Devoir de loyauté du dirigeant envers la société : pas de responsabilité en cas d'autorisation unanime des associés
Le dirigeant est tenu d’un devoir de loyauté lui interdisant d’exercer, directement ou indirectement, une activité concurrente à celle de la société qu’il dirige. Il n’engage néanmoins pas sa responsabilité à l’égard de celle-ci s’il a reçu, pour ce faire, l’autorisation unanime des associés, même si cette décision n’a pas été formalisée dans le cadre d’une assemblée générale.
Si la reconnaissance du devoir de loyauté du dirigeant envers la société est classique, le présent arrêt évoque une limite particulière : l’autorisation donnée au dirigeant par les associés de faire concurrence à la société. La Cour de cassation se montre favorable à une telle limite à la fois dans son principe, en affirmant de manière très générale que « ne donne pas lieu à responsabilité le fait dommageable portant atteinte à un droit ou à un intérêt dont la victime pouvait disposer, si celle-ci y a préalablement consenti », et dans ses modalités, en permettant aux associés de donner leur accord dans des conditions plus souples que celles traditionnellement applicables en droit des sociétés.
Cass. com., 18 mars 2020, n° 18-17010
Par la nature particulière de sa qualité et de ses fonctions, le dirigeant d’une société est tenu envers cette dernière d’un devoir de loyauté. Les contours de ce devoir dégagé par la jurisprudence se sont progressivement éclaircis, mais des zones d’ombre subsistent. Le[...]
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Cass. com., 7 juin 1994, n° 92-13935 : Rev. sociétés 1995, p. 275, note Vatinet R. ; BJS nov. 1994, n° 336, p. 1232, note Saintourens B. – Cass. com., 24 févr. 1998, n° 96-12638 : BJS juill. 1998, n° 266, p. 813, note Petit B. ; JCP G 1999, II 10003, note Keita M. ; D. 1999, p. 100, note Picod Y. ; Rev. sociétés 1998, p. 546, note Coquelet M.-L. – Cass. com., 6 juin 2001, n° 98-16390 : Contrats, conc. consom. 2001, comm. 158, note Malaurie-Vignal M.
Cass. com., 12 févr. 2002, n° 00-11602 : Dr. & patr. 2002, n° 104, p. 94, obs. Poracchia D. ; Dr. sociétés 2002, comm. 146, note Bonneau T. ; BJS mai 2002, n° 137, p. 617, note Saintourens B.
Cass. com., 15 nov. 2011, n° 10-15049 : Dr. sociétés 2012, comm. 24, note Roussille M. ; JCP E 2011, 1893, note Couret A. et Dondero B. ; D. 2012, p. 134, obs. Lienhard A. ; BJS févr. 2012, n° 116, p. 112, note Le Nabasque H.
Sur ce débat, v. Le Nabasque H., « Le développement du devoir de loyauté en droit des sociétés », RTD com. 1999, p. 273 : l’auteur présente un fondement alternatif au contrat du devoir de loyauté en droit des sociétés « le pouvoir, détaché du contrat ».
Le Nabasque H., « Le développement du devoir de loyauté en droit des sociétés », RTD com. 1999, p. 273 ; Daigre J.-J., « Le petit air anglais du devoir de loyauté des dirigeants », in Le juge et le droit de l'économie. Mélanges en l'honneur de Pierre Bézard, 2002, Montchrestien, p. 79 ; Caussain J.-J., « À propos du devoir de loyauté des dirigeants de sociétés », in Études offertes à Barthélemy Mercadal, 2002, Francis Lefebvre, p. 303 ; Nurit-Pontier L., « Devoir de loyauté », JCl. Sociétés Traité, fasc. 45-10, spéc. nos 4 et 22 ; Godon L., « L’obligation de non-concurrence des dirigeants sociaux », BJS janv. 1999, n° 1, p. 5.
Brun P., Responsabilité civile extracontractuelle, 8e éd., 2018, LexisNexis, p. 347.
Cass. com., 22 janv. 2008, n° 06-21160 : RTD civ. 2008, p. 294, obs. Fages B. À l’inverse, certains contrats renferment des clauses de non-renonciation (non-waiver clauses) spécifiant que le comportement des parties, et en particulier l’inaction du créancier face à une inexécution du débiteur, ne saurait être interprété comme une renonciation aux droits issus du contrat : Fages B., Droit des obligations, 10e éd., 2020, LGDJ, n° 263.
Sur la question de l’expression du consentement de la société, v. l’excellente étude de M. Samuel François : François S., Le consentement de la personne morale, 2020, LGDJ, préf. Fages B, p. 31 et s. L’auteur y distingue en particulier l’extériorisation de la volonté de la personne morale par ses organes de représentation de la détermination de cette volonté par ses organes de décision.
Hamelin J.-F., Dr. sociétés 2020, comm. 81, en particulier l’analyse conduisant à la conclusion selon laquelle « la vertu “légitimante” de l’unanimité semble parfaitement justifiée ». Sur les hypothèses dans lesquelles le consentement unanime peut constituer un mode de décision alternatif en cours de vie sociale, v. François S., Le consentement de la personne morale, 2020, LGDJ, préf. Fages B, nos 205 et s.
Hamelin J.-F., Dr. sociétés 2020, comm. 81.
Cass. com., 29 janv. 2020, n° 18-15179 : BJS mai 2020, n° 120s6, p. 31, note Coquelet M.-L. ; Dr. sociétés 2020, comm. 81, note Hamelin J.-F. ; Rev. sociétés 2020, p. 289, note Schiller S. ; RDC juin 2020, n° 116v8, p. 63, note Heinich J. V. déjà : Cass. com., 12 mai 2015, n° 14-13744 : Rev. sociétés 2016, p. 99, note Lecourt B. ; BJS sept. 2015, n° 113x0, p. 443, note Danos F. ; RTD civ. 2015, p. 880, obs. Barbier H. ; JCP E 2015, 1338, note Dondero B. ; Dr. sociétés 2015, comm. 148, note Gallois-Cochet D.
En ce sens, Gallois-Cochet D., Dr. sociétés 2015, comm. 148 ; Barbier H., RTD civ. 2015, p. 880 ; v. égal. sur cette question : Lecourt B., Rev. sociétés 2016, p. 99, et Danos F., BJS sept. 2015, n° 113x0, p. 443.
Heinich J., RDC juin 2020, n° 116v8, p. 63.
En ce sens également, Hamelin J.-F., Dr. sociétés 2020, comm. 81.
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