Action en responsabilité pour insuffisance d'actif : réparer ou punir ?
Le présent arrêt n’innove guère puisqu’il précise que la faute tenant à la déclaration tardive de l’état de cessation des paiements ne pouvant exister avant l’expiration du délai de 45 jours pour déclarer, elle ne peut contribuer à accroître qu’une insuffisance d’actif née postérieurement à ce délai. La décision commentée offre surtout l’occasion de s’interroger sur le régime actuel de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif. Il n’est guère cohérent, ce qui tient peut-être à une difficulté récurrente, celle de donner à ce mécanisme une fonction claire. L’action en responsabilité pour insuffisance d’actif doit-elle punir le dirigeant ou contribuer à réparer le préjudice des créanciers ?
Cass. com., 17 juin 2020, n° 18-11737
1. Quel rôle attribuer à la responsabilité pour insuffisance d’actif ? Réparer le préjudice causé aux créanciers du débiteur failli ? Sanctionner les comportements que réprouve la morale des affaires ? À en croire la jurisprudence, sans doute les deux à la fois. Et c’est là que le bât blesse : réparer et punir sont deux choses différentes. Espérer qu’un mécanisme puisse remplir les deux fonctions est donc illusoire. Pire encore, c’est courir le risque d’en altérer la compréhension profonde.
L’arrêt commenté l’illustre avec éclat. Une société avait été placée en redressement judiciaire par jugement du[...]
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Cass. com., 18 janv. 2017, n° 14-24314 : cette décision avait censuré le premier arrêt d’appel, lequel avait retenu que la société était dans l’incapacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible depuis le 30 avril 2009. C’était frontalement méconnaître le principe selon lequel l’omission de déclaration de la cessation des paiements s’apprécie au regard de la seule date de cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou dans un jugement de report.
V. par ex. : Cass. com., 22 févr. 2017, n° 15-17558 ; Cass. com., 18 mai 2016, n° 14-21133 ; Cass. com., 4 nov. 2014, n° 13-23070 : Bull. civ. IV, n° 164.
V. par ex. un arrêt ancien, mais très net : Cass. com., 3 nov. 1975, n° 74-12441 : Bull. civ. IV, n° 252.
Cass. com., 17 févr. 2015, n° 13-28778 ; Cass. com., 31 mai 2011, n° 10-17684.
« Le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants ».
Cass. com., 6 févr. 2001, n° 98-15129 : Bull. civ. IV, n° 33 – Cass. com., 30 nov. 1993, n° 91-20554 : Bull. civ. IV, n° 440.
V. pour un exemple assez net : Cass. com., 17 févr. 1998, n° 95-18510 : Bull. civ. IV, n° 78.
Cass. com., 5 sept. 2018, n° 17-15031, FS-PBI. Si l’on avait conféré à l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif une fonction strictement indemnitaire, le principe de non-rétroactivité de la loi civile aurait évidemment été préféré.
Cass. com., 15 déc. 2009, n° 08-21906 : Bull. civ. IV, n° 166. La solution devrait être différente dans une logique strictement indemnitaire : si plusieurs fautes de gestion ont concouru à la réalisation du même préjudice, le constat de ce que l’une d’entre elles n’était pas justifiée serait indifférent.
Ce qui signifie pratiquement que la censure des motifs relatifs à l’une des fautes de gestion imputées au dirigeant emporte nécessairement, à elle seule, la cassation de la disposition l’ayant condamné au titre de l’insuffisance d’actif.
Cass. com., 5 nov. 2003, n° 00-11876 : Bull. civ. IV, n° 164.
Cass. com., 6 févr. 1979, n° 77-13965 : Bull. civ. IV, n° 51.
Cass. 1re civ., 9 nov. 1983, n° 81-16548 : Bull. civ. I, n° 263.
Cass. com., 20 mai 2003, n° 99-17092 : Bull. civ. IV., n° 84.
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