De la sanction d'une fraude à « coloration » paulienne, sans action paulienne, par le principe fraus omnia corrumpit mais sur le fondement de la cause illicite
Un faible prix de vente peut n’encourir aucun grief au titre de la vileté du prix mais constituer l’indice d’une fraude destinée à évacuer un bien du patrimoine du vendeur, menacé par ses créanciers. Dans ce cas, si l’action paulienne ne peut être exercée, l’action générale de fraude peut l’être, y compris indirectement sur le fondement de la cause illicite.
Cass. 3e civ., 25 juin 2020, no 19-15788
Si la cause est désormais un astre mort, ses derniers rayons à nous atteindre éclairent encore sur son aptitude à assurer la police de la licéité contractuelle. Il faut dire que la question du « Pourquoi ? », quelle que soit la notion utilisée pour la poser, demeure indispensable pour sonder la raison d’être d’un contrat : celle immédiate, inhérente à ce qu’il procure typiquement à chacun, comme celle plus lointaine, assimilée au mobile poursuivi par chaque partie. On aura reconnu la cause objective, ou cause de l’obligation, et la cause subjective, ou cause du contrat, dont la doctrine puis la jurisprudence ont dessiné les contours et l’utilité respective : à la première le contrôle de l’existence de la cause, à la seconde le contrôle de sa licéité. Cette distinction, claire dans l’absolu, peut être obscurcie en pratique lorsqu’une autre notion d’un maniement délicat – la théorie de la fraude – vient compliquer la partie. Aussi sait-on gré à la[...]
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V. par ex. Cass. 1re civ., 4 nov. 2010, n° 07-21303 : Bull. civ. I, n° 222, et Cass. 3e civ., 13 oct. 2004, n° 03-12035 : Bull. civ. III, n° 170.
Comp. not. Cass com., 23 oct. 2007, n° 06-13979 : RDC 2008, p. 234, obs. Genicon T. ; Dr. & patr. mensuel 2008, n° 170, p. 92, obs. Aynès L. ; D. 2008, p. 954, note Chantepie G. ; Defrénois 2007, art. 38697, n° 74, obs. Libchaber R., et Cass. 3e civ., 29 mars 2006, n° 05-16032 : Bull. civ. III, n° 88 ; D. 2007, p. 477, note Ghestin J. ; RDC 2006, p. 1072, obs. Mazeaud D.
Cass. 3e civ., 24 oct. 2012, n° 11-21980 : Dr. & patr. mensuel 2013, n° 225, p. 69, obs. Aynès L. et Stoffel-Munck P. – même sens, Cass. 3e civ., 11 févr. 2014, n° 12-25756 : Gaz. Pal. 3 juill. 2014, n° 184u2, p. 15, obs. Houtcieff D. – et désormais Cass. com., 22 mars 2016, n° 14-14218 : RDC 2016, n° 113h4, p. 435, obs. Laithier Y.-M.
Cass. 1re civ., 13 janv. 1993, n° 91-11871 : Bull. civ. I, n° 5 ; JCP G 1993, II 22027, note Ghestin J. – Cass. com., 14 mai 1996, n° 94-11124 : Bull. civ. IV, n° 134 ; RTD civ. 1997, p. 943, obs. Mestre J.
Roman B., « La nature juridique de l’action paulienne », Defrénois 30 avr. 2005, n° 38146, p. 655, spéc. nos 21 et s.
Cass. com., 8 oct. 1996, n° 93-14068 : Bull. civ. IV, n° 227.
Cass. 1re civ., 30 mai 2006, n° 02-13495 : Bull. civ. I, n° 268 ; Defrénois 15 déc. 2006, n° 38498, p. 1863, obs. Libchaber R.
Motulsky H., Principes d’une réalisation méthodique du droit privé. La théorie des éléments générateurs des droits subjectifs, 2020, Dalloz, réimpression de l’éd. 1948, Sirey, n° 16.
C. civ., art. 1167 anc.
Le nouvel article précise seulement la nécessité d’établir la collusion du tiers en cas d’acte à titre onéreux.
Sur cette évolution, v. not. Ghestin J., « La fraude paulienne », in Mélanges G. Marty, 1978, PUSS, p. 569.
Dross W., JCl. Civil Code, Art. 1341-2, nos 8 et 13.
V. not. Sautonie-Laguionie L., La fraude paulienne, 2008, LGDJ, p. 167 et s. ; Aubert J.-L., Savaux É. et Flour J., Droit civil. Les obligations, t. 3, « Le rapport d’obligations », 9e éd., 2015, Sirey, n° 96.
La cour de Paris fut à l’origine de cette innovation (CA Paris, 5 juill. 1926 : DH 1926, p. 472, timidement confirmé par un arrêt de rejet de la chambre civile qui n’en repris pas la motivation : Cass. civ., 12 juin 1929 : DH 1929, p. 445), qu’elle généralisa peu après (CA Paris, 23 juill. 1937 : DP 1939, 2, 82, note Radouant J.) et qui fut expressément consacrée par la chambre sociale : Cass soc., 19 déc. 1941 : JCP 1942, II 1809, note. Becqué E. ; RTD civ.1942, p. 26, obs. Mazeaud H. et Mazeaud L.
Cass. 1re civ., 7 juin 1989, n° 87-19473 – Cass. 1re civ., 17 févr. 2016, n° 15-13496 – Cass. 3e civ., 31 mars 2016, n° 14-25604 : Bull. civ. III, n° 848 – Cass. 1re civ., 18 juill. 1995, n° 93-13681 : Defrénois 30 nov. 1995, n° 36210, p. 1410, note Delebecque P. ; D. 1996, Somm., p. 208, obs. Piedelièvre S. – Cass. 3e civ., 22 janv. 1997, n° 95-11960 : Bull. civ. III, n° 16 : JCP G 1997, I 4033, obs. Delebecque P. – Cass. 3e civ., 12 oct. 2005, n° 03-12396 : Bull. civ. III, n° 189 ; D. 2005, p. 2871, obs. Delpech X. – Cass. com., 1er déc. 2009, n° 06-21052.
CA Paris, 5 juill. 1926 : DH 1926, p. 472 – Cass. civ., 12 juin 1929 : DH 1929, p. 445 – Cass. req., 28 août 1940 : S. 1940, 1, p. 103 – Cass. civ., 10 avr. 1948 : D. 1948, p. 412, note Lenoan R. ; JCP G 1948, II 4403, note Becqué E. ; RTD civ. 1948, p. 345, obs. Mazeaud H. et Mazeaud L. ; RTD civ. 1948, p. 349, obs. Carbonnier J.
Cass. 1re civ., 10 déc. 1974, n° 72-11223 : Bull. civ. I, n° 336 ; D. 1975, p. 777, note Simon O. ; Defrénois 1975, n° 30962, p. 992, note Morin G.
CA Paris, 19 déc. 1866 : DP 1868, 2, p. 156.
V. not. Radouant J., DP 1939, 2, p. 82, note ss CA Paris, 23 juillet 1937 ; Becqué E., DC 1942, p. 65, note ss Cass. soc., 19 déc. 1941 ; JCP 1942, II 1809 ; Planiol M. et Ripert G., Traité de droit civil français, t. VII, 2e éd., par Esmein P., Radouant J. et Gabolde G., 1954, LGDJ, n° 938 ;. Vidal J., Essai d’une théorie générale de la fraude en droit français. Le principe « fraus omnia corrumpit », thèse, 1956, Toulouse, 1957, Dalloz, préf. Marty G., p. 221 et s. ; Marty G., Raynaud P. et Jestaz P., Les obligations. Le régime, t. II, 1989, Sirey, nos 167 et 176.
La créance peut n’exister que dans son principe au jour de l’acte (Cass. 1re civ., 17 janv. 1984, n° 82-15146 : Bull. civ. I, n° 16 ; D. 1984, Jur., p. 437, note Malaurie P. ; RTD civ. 1984, p. 719, obs. Mestre J. – Cass. 1re civ., 5 juill. 2005, n° 02-18722 : Bull. civ. I, n° 29), n’être pas exigible (Cass. 1re civ., 25 févr. 1981, n° 80-10605 : Bull. civ. I, n° 69), n’être pas encore liquide (Cass. 1re civ., 8 oct. 2008, n° 07-14262 : JCP G 2008, I 211, n° 15, obs. Delebecque P. – Cass. 1re civ., 15 janv. 2015, n° 13-21174 : Bull. civ. I, n° 5 ; D. 2015, p. 611, obs. François J.).
Cass. 1re civ., 6 mars 2001, n° 98-22384 : Bull. civ. I, n° 51 ; D. 2001, Somm., p. 3244, obs. Delebecque P. –Cass. com., 6 déc. 2016, n° 15-20142.
Cass. com., 23 mai 2000, n° 96-18055 – Cass. com., 1er mars 1994, n° 92-15425 : Bull. civ. IV, n° 81 ; Defrénois 1994, n° 35891, note Mazeaud D. – Cass. com., 23 mars 2010, n° 08-21233 : RTD civ. 2010, p. 326, obs. Fages B.
Cass. 3e civ., 12 oct. 2005, n° 03-12396 : Bull. civ. III, n° 189 – Cass. 1re civ., 8 oct. 2008, n° 07-14262.
Cass. 3e civ., 6 oct. 2004, n° 03-15392 : Bull. civ. III, n° 163 ; D. 2004, p. 3098, note Kessler G. ; Defrénois 15 avr. 2005, n° 38142, p. 607, n° 12, note Libchaber R. ; Defrénois 30 mars 2005, n° 38133, p. 526, note Piedelièvre S. ; Gaz. Pal. 5 avr. 2005, n° f5708, p. 12, note Roman B. ; RTD civ. 2005, p. 121, obs. Mestre J. et Fages B.
Si l’on excepte les jugements, qui ne peuvent être attaqués que par la tierce opposition (laquelle prévoit la fraude, CPC, art. 583, al. 2), l’action paulienne est recevable même lorsqu’il existe des voies d’oppositions spécifiques : v. not. CJUE, 30 janv. 2020, n° C-394/18, IGI Srl : D. 2020, p. 1164, note Jullian N. – Cass. com., 7 avr. 1967 : Bull. civ. IV, n° 127 – Cass. com., 10 oct. 1995, n° 93-15619 : Bull. civ. IV, n° 224 ; RTD civ. 1996, p. 201, obs. Bandrac M. – Cass. com., 12 janv. 1988, n° 86-12485 : Bull. civ. IV, n° 20 ; RTD com. 1989, p. 458, obs. Derrupé J.
V. par ex. Ripert G., La règle morale dans les obligations civiles, 4e éd., 1949, LGDJ, réimpression 1994, spéc. nos 169 et s.
V. Ghestin J. et Goubeaux G., avec la participation de Fabre-Magnan M., Traité de droit civil. Introduction générale, 4e éd., 1994, LGDJ, n° 815.
Ligéropoulo A., Le problème de la fraude à la loi, thèse, 1928, Aix, p. 39 et s. ; Vidal J., Essai d’une Théorie générale de la fraude en droit français, Le principe « fraus omnia corrumpit », thèse, 1956, Toulouse, 1957, Dalloz, préf. Marty G., p. 66 à 70.
Radouant J., note ss CA Paris, 23 juill. 1937 : DP 1939, 2, p. 82.
En ce sens, V. not. Dross W., JCl. Civil Code, Art. 1341-2, nos 8 et 13 ; Ghestin J., Jamin C. et Billiau M., Traité de droit civil. Les effets du contrat, 3e éd., 2001, LGDJ, n° 839.
V. par ex. Cass. com., 10 oct. 1995, n° 93-15619 : Bull. civ. IV, n° 224 ; RTD civ. 1996, p. 201, obs. Bandrac M.
Sinay H., « Action paulienne et responsabilité civile délictuelle à la lumière de la jurisprudence récente », RTD civ. 1948, p. 183 et s. – V. par ex. Cass. civ., 19 avr. 1948 : JCP 1948, 2, 4403, note Becqué E. – Comp., pour une curieuse application indemnitaire de l’action paulienne, Cass. 1re civ., 15 janv. 2015, n° 13-21174 : RDC 2015, n° 112c1, p. 479, obs. Latina M. ; D. 2015, p. 611, note François J.
Vidal J., Essai d’une théorie générale de la fraude en droit français. Le principe « fraus omnia corrumpit », thèse, 1956, Toulouse, 1957, Dalloz, préf. Marty G., p. 390 et s.
V. not. Cass. 3e civ., 5 mars 2008, n° 06-20831 : Bull. civ. III, n° 38 – Cass. 3e civ., 6 juill. 1982, n° 81-12453 : Bull. civ. III, n° 169.
Refus d’annuler à titre de sanction (Cass. 1re civ., 19 nov. 1991, n° 90-16950 : Bull. civ. I, n° 316 – Cass. com., 6 nov. 1990, n° 88-15927 : Bull. civ. IV, n° 259) ; réparation du préjudice par la responsabilité civile (Cass. soc., 20 mai 1998, n° 95-45486) ; rétractation d’une sentence arbitrale (Cass. 1re civ., 30 juin 2016, n° 15-13755 ; Cass. 1re civ., 25 mai 1992, n° 90-18210 : Bull. civ. I, n° 149 ; Rev. crit. DIP 1992, p. 700, note Oppetit B.) ; suspension du cours d’une prescription (Cass. 3e civ., 19 nov. 2015, n° 14-13882).
Vidal J., Essai d’une théorie générale de la fraude en droit français. Le principe « fraus omnia corrumpit », thèse, 1956, Toulouse, 1957, Dalloz, préf. Marty G., p. 132.
Cass. ch. réunies, 7 mai 1836 : S. 1836, 1, p. 574, note Devilleneuve L.-M.
Desbois H., La notion de fraude à la loi et la jurisprudence française, thèse, Paris, 1927, Dalloz, p. 28 et s. ; Josserand L., Les mobiles dans les actes juridiques du droit privé, 1928, Paris, Dalloz, n° 190 ; Sautonie-Laguionie L., La fraude paulienne, 2008, LGDJ, p. 391 et s.
Outre les auteurs précités à la note précédente, v. not. Ghestin J., Cause de l’engagement et validité du contrat, 2006, LGDJ, n° 1253 ; Terré F., Simler P., Lequette Y. et Chénedé F., Les obligations, 12e éd., 2019, Précis Dalloz, n° 742.
V. not. Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 11-12941 : Bull. civ. I, n° 188 ; RDC 2013, p. 70, obs. Laithier Y.-M. – Cass. 1re civ., 7 oct. 1998, n° 96-14359 : Bull. civ. I, n° 285 ; D. 1999, Somm., p. 110, obs. Delebecque P. – Cass. 3e civ., 3 févr. 1998, n° 95-18597 – Cass. com., 28 janv. 1992, n° 90-17389 : Bull. civ. IV, n° 36 – Cass. soc., 30 mars 1999, n° 97-42061 : BJS nov. 1999, n° 259, p. 1107, note Dom J.-P.
Cass. soc., 15 juill. 1998, n° 96-40878 : Bull. civ. V, n° 385.
V. Dournaux F., La notion de fraude en droit privé français, thèse, 2008, Paris 1, dir. Aynès L., p. 341 et s.
Tomasi Di Lampedusa G., Le guépard, 1958, Le Seuil, réédition 2007, trad. Manganaro J.-P., p. 32 (précisément : « Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change »).
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