La mesure des dommages-intérêts : question de fait ou question de droit ?Libres réflexions au travers du prisme de la minimisation du préjudice
La mesure des dommages-intérêts relève-t-elle du fait ou du droit ? Les deux ! Elle procède, d’abord, de choix d’ordre juridique. Ce n’est qu’ensuite que le fait prend le relais du droit. Au travers du prisme de l’obligation de minimiser le dommage, l’on se propose de démontrer cette double appartenance chronologique, au droit comme au fait, de la mesure des dommages-intérêts, ce Janus bifrons.
Question de fait ? Question de droit ? Bien épineuse est la question de la mesure des dommages-intérêts, et grand clerc est qui peut y répondre sans désemparer.
S’il fallait résoudre le débat en termes binaires, on aurait tôt fait d’opter pour la première branche de l’alternative. Puisque le Quai de l’horloge « se refuse en principe à contrôler les méthodes d’évaluation adoptées par les juridictions du fond »1, la question relèverait de la sphère factuelle. Une telle conclusion serait sans doute hâtive, outre qu’elle reposerait sur un raisonnement inductif fort discutable, consistant à inférer la nature du régime.
Il n’en demeure pas moins que, si l’évaluation judiciaire des dommages-intérêts n’est ni le fruit du hasard, ni de l’arbitraire des parlements, le secret qui la nimbe ne permet guère[...]
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Viney G. et Jourdain P., Les effets de la responsabilité, 3e éd., 2010, LGDJ, n° 62.
Laithier Y.-M., « Les règles relatives à l’évaluation du préjudice contractuel (droit anglais, droit français, droit suisse) », Revue de l’Arbitrage 2015, vol. 2, p. 361, spéc. notes nos 99 et s.
Selon l’aphorisme du cardinal de Retz.
V. les exemples cités dans notre article « L’obligation de minimiser son préjudice », RDAI 2016, n° 4, p. 365 et s., tout spécialement p. 367.
V. par ex. Cass. 2e civ., 26 mars 2015, n° 14-16011.
En ce sens, certains auteurs rattachent l’obligation de minimiser le préjudice à la bonne foi. V. par ex. Derains Y., « L’obligation de minimiser le dommage dans la jurisprudence arbitrale », RDAI 1987, p. 375 ; Loquin E., « La réalité des usages du commerce international », RIDE 194 ; Jarvin S., « L’obligation de coopérer de bonne foi : exemples d’application au plan de l’arbitrage international », in L’apport de la jurisprudence arbitrale. Les dossiers de l’Institut, 1986, CCI ; adde Sargos P., cité par MM. Anziani et Béteille dans leur rapport d’information au Sénat n° 558 du 15 juillet 2009. Pour une critique de l’approche morale, v. Ortscheidt J., La réparation du dommage dans l’arbitrage international, 2001, nos 240 et s.
Cayol A., « Confirmation de l’absence d’obligation pour la victime de minimiser son préjudice », Dalloz actualités, 17 avr. 2015.
Selon l’expression éclairante de J.-P. Chazal, « “L’ultra-indemnisation” : une réparation au-delà des préjudices directs », D. 2003, p. 2326.
En ce sens, v. Thibierge L., « L’obligation de minimiser son préjudice », RDAI 2016, n° 4, p. 365 et s.
Selon l’expression de L. Aynès, « Sanction du cautionnement disproportionné », D. 2004, p. 2707.
Puisque la haute juridiction n’en veut point.
T. com. Nanterre, 6e ch., 11 mai 2006, n° 2004F02643.
CA Paris, 27 févr. 2014, n° 10/18285.
V. les exemples jurisprudentiels cités par Y.-M. Laithier, « Les règles relatives à l’évaluation du préjudice contractuel (droit anglais, droit français, droit suisse) », Revue de l’Arbitrage 2015, vol. 2, p. 361, spéc. notes nos 99 et s.
T. com. Nanterre, 6e ch., 11 mai 2006, n° 2004F02643.
Projet de réforme de la responsabilité civile en date du 13 mars 2017, disponible sur le site de la Chancellerie.
Comme le relève M. Nussenbaum, « L’évaluation des préjudices économiques », D.O Actualités 2017/39, n° 10 : « Le juge aura nécessairement à examiner la pertinence et la fiabilité des démonstrations qui lui sont présentées ».
Nussenbaum M., « L’évaluation des préjudices économiques », D.O Actualités 2017/39, n° 10.
Pour le juge anglais, la dernière branche de l’alternative l’emporte : Golden Strait Corporation c/Nippon Yusen Kubishika Kaisha (The Golden Victory), n° 37, cité par Y.-M. Laithier, « Les règles relatives à l’évaluation du préjudice contractuel (droit anglais, droit français, droit suisse) », Revue de l’Arbitrage 2015, vol. 2, p. 361.
En ce sens, Feuardent (de) A., « Notions d’évaluation du préjudice et principales approches financières du dommage », Revue de l’Arbitrage 2015/2, p. 413.
Feuardent (de) A., « Notions d’évaluation du préjudice et principales approches financières du dommage », Revue de l’Arbitrage 2015/2, p. 413.
En ce sens, Nussenbaum M., « L’évaluation des préjudices économiques », D.O Actualités 2017/39, n° 10.
Nussenbaum M., « L’évaluation des préjudices économiques », D.O Actualités 2017/39, n° 10.
Nussenbaum M., « L’évaluation des préjudices économiques », D.O Actualités 2017/39, n° 10.
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Plan
- 1L’évaluation des dommages et intérêts : question de fait ou question de droit ?
- 1.1La mesure des dommages et intérêts : question de fait ou question de droit ?Pour un renforcement du contrôle de la motivation des juges du fond
- 1.2Une évaluation innovante des dommages et intérêts pour traduire les faits en règles de droit et réduire l’imprévisibilité judiciaire
- 1.2.1I – Le principe de la réparation intégrale et son application dans la pratique
- 1.2.1.1A – Introduction de la première partie : la réparation intégrale, toujours recherchée en principe
- 1.2.1.2B – L’apparence conservatrice de la jurisprudence française
- 1.2.1.3C – L’évolution pro-business de la jurisprudence américaine
- 1.2.1.3.11 – L’exigence de certitude raisonnable quant à l’existence du dommage direct (general expectation damages) ne s’applique pas au montant de ce dommage
- 1.2.1.3.22 – L’exigence de certitude raisonnable quant à l’existence et au montant du dommage indirect (consequential damages)
- 1.2.1.3.33 – La mesure du temps
- 1.2.1.4D – La sophistication des méthodes de la jurisprudence arbitrale internationale
- 1.2.1.4.11 – Méthodologie et description de l’échantillon
- 1.2.1.4.22 – Des résultats détaillés contredisant plusieurs idées reçues
- 1.2.1.4.2.1a – Les quantum sont-ils très élevés dans les arbitrages ?
- 1.2.1.4.2.2b – Le quantum prononcé par le tribunal arbitral constitue-t-il un « jugement de Salomon » ?
- 1.2.1.4.2.3c – Les experts nommés par les parties sont-ils subjectifs dans l’estimation des dommages-intérêts ?
- 1.2.1.4.2.4d – Les tribunaux arbitraux sont-ils mieux à même d’estimer le montant des dommages-intérêts ?
- 1.2.1.4.2.5e – Les intérêts composés sont désormais appliqués dans la majorité des cas
- 1.2.1.4.2.6f – L’étude de Credibility Consulting confirme et complète les conclusions de PwC
- 1.2.1.5E – Conclusion de la première partie : la réparation intégrale, rarement atteinte en pratique
- 1.2.2II – Application aux manques à gagner difficilement quantifiables
- 1.2.1I – Le principe de la réparation intégrale et son application dans la pratique
- 1.3La mesure des dommages et intérêts par la Cour de cassation
- 1.4La réparation sans perte, ni profit selon la Cour de cassation ou l’art de transformer une maxime en instrument de contrôle
- 1.4.1I – La cour d’appel n’a pas recherché le préjudice
- 1.4.2II – La cour d’appel n’a pas réparé le préjudice dont elle a reconnu l’existence
- 1.4.3III – La cour d’appel a réparé un préjudice sans en caractériser l’existence
- 1.4.4IV – La cour d’appel a réparé deux fois le même préjudice
- 1.4.5V – La cour d’appel a enrichi la victime
- 1.5La mesure des dommages-intérêts : question de fait ou question de droit ?Libres réflexions au travers du prisme de la minimisation du préjudice