. consom., art. L. 132-1 et s. V. à ce sujet Calais-Auloy J. et Temple H., Droit de la consommation, 9e éd., 2015, Dalloz, n° 568, qui y voient « une pratique voisine, plus répréhensible encore ».
L’alinéa 2 de ce texte précise que « [l]es dispositions du présent article s’appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d’eau, de gaz ou d’électricité lorsqu’ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée ainsi que sur la fourniture de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur support matériel ».
V. en ce sens Picod Y., Droit de la consommation, 4e éd., 2018, Sirey, n° 160, affirmant que « l’essentiel est que la pratique soit prohibée, sans double emploi ».
L’alinéa 2 de l’article L. 132-16 précise, au sujet des ventes et prestations de services sans commande préalable, que « [l]e professionnel doit, en outre, restituer les sommes qu’il aurait indûment perçues sans engagement exprès et préalable du consommateur. Ces sommes sont productives d’intérêts au taux légal à compter de la date du paiement indu et d’intérêts au taux légal majoré de moitié à compter de la demande de remboursement faite par le consommateur ».
Rappr. Calais-Auloy J. et Temple H., Droit de la consommation, 9e éd., 2015, Dalloz, n° 566 ; Julien J., Droit de la consommation, 2e éd., 2017, LGDJ, Précis Domat, n° 128.
Des peines complémentaires sont prévues par les articles L. 132-12 et L. 132-18.
On observera cependant que la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous a ajouté, s’agissant des pratiques agressives, l’obligation du tribunal, en cas de condamnation, d’ordonner, « par tous moyens appropriés, l’affichage ou la diffusion de l’intégralité ou d’une partie de la décision ou d’un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de celle-ci » (C. consom., art. L. 132-11, al. 3).
Selon ce texte, « [l]es règles relatives à la prohibition de la vente forcée par correspondance sont définies par l’article R. 635-2 du Code pénal ».
V. par ex. Calais-Auloy J. et Temple H., Droit de la consommation, 9e éd., 2015, Dalloz, n° 566 et s. ; Pellier J.-D., Droit de la consommation, 2e éd., 2019, Dalloz, Cours, n° 62 ; Picod Y., Droit de la consommation, 4e éd., 2018, Sirey, n° 163 et s. ; Piédelièvre S., Droit de la consommation, 2e éd., 2014, Economica, n° 167 et s.
Rappr. Raymond G., Droit de la consommation, 4e éd., 2017, LexisNexis, n° 486. V. égal. Ambroise-Castérot C., « La recodification 2016 du Code de la consommation… ou le chemin de croix du pénaliste », AJ pénal 2016, p. 374.
Ce texte prévoit qu’« [e]st également interdit le fait de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L. 121-1 ».
CJCE, 23 avr. 2009, n° C-261/07, ayant considéré que la directive du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, « doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause dans les litiges au principal, qui, sauf certaines exceptions et sans tenir compte des circonstances spécifiques du cas d’espèce, interdit toute offre conjointe faite par un vendeur à un consommateur ». V. à ce sujet Stoffel-Munck P., « L’infraction de vente liée à la dérive…Observations sur les malfaçons du droit de la consommation », JCP G 2009, 84.
Rappr. Ambroise-Castérot C., « La recodification 2016 du Code de la consommation… ou le chemin de croix du pénaliste », AJ pénal 2016, p. 374 ; Paisant G., Défense et illustration du droit de la consommation, 2015, LexisNexis, n° 182.
V. en ce sens Vogel L. et Vogel J., Traité de droit économique. Droit de la consommation, t. 3, 2017, Bruylant, n° 233.
Selon ce texte, « avant que le consommateur soit lié par un contrat ou une offre, le professionnel doit obtenir le consentement exprès du consommateur à tout paiement supplémentaire à la rémunération convenue au titre de l’obligation contractuelle principale du professionnel. Si le professionnel n’a pas obtenu le consentement exprès du consommateur, mais qu’il l’a déduit en ayant recours à des options par défaut que le consommateur doit rejeter pour éviter le paiement supplémentaire, le consommateur peut prétendre au remboursement de ce paiement ».
V. en ce sens Picod Y., Droit de la consommation, 4e éd., 2018, Sirey, n° 244.
Sur la procédure applicable en la matière, v. Pellier J.-D., Droit de la consommation, 2e éd., 2019, Dalloz, Cours, n° 284.
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