Opposabilité d'une servitude et connaissance de l'existence de cette servitude par l'acquéreur du fonds servant
Une servitude est opposable à l’acquéreur de l’immeuble grevé si elle a été publiée, ou si son acte d’acquisition en fait mention, ou encore s’il en connaissait l’existence au moment de l’acquisition.
Cass. 3e civ., 24 sept. 2020, n° 19-19179
La troisième chambre civile de la Cour de cassation vient, dans un arrêt du 24 septembre 2020, confirmer une solution déjà énoncée par plusieurs arrêts concernant l’opposabilité des servitudes, laquelle peut notamment résulter de la connaissance par l’acquéreur du fonds servant, au moment de l’acquisition, de l’existence de la servitude1. En l’espèce, les propriétaires d’un fonds l’avaient divisé et avaient vendu l’une des deux parcelles à deux acquéreurs, tout en constituant à leur bénéfice une servitude de passage sur la parcelle vendue. Les acquéreurs de la parcelle grevée par la servitude l’ont, à leur tour, divisée en deux nouvelles parcelles et ont consenti une promesse de vente relative à l’une de ces deux parcelles2, promesse de vente dans laquelle il était fait mention de la constitution sur celle-ci d’une servitude de passage au bénéfice du fonds dominant. Cette promesse n’ayant pas été réitérée, un jugement irrévocable, valant vente et publié, a ordonné l’exécution forcée de cette promesse. Une fois cette vente réalisée, les sous-acquéreurs de la parcelle grevée par la servitude l’ont revendue à de nouveaux acquéreurs, lesquels[...]
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V. déjà en ce sens, Cass. 3e civ., 16 sept. 2009, n° 08-16499 : D. 2010, p. 2183, obs. Mallet-Bricout B. et Reboul-Maupin N., et p. 2671, obs. Delebecque P. ; AJDI 2010, p. 246, obs. Prigent S. ; JCP G 2010, I 336, obs. Périnet-Marquet H. ; Defrénois 30 avr. 2010, n° 39109, p. 979, obs. Atias C. – Cass. 3e civ., 16 mars 2011, n° 10-13771 : RTD civ. 2011, p. 373, obs. Revet T. ; D. 2011, p. 2298, obs. Mallet-Bricout B. et Reboul-Maupin N. ; LEDC mai 2011, n° 81, p. 6, obs. Deshayes O. – Cass. 3e civ., 2 juill. 2013, n° 12-20681 : RTD civ. 2013, p. 865, obs. Dross W.
La servitude survit à la division du fonds servant (ainsi que du fonds dominant), en application du principe d’indivisibilité des servitudes. V., pour une application du principe d’indivisibilité des servitudes en cas de division du fonds servant, Cass. 3e civ., 8 sept. 2016, n° 15-20371 : RDC 2017, n° 113y2, p. 130, note Danos F.
La question de l’opposabilité des servitudes (et de leur publicité) ne concerne que les servitudes établies par un titre (Terré F. et Simler P., Droit civil, Les biens, 10e éd., 2018, Dalloz, n° 890).
Cass. 3e civ., 27 oct. 1993, n° 91-19874 : RDI 1994, p. 218, obs. Bergel J.-L. ; D. 1994, p. 165, obs. Robert A. – Cass. 3e civ., 16 mars 2011, n° 10-13771 : RTD civ. 2011, p. 373, obs. Revet T. ; D. 2011, p. 2298, obs. Mallet-Bricout B. et Reboul-Maupin N. ; LEDC mai 2011, n° 81, p. 6, obs. Deshayes O.
Cass. 3e civ., 16 sept. 2009, n° 08-16499 : D. 2010, p. 2183, obs. Mallet-Bricout B. et Reboul-Maupin N., et p. 2671, obs. Delebecque P. ; AJDI 2010, p. 246, obs. Prigent S. ; JCP G 2010, I 336, obs. Périnet-Marquet H. ; Defrénois 30 avr. 2010, n° 39109, p. 979, obs. Atias C.
Cass. 3e civ., 16 sept. 2009, n° 08-16499 : D. 2010, p. 2183, obs. Mallet-Bricout B. et Reboul-Maupin N., et p. 2671, obs. Delebecque P. ; AJDI 2010, p. 246, obs. Prigent S. ; JCP G 2010, I 336, obs. Périnet-Marquet H. ; Defrénois 30 avr. 2010, n° 39109, p. 979, obs. Atias C.
Martou E, Des privilèges et des hypothèques ou commentaire de la loi du 10 décembre 1851 sur la révision du régime hypothécaire, t. 1, 1855, Paris-Bruxelles, A. Decq, n° 4.
Cela relève presque du bon sens que de considérer qu’on ne peut imposer un devoir d’abstention à des personnes (ne pas porter atteinte au rapport existant entre le titulaire du droit réel et le bien qui en est l’objet) qu’à partir du moment où elles sont averties de l’existence de ce devoir qui leur incombe.
La sécurité des transactions et la protection légitime des tiers de bonne foi justifient le principe de la publicité de la propriété et des droits réels. Si un acquéreur de bonne foi voyait systématiquement son droit de propriété remis en cause par des cessions antérieures ou des droits réels antérieurement consentis occultes, dont il ne pouvait avoir connaissance et contre lesquels il n’aurait aucun moyen de se prémunir, le régime de la propriété pourrait en « être tout entier miné » (Cabrillac M., La protection du créancier dans les sûretés mobilières, conventionnelles sans dépossession, thèse, 1954, Montpellier, Sirey, p. 23, n° 2).
Publier un droit réel (c’est-à-dire en règle générale son titre constitutif), c’est le rendre public, le porter à la connaissance de tous (Malaurie P., Aynès L. et Aynès A., Droit civil, Droit des sûretés, 14e éd., 2020, LGDJ, n° 338).
V. D. n° 55-22, 4 janv. 1955, art. 28 et 30.
Malaurie P., Aynès L. et Aynès A., Droit civil, Droit des sûretés, 14e éd., 2020, LGDJ, n° 347.
D. n° 55-22, 4 janv. 1955, art. 30-1 : « Les actes et décisions judiciaires soumis à publicité par application du 1° de l’article 28 sont, s’ils n’ont pas été publiés, inopposables aux tiers qui, sur le même immeuble, ont acquis, du même auteur, des droits concurrents en vertu d’actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité et publiés, ou ont fait inscrire des privilèges ou des hypothèques. Ils sont également inopposables, s’ils ont été publiés, lorsque les actes, décisions, privilèges ou hypothèques, invoqués par ces tiers, ont été antérieurement publiés ». Il résulte de ce texte que la servitude grevant un immeuble est, par conséquent, opposable au tiers acquéreur de cet immeuble, si cette servitude a été publiée avant que l’acquéreur n’ait lui-même publié son titre d’acquisition
Cass. 3e civ., 27 oct. 1993, n° 91-19874 : RDI 1994, p. 218, obs. Bergel J.-L. ; D. 1994, p. 165, obs. Robert A. – Cass. 3e civ., 16 sept. 2009, n° 08-16499 : D. 2010, p. 2183, obs. Mallet-Bricout B. et Reboul-Maupin N., et p. 2671, obs. Delebecque P. ; AJDI 2010, p. 246, obs. Prigent S. ; JCP G 2010, I 336, obs. Périnet-Marquet H. ; Defrénois 30 avr. 2010, n° 39109, p. 979, obs. Atias C. – Cass. 3e civ., 16 mars 2011, n° 10-13771 : RTD civ. 2011, p. 373, obs. Revet T. ; D. 2011, p. 2298, obs. Mallet-Bricout B. et Reboul-Maupin N. ; LEDC mai 2011, n° 81, p. 6, obs. Deshayes O.
Revet T., obs. sous Cass. 3e civ., 16 mars 2011, n° 10-13771 : RTD civ. 2011, p. 373.
Dross W., obs. sous. Cass. 3e civ., 2 juill. 2013, n° 12-20681 : RTD civ. 2013, p. 865, qui souligne que « le moyen d’information [de l’acquéreur] est en définitive relativement indifférent : qu’elle se fasse par le vendeur dans l’acte, par le notaire qui a interrogé avec succès les services de publicité foncière ou par tout autre biais, peu importe : dès l’instant que l’acquéreur sait ce qu’il achète, il doit supporter les droits grevant la chose ».
Cass. 3e civ., 16 sept. 2009, n° 08-16499 : D. 2010, p. 2183, obs. Mallet-Bricout B. et Reboul-Maupin N., et p. 2671, obs. Delebecque P. ; AJDI 2010, p. 246, obs. Prigent S. ; JCP G 2010, I, 336, obs. Périnet-Marquet H. ; Defrénois 30 avr. 2010, n° 39109, p. 979, obs. Atias C.
Cass. 3e civ., 12 janv. 2011, n° 10-10667 : D. 2011, p. 851, note Aynès L. ; RTD civ. 2011, p. 158, obs. Crocq P., et p. 369, obs. Revet T. ; Defrénois 15 mars 2011, n° 39211, p. 479, note Grimaldi C. – v. aussi dans le même sens, Cass. 3e civ., 19 juin 2012, n° 11-17105 ; Cass. 1re civ., 20 déc. 2012, n° 11-19682 : D. 2013, p. 391, spéc. p. 398, obs. Amrani-Mekki S. ; Dr. & patr. 2013, n° 226, p. 70, obs. Aynès L. – Cass. 1re civ., 11 sept. 2013, n° 12-23357 : D. 2013, p. 2507, note Dubarry J.
Rapport de la commission de réforme de la publicité foncière, Pour une modernisation de la publicité foncière, nov. 2018, spéc. p. 80-83.
V., sur cette question, Danos F., « Publicité foncière et transfert de propriété », Dr. & patr. 2012, n° 219, p. 22 et s., spéc. p. 31-38 ; v. aussi Danos F., « Étude sur les différents systèmes de transfert de la propriété : les exemples du Code prussien de 1794, du Code civil autrichien de 1811 et du Code civil espagnol de 1889 », Rev. hist. de droit fr. et étr. 2013, p. 659 et s., spéc. p. 669-674 ; Danos F., « Obligation de donner, de livrer et de délivrer », in Mélanges en l’honneur du professeur Laurent Aynès, Liberté, justesse et autorité, 2019, LGDJ, p. 143 et s., spéc. p. 166-173.
Cass. 3e civ., 17 juill. 1986, n° 85-11627 : Defrénois 1987, n° 34056, p. 1178, note Aynès L. ; RTD civ. 1987, p. 368, obs. Giverdon C. et Salvage P., qui décide que « la circonstance, à la supposer établie, que [les tiers acquéreurs] aient eu une connaissance personnelle des prêts consentis par la banque et des sûretés les ayant garantis, ne pouvait suppléer à l’inscription, seul mode légal de publicité ». Ainsi, l’hypothèque qui n’a pas été publiée est inopposable à l’acquéreur de l’immeuble, même si ce dernier en connaissait l’existence au moment de l’acquisition.
V. toutefois les préconisations du Rapport de la commission de réforme de la publicité foncière, Pour une modernisation de la publicité foncière, nov. 2018, spéc. p. 80-84 et p. 112.
Danos F., Propriété, possession et opposabilité, thèse, 2007, Economica, préf. Aynès L., n° 300-305 ; Dross W., obs. sous. Cass. 3e civ., 2 juill. 2013, n° 12-20681 : RTD civ. 2013, p. 865, qui constate qu’« en un mot, l’opposabilité des droits réels découle de leur connaissance et, réciproquement, leur inopposabilité de leur ignorance ».
L’opposabilité erga omnes des droits (réels et personnels) se réalise par le truchement de la propriété des droits (Danos F., Propriété, possession et opposabilité, thèse, 2007, Economica, préf. Aynès L., nos 213-224 et 310-323).
Ce principe selon lequel l’opposabilité postule la connaissance des tiers ne concerne que l’opposabilité substantielle : Danos F., Propriété, possession et opposabilité, thèse, 2007, Economica, préf. Aynès L., n° 300-305 ; Duclos J., L’opposabilité, Essai d’une théorie générale, thèse, 1984, LGDJ, Bibl. dr. pr., préf. Martin D.-R., p. 281, nos 245 et s., spéc. n° 246-1 : « seule l’opposabilité substantielle [est] subordonnée à la connaissance par les tiers des éléments juridiques ». V. sur l’opposabilité substantielle, Danos F., Propriété, possession et opposabilité, thèse, 2007, Economica, préf. Aynès L., n° 179-211.
Il peut s’agir d’une publicité organisée (régime de la publicité foncière) ou d’une publicité naturelle (possession d’un meuble corporel).
L’opposabilité va résulter d’une connaissance personnelle et effective du tiers lorsqu’il n’existe aucun mécanisme ou système de publicité ou, parfois, lorsque c’est admis, dans l’hypothèse d’un défaut de publicité. Dans ce dernier cas, la connaissance effective peut suppléer la publicité, que celle-ci soit organisée (publicité foncière) ou naturelle (possession réelle en matière de meubles corporels).
Duclos J., L’opposabilité, Essai d’une théorie générale, thèse, 1984, LGDJ, Bibl. dr. pr., préf. Martin D.-R., p. 461, n° 444.
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