Principe indemnitaire et droit fiscal
Si le préjudice fiscal est un poste de préjudice susceptible d'être indemnisé, la confrontation du principe indemnitaire et du droit fiscal conduit à s'interroger sur l'incidence de la pression fiscale sur la détermination du quantum de l'indemnité d'assurance.
1. Placé au frontispice du deuxième titre, du premier livre, du Code des assurances – qui regroupe les règles relatives aux assurances de dommages – l’article L. 121-1 de ce code dispose que « l’assurance relative aux biens est un contrat d’indemnité ». Cette règle constitue le fondement du principe indemnitaire1 selon lequel le montant de l’indemnité versée par l’assureur ne peut être supérieur à celui du dommage2. Ainsi, l’assuré n’est pas incité à faire le « pari » de la survenance du sinistre, ni à le provoquer3. L’indemnité ne peut pas non plus être inférieure au montant du dommage, cela dans la limite des stipulations contractuelles et notamment de la valeur de la chose assurée4. Si le principe indemnitaire bénéficie d’une vocation générale, son application est discutée concernant les assurances de responsabilité à la suite d’une jurisprudence remarquée de la Cour de cassation5. Son exclusion admise, le principe de la réparation intégrale du dommage6 produit de toute façon7 des effets comparables8, la réparation devant se faire « sans perte, ni profit »9.
2. Le principe indemnitaire et le[...]
L'accès à l'intégralité de ce document est réservé aux abonnés
Sur lequel : L. Mayaux, « Les limites du principe indemnitaire », in Les grandes questions du droit des assurances, LGDJ, préf. J. Bigot, 2011, p. 145 et s. ; H. Groutel, « Le principe indemnitaire n’est pas toujours ce que l’on croit » : RCA 1994, chron. n° 36 ; du même auteur : « Une conception surprenante du principe indemnitaire » : RCA 1990, chron. n° 24.
V. Cass. civ., 12 févr. 1913 : DP 1914, p. 137, note P. Dupuich : « Attendu que le contrat d’assurance est la convention par laquelle une personne s’engage à indemniser une autre personne du dommage ou de la perte qu’elle peut éprouver par l’événement d’un risque d’une nature déterminée ; – Que c’est l’indemnité qui est l’objet du contrat ; – Qu’il est de l’essence de l’assurance que l’assuré cherche à éviter une perte et ne vise pas à réaliser un gain ».
J. Bigot, Traité des assurances, t. 3 : Le contrat d’assurance, LGDJ, 2e éd., 2014, n° 1875 ; M. Chagny et L. Perdrix, Droit des assurances, coll. Manuel, LGDJ, 2013, 2e éd., n° 499.
Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur, Droit des assurances, Dalloz, coll. Précis, 2011, 13e éd., nos 528 et 529.
Cass. 2e civ., 5 avr. 2007, n° 06-12066 : Bull. civ. II, n° 77 ; RCA 2007, comm. n° 230, obs. approbatives G. Durry ; JCP G 2008, I, 134, n° 17, obs. L. Mayaux ; RGDA 2007, p. 583, note critique J. Kullmann ; v. pour une autre critique : J. Bonnard, Droit des assurances, LexisNexis, coll. Objectif droit, 2012, 4e éd., n° 492.
V. G. Durry, « Tout le préjudice mais rien que le préjudice », in Le préjudice. Questions choisies : RCA 1998, n° spécial 5 bis, p. 32 ; M. Bacache-Gibeili, Les obligations. La responsabilité civile extracontractuelle, Traité de droit civil, t. 5, C. Larroumet (dir.), Economica, 2012, n° 551 et s. ; G. Viney et J. Ghestin, Les effets de la responsabilité, LGDJ, 2011, 3e éd., nos 57 et s. et les réf. citées.
Cass. 2e civ., 23 janv. 2003, n° 01-00200 : Bull. civ. II, n° 20 – À propos de l’exclusion des abattements pour vétusté : Cass. 1re civ., 26 avr. 2000 : RGDA 2000, p. 825, note J. Kullmann.
À ce sujet : J. Bigot, Traité des assurances, t. 3 : Le contrat d’assurance, LGDJ, 2014, 2e éd., n° 1876, p. 941 et 942, les auteurs concluent que « le principe indemnitaire, qui interdit que l’indemnité soit supérieure à la valeur au jour du sinistre, de la chose assurée, n’a de sens que pour les assurances de choses. C’est en application du principe de la réparation intégrale que l’assureur ne peut verser aux tiers lésés une indemnité supérieure à sa perte ».
Par ex : Cass. 2e civ., 28 févr. 2013, nos 11-25446 et 11-25927 : Bull. civ. II, n° 47.
F. Douet et M. Thomas-Marotel, Précis de fiscalité des assurances et des indemnités, LexisNexis, préf. B. Beignier, 2015, 3e éd.
CGI, art. 991 et s.
Ainsi une prime de 1 000 a été soumise à la TSCA au taux de 9 % alors qu’elle aurait dû l’être au taux de 18 %. En cas de calcul du rappel « en dedans » de la prime, le rappel est de 76,27 [(1 090 : prime TSCA incluse/1,18 x 0,18 = 166,27) – (1 000 x 0,09 = 90 : TSCA déjà acquittée) = 76,27]. En cas de calcul du rappel en dehors de la prime, le rappel est de 90 [(1 000 x 0,18 = 180) – (1 000 x 0,09 = 90 : TSCA déjà acquittée) = 90]. Voir TGI Bobigny, 9e ch., 1re sect., 10 oct. 2013, n° 12-07629 : Dr. fisc. 2014, n° 20, comm. n° 323, note I. Rault-Brochen, B. Mermillon et E. Van Daele. Le ministre a fait appel du jugement.
V. en général sur cette question : R. Bigot, L’indemnisation par l’assurance de responsabilité civile professionnelle, Thèse, Defrénois, 2014, coll. Doctorat & notariat, t. 53, préf. D. Noguéro et H. Slim.
Cass. 1re civ., 15 janv. 2015, n° 14-10256 : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’un préjudice peut découler du paiement d’un impôt auquel le contribuable est légalement tenu lorsqu’il est établi que le manquement du notaire à son obligation de conseil l’a privé de la possibilité de renoncer à l’opération et de rechercher une solution au régime fiscal plus avantageux, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé » – V. déjà : Cass. 1re civ., 19 févr. 2002, n° 99-14787 : Bull. civ. I, n° 65 : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait, d’une part que la possibilité de défiscalisation était l’unique cause ayant amené les acquéreurs à contracter avec la société, d’autre part qu’aucun des documents communiqués ne précisait que le bénéfice de la défiscalisation était soumis à la condition d’une occupation effective des appartements, la cour d’appel a violé le texte susvisé » – Rappr. : à propos de l’obligation d’information et de conseil sur la faisabilité d’une opération de défiscalisation : Cass. 1re civ., 17 juin 2015, nos 13-19759 ; 13-19760 ; 13-19761 et 13-19762.
Cass. com., 11 avr. 2012, n° 11-14419 : RCA 2012, comm. n° 169 : « Attendu qu’en statuant ainsi, alors que le dommage de la société Peugeot a consisté dans les impositions supplémentaires mises à sa charge à raison du manquement par les sociétés dépositaire et gérante des fonds à leur obligation de résultat quant à la délivrance d’un certificat de crédit d’impôt conforme à sa destination, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». V. sur le mécanisme des « fonds turbos » : F. Douet, « Les fonds turbo ou l’irrésistible légèreté de la doctrine administrative » : RFFP n° 72, 2000, p. 79 et s.
Sur l’absence de préjudice indemnisable en cas décès d’une personne à la suite d’une faute médicale survenue antérieurement à l’entrée en vigueur d’abattements et d’exonérations fiscales : Cass. 1re civ., 5 févr. 2014, n° 12-25859 : RCA 2014, comm. n° 138 : « la date précise à laquelle François S. serait décédé (…) en dépit d’une espérance de vie purement théorique, que demeurer indéterminée, de sorte que ses héritiers n’établissaient pas que cette faute leur avait fait perdre une chance que ce décès se produise sous l’empire d’un régime fiscal plus favorable ».
Cass. 1re civ., 16 janv. 2013, n° 12-13014 : RCA 2013, comm. n° 150 : « Qu’en statuant, alors qu’il résultait de ses constatations que dûment informés par le notaire, les époux A auraient renoncé à l’opération et n’auraient pu bénéficier d’une solution alternative, dans les délais requis, ce dont il résultait qu’ils auraient dû acquitter, en tout état de cause, l’impôt sur le revenu sur les sommes déduites, équivalent au montant du redressement fiscal, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ».
Pour un exemple dans lequel le notaire avait rédigé un projet de contrat de bail qui finalement a été conclu hors de sa présence, plusieurs mois plus tard : Cass. 1re civ., 30 mai 2012, n° 11-18166 : Bull. civ. I, n° 115 ; RCA 2012, comm., n° 274 : « il se déduisait que M. Y n’avait pas été mis en mesure d’exercer pleinement son devoir de conseil et d’information dont il n’était libéré qu’à la signature de l’acte authentique, tel qu’initialement prévu ».
J. Hémard, Théorie et pratique des assurances terrestres, Sirey, 1924, n° 52, p. 94.
M. Chagny et L. Perdrix, Droit des assurances, préc. note 3, n° 497.
V. plus particulièrement sur cette question : F. Douet et M. Thomas-Marotel, Précis de fiscalité des assurances et des indemnités, préc. note 10, nos 32 et s.
Par exception il en va différemment en cas de perception d’une indemnité compensant une charge non déductible fiscalement ou d’une indemnité allouée à un entrepreneur individuel en réparation d’un préjudice moral. V. sur ces deux points : F. Douet et M. Thomas-Marotel, Précis de fiscalité des assurances et des indemnités, préc. note 20, nos 36 et s.
V. infra nos 17 et s.
V. sur cette question : F. Douet et M. Thomas-Marotel, Précis de fiscalité des assurances et des indemnités, préc. note 10, nos 39 et s.
Un délaissement n’est possible que si le contrat le prévoit : C. assur, art. L. 121-14.
Si elle ne l’est pas, alors l’indemnité correspondra à la valeur du bien au jour du sinistre à laquelle est déduite sa valeur résiduelle : M. Chagny et L. Perdrix, préc. note 3, n° 512.
Cass. civ., 31 oct. 1957 : RGAT 1958, p. 61 ; Cass. crim., 22 sept. 2009, n° 08-81181 : Bull. crim., n° 157.
L. Mayaux, préc. note 1, n° 214 ; J. Kullmann, Lamy Assurances, Wolter Kluwers, 2015, nos 832 et s. ; M. Chagny et L. Perdrix, préc. note 3, nos 505 et s.
M. Chagny et L. Perdrix, préc. note 3, n° 515, valeur de vente, d’achat ou coût de revient du bien.
C’est « la somme qu’il lui faudrait débourser pour reconstruire le bien ou pour en acheter un autre, déduction faite de la vétusté » : Y. Lambert-Faivre et L Leveneur, préc. note 4, n° 528 ; M. Chagny et L. Perdrix, préc. note 3, n° 516.
Sur la validité de ces clauses : M. Chagny et L. Perdrix, préc. note 3, n° 517.
Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur, préc. note 4, n° 530.
Cass. 1re civ., 16 juin 1982, n° 81-13080 : Bull. civ. I, n° 227 ; RGAT 1983, p. 344, note J. Bigot – Cass. 1re civ., 14 févr. 1984, n° 82-14503 : Bull. civ. I, n° 63 ; RGAT 1985, p. 35, note J. Bigot – Cass. 3e civ., 23 nov. 2010, n° 07-20231 : RGDA 2011, p. 487, obs. J. Kullmann.
En application de l’article 1315 du Code civil, c’est au débiteur de l’indemnité de prouver que le créancier peut récupérer la TVA : Cass. 3e civ. , 7 avr. 2004, n° 03-10676 : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’il incombe à celui qui s’en prévaut de prouver que son adversaire a la possibilité de récupérer sur un tiers le montant de la taxe à la valeur ajoutée, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé » – V. toutefois, retenant que le créancier de l’indemnité doit démontrer que la TVA restera définitivement à sa charge : Cass. 1re civ., 21 mars 2000, n° 97-22068 : « Attendu qu’en statuant ainsi, sans que la société Sovac, victime, aux droits de laquelle l’UAP était partiellement subrogée, ait justifié que la TVA devait rester définitivement à sa charge, en tout ou en partie, et sans motiver sa décision en conséquence, la cour d’appel a violé le texte susvisé » – Cass. 1re civ., 15 janv. 2002, n° 98-20945 : Bull. civ. I, n° 9 ; RCA 2002, comm. n° 157.
Cass. 1re civ., 17 juill. 2001, n° 98-18758 : RCA 2001, comm. n° 341, obs. H. Groutel – Cass. 1re civ., 15 déc. 1998, n° 96-20969 : RCA 1999, comm. n° 86.
Cass. com., 3 juin 2009, n° 07-21510 : RJF 10/2009, n° 832.
Cass. com., 9 avr. 1996, n° 94-13866 : RJF 7/1996, n° 884.
Cass. com., 4 janv. 1994, n° 92-13162 : RJF 4/1994, n° 410.
Cass. 1re civ., 4 avr. 1995, n° 92-21737 : Bull. civ. I, n° 155 ; RCA 1995, comm. n° 245 : « Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait des clauses claires et précises du contrat d’assurance que M. X était le seul bénéficiaire de l’indemnité d’assurance dès lors qu’il avait intégralement soldé son contrat de crédit-bail et que le remboursement du prix conventionnel auquel il pouvait prétendre incluait nécessairement la TVA qu’il avait lui-même acquittée sur le prix total de son véhicule, la cour d’appel les a dénaturées et a violé le texte susvisé » – CE 4 mars 2009, n° 296069 : RGDA 2009, n° 3, p. 951 et s., note F. Douet.
Cass. 2e civ., 23 janv. 2003, n° 01-00200 : Bull. civ. II, n° 20.
C. assur, art. L. 121-1 : « (…) au moment du sinistre » – Pour une appréciation critique : V. Nicolas, Droit du contrat d’assurance, Economica, coll. Corpus droit privé, 2012, n° 689.
Cass. 1re civ. , 27 sept. 1983, n° 82-12459 : Bull. civ. I, n° 213 ; RGAT 1984, p. 193, note A. Besson : « vu les articles 1134 et 1153 du Code civil, attendu que pour décider que l’indemnité d’assurance fixée par le tribunal a la somme de 696 439,49 francs, représentant la valeur au moment du sinistre des biens immobiliers incendies, serait actualisée en fonction de l’évolution de l’indice du coût de la construction entre la date de la fixation de cette indemnité et la date de son paiement (…) attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’aux termes des articles précités de la police, qui constituait une assurance de choses, l’indemnité d’assurance ne pouvait dépasser la valeur des biens au moment du sinistre, et que le retard dans le paiement de cette indemnité ne pouvait, sauf préjudice indépendant qui n’est pas constaté en l’espèce, donner lieu qu’à l’allocation des intérêts au taux légal ».
Cass. 1re civ., 1er déc. 1998, n° 96-21278 : Bull. civ. I, n° 336 ; RJF 4/1999, n° 406 ; RCA 1999, comm. n° 54 ; D 1999, p. 231, obs. C.-J. Berr ; RGDA 1999, p. 101, note L. Mayaux.
Cass. 3e civ., 7 déc. 1994, n° 92-21058 : RCA 1995, comm. n° 124, obs. Péano – Cass.2e civ., 12 mai 2010, n° 09-12056 : RCA 2010, comm. n° 211, obs. H. Groutel.
CGI, art. 39 quaterdecies 1 ter. V. plus particulièrement sur cette question : F. Douet, Précis de droit fiscal de la famille, LexisNexis, 2015, 14e éd., nos 647 et s.
CGI, art. 39 quindecies I-1. V. plus particulièrement sur cette question : F. Douet, Précis de droit fiscal de la famille, préc. note 46, 2015, n° 652.
Testez gratuitement Lextenso !