Les effets du changement : le changement dans la continuité ?
Par rapport à l’hypothèse d’un contrat d’assurance unique pour toute la durée du crédit, celle d’un changement d’assureur en cours de prêt est source d’inconfort juridique. L’économie attendue sur les cotisations trouve sa contrepartie dans l’existence de situations difficiles à gérer. Le problème de la continuité des garanties et des prestations est inévitable. Il peut être réglé par le recours aux solutions jurisprudentielles existantes en matière de risques composites. Les hypothèses d’un cumul des cotisations, voire des prestations, sont plus pathologiques. Elles peuvent être prévenues par un comportement vertueux des différents protagonistes. La concurrence n’est pas l’anarchie.
1. La question des effets d’un changement d’assurance « emprunteurs » est absolument centrale. Sa bonne résolution est une condition du succès des réformes issues des lois du 17 mars 2014 et du 21 février 2017. Il ne faudrait pas, en effet, que le changement d’assureur préjudicie à l’emprunteur en provoquant des « trous » de garantie ou des doubles prélèvements de cotisations. Les contempteurs de ces réformes y trouveraient, à juste titre, matière à alimenter leur critique. Celle-ci repose sur un[...]
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Seule la garantie « perte d’emploi » relève des assurances de dommages. Mais, comme les autres garanties, elle ne couvre pas le prêteur mais bien l’emprunteur qui a seul la qualité d’assuré.
Kullmann J., « Les assurances de personnes », in Bigot J. (dir.), Traité de droit des assurances, t. IV, 2007, LGDJ, n os 976 et s.
Cass. 1 re civ., 14 nov. 1995, n° 93-15309 : RGDA 1996, p. 410, note Kullmann J. ; D. 1996, jur., p. 436, note Billiau M. ; Groutel H., « Le droit de ne pas payer ses dettes », Resp. civ. et assur. 1995, chron. 45.
Sur ces questions de date, v. Mayaux L., « La date du changement : la loi ou la volonté ? », RGDA avr. 2018, n° X, p. X.
Au moins quand la fausse déclaration est intentionnelle ( C. assur., art. L. 113-8) ; à défaut, la prestation d’assurance sera réduite proportionnellement ( C. assur., art. L. 113-9).
Les critères du CCSF résultent d’un avis du 13 janv. 2015 « sur l’équivalence du niveau de garantie en assurance emprunteur », www.ccsfin.fr.
Les dommages et intérêts étant alors limités à la réparation de la perte de chance.
V. recommandation ACPR n° 2017-R-01, 26 juin 2017, art. 4.3.2.2. L’ACPR recommande « d’examiner l’équivalence du niveau de garantie du contrat externe sur la base de la durée d’amortissement du prêt, sans tenir compte des possibles allongements de durée résultant d’options de modulation ouvertes par les contrats de prêt, dès lors qu’ils n’ont pas été sollicités par l’emprunteur au moment de l’analyse » ; mais le banquier doit informer le client que l’exercice de l’option nécessitera l’accord préalable de l’assureur externe sur l’allongement de la durée de couverture, sauf si le contrat couvre explicitement un tel allongement (art. 4.3.3.4).
Sur le fait que la garantie « perte d’emploi » relève des assurances de dommages, v. supra, n° 2.
Ce qui est très généralement le cas, sauf si le changement d’assureur devait intervenir pendant la première année du contrat initial, et donc par application de la loi Hamon du 17 mars 2014.
Au contraire, au moins pour le risque d’invalidité, de l’hypothèse où le sinistre est « à cheval » sur la date de résiliation de ce contrat (v. infra, n os 15 et s.). Mais, ce n’est pas celle envisagée ici.
Au moins quand le délai de 10 jours suivant la notification à l’ancien assureur de l’acceptation du nouveau contrat par le prêteur est déjà expiré à cette date. V. Mayaux L., art. préc., n° 8.
Dans le cas contraire, il est douteux que le deuxième assureur aurait accepté la souscription, du fait de la sélection médicale qu’il opère à l’entrée dans l’assurance.
V. par analogie, pour une assurance « frais d’hospitalisation », Cass. 2 e civ., 24 mars 2015, n os 15-16604 et 15-16912 : RGDA mai 2015, n° 113k0, p. 262, note Mayaux L., considérant que chaque hospitalisation constitue un sinistre. Mais, cette dernière assurance se rapproche d’une assurance de pertes pécuniaires (même si elles sont consécutives à une maladie), ce que n’est pas l’assurance « emprunteurs » (v. supra, n° 2).
Supra, n° 2.
Cass. 1 re civ., 13 janv. 2004, n° 02-14202 : Bull. civ. I, n° 12 ; RGDA 2004, p. 480, 2 e esp., note Kullmann J. ; Resp. civ. et assur. 2004, comm. 111, note Groutel H.
Mayaux L., « Le contrat d’assurance », in Bigot J. (dir.), Traité de droit des assurances, t. III, 2 e éd., 2014, LGDJ, n° 66.
V. Cass. soc., 18 mars 2003, n° 01-41669 : RGDA 2003, p. 528, note Bigot J. Cet arrêt estime que la clause du contrat de travail qui prévoit que les prestations cessent à la date de la rupture de ce contrat est réputée non écrite, au motif que « les prestations liées à la réalisation d’un sinistre survenu pendant la période de validité du contrat d’assurance de prévoyance ne peuvent être remises en cause par la résiliation ultérieure de la police » ; l’arrêt est rendu au visa de C. civ., art. 1134 (devenu C. civ., art. 1103). Rappr., pour le risque « invalidité », Cass. 2 e civ., 17 avr. 2008, n° 07-12088 – et Cass. 2 e civ., 17 avr. 2008, n° 07-12064, arrêts visant également C. civ., art. 1134 ou CSS, art. L. 911-2.
Rapprocher, s’inspirant de ce principe en cas d’exclusion d’un adhérent à un contrat-groupe pour non-paiement des cotisations, C. assur., art. L. 141-3, al. 4 : « Cette exclusion ne peut faire obstacle, le cas échéant, au versement des prestations acquises en contrepartie des primes ou cotisations versées antérieurement par l’assuré. »
Supra, n° 6.
Mais, au moins pour l’accident, l’hypothèse est rare car l’arrêt de travail est le plus souvent concomitant à l’accident.
Cass. 2 e civ., 12 avr. 2012, n° 11-17355 : RGDA 2012, p. 1097, note Asselain M.
Quand bien même les prestations relatives à cette incapacité de travail n’auraient commencé à être servies qu’après ce changement, en raison d’une franchise temporelle. Il faut, en effet, distinguer garantie et prestations ; v. supra, n° 11.
Cass. 2 e civ., 16 oct. 2008, n° 07-13940 : RGDA 2009, p. 199, 1 re esp., note Mayaux L. – Cass. 2 e civ., 14 janv. 2010, n° 09-10237 : Bull. civ. II, n° 6 ; RGDA 2011, p. 531, note Mayaux L. – Cass. 2 e civ., 3 mars 2011, n° 09-14989 : Bull. civ. 2011, n° 55 ; RGDA 2011, p. 805, note Mayaux L., arrêt mentionné au rapport annuel.
Cass. 2 e civ., 5 mars 2015, n° 13-26892 : Bull. civ. II, n° 52 ; RGDA avr. 2015, n° 112b5, p. 204, note Mayaux L.
V., en prévoyance complémentaire, Cass. 2 e civ., 3 mars 2011, n° 09-14989, préc. : « La cour d’appel a exactement déduit qu’en l’absence de prestations dues pendant la durée d’application du premier contrat, l’article 7 de la L. n° 89-1009, 31 déc. 1989, n’était pas applicable et que ces invalidités, constatées lors de l’exécution du contrat MGP [le deuxième contrat], devaient être prises en charge par cette dernière. »
V. supra, n° 13.
Cass. 1 re civ., 22 mai 2001, n° 98-17935 : Bull. civ. I, n° 41 : RGDA 2001, p. 727, note Kullmann J. ; Resp. civ. et assur. 2001, comm. 236, note Groutel H. – Cass. 1 re civ., 29 avr. 2003, n° 01-01978 : Bull. civ. I, n° 99 – Cass. 2 e civ., 4 févr. 2016, n° 14-27249, P : RGDA mars 2016, n° 113d5, p. 147, note Mayaux L.
Mais il y a de fortes chances qu’il le soit. D’une part, on pourrait soutenir qu’en cas de maladie ou d’accident, le décès n’est jamais certain. Il y a toujours une part d’aléa qui demeure. Il n’y a donc pas passé connu si du moins l’on estime que la connaissance porte sur un événement qui rendrait inéluctable la conséquence envisagée (ici le décès). D’autre part si, au moment où l’emprunteur souhaite souscrire un contrat de remplacement, il est déjà en incapacité de travail, voire en invalidité, il y a fort peu de chance qu’il puisse trouver un nouvel assureur pour le couvrir contre le risque « décès ». Le problème de la reprise du passé inconnu ne se pose donc pas.
Laquelle, comme on l’a vu, n’est pas applicable aux assurances « emprunteurs » ; v. supra, n° 10.
Faisant naître un risque de double prélèvement. Sur cette hypothèse, v. infra, n° 22.
Sur le fait que les « trous de garantie » qui pourraient être constatés ne tiennent pas à un problème d’étendue de la garantie dans le temps, mais au contenu du deuxième contrat ou à sa nullité, v. supra, n° 3.
Sur lesquelles, v. Mayaux L., « La date du changement : la loi ou la volonté ? », art. préc., n° 8.
Recomm. ACPR n° 2017-R-01, 26 juin 2017, préc.
C. consom., art. L. 313-34, al. 2.
Ou, au plus tard, à la date où le nouveau contrat d’assurance prend effet : C. assur., art. L. 113-12-2.
Supra, n° 23.
Infra, n os 27 et s.
Sur laquelle, v. infra, n os 27 et s.
Kullmann J., « Traité de droit des assurances », t. IV, préc., n° 1174.
C. civ., art. 2310, al. 1 er : « Lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur pour une même dette, la caution qui a acquitté la dette a recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion. » L’action est possible même quand les deux cautionnements ont été consentis par acte séparé, sans solidarité ; v. Cass. 1 re civ., 3 oct. 1995, n° 92-18442 : Bull. civ. I, n° 338 ; D. 1996, somm., p. 266, obs. Aynès L. ; JCP N 1996, II 1631, 2 e esp., note Piedelièvre S.
Cass. 1 re civ., 14 mai 1991, n° 87-16004 : Bull. civ. I, n° 147 ; RGAT 1991, p. 623, obs. Kullmann J. ; Resp. civ. et assur. 1991, comm. 312 ; adde Groutel H., Le cumul d’assurances de personnes : Resp. civ. et assur. 1991, chron. 20.
Supra, n° 27.
Cass. 1 re civ., 14 nov. 1995, préc.
Etant entendu que, si la banque ne met pas en jeu la garantie du premier assureur, l’emprunteur peut lui-même agir contre ce dernier pour obtenir l’exécution de la stipulation pour autrui ; v., confirmant cette solution, C. civ., art. 1209 : « Le stipulant peut exiger du promettant l’exécution de son engagement envers le bénéficiaire. »
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Plan
- 1Le changement d’assureur en assurance « emprunteurs »
- 1.1Les sources du changement : l’empilement des textes, la résistance de la jurisprudence
- 1.2La date du changement : la loi ou la volonté ?
- 1.3Les effets du changement : le changement dans la continuité ?