Impôt sur les sociétés et remboursement après abandon de créance d'un associé : l'obligation naturelle exclut la libéralité
Lorsqu’un associé abandonne sa créance envers la société dont il est associé en raison des difficultés financières que celle-ci connaît, puis que la société connaît un retour à meilleure fortune et le rembourse, cette dernière opération doit, malgré la tendance jurisprudentielle contraire, être analysée comme le paiement d’une obligation naturelle objectivement appréciable en argent et être inscrite en tant que paiement d’une dette sur le bilan de la société, eu égard à l’impôt sur les sociétés.
1. L’obligation naturelle est un concept juridique fondamental en droit des obligations1 qui, en tant que tel, a des applications dans bien des domaines, et notamment en droit de la fiscalité2. L’obligation (purement) naturelle est une obligation de droit naturel qui n’est pas reconnue par la société de manière absolue comme pour les obligations (naturelles et) civiles en général3 mais dont la société délègue à son éventuel débiteur naturel la reconnaissance, qu’il est censé faire après un jugement de conscience4. De tels mots semblent à première vue assez éloignés du monde des affaires et de la fiscalité, et pourtant le cas discuté ici du remboursement de l’abandon de créance par un associé fait bien intervenir l’obligation naturelle.
2. Le cas typique est le suivant. Un associé consent à un abandon de créance ou de compte courant en faveur de la société dont il est associé en raison des[...]
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V. Bellis K., Système de l’obligation naturelle, thèse, Leveneur L. (dir.), à paraître. V. aussi le résumé à paraître dans la revue Droits, n° 69.
V. la section dédiée à la fiscalité de l’obligation naturelle dans la troisième partie de l’ouvrage précité, note 1.
V. not. l’article 1100-1 de synthèse de notre système de l’obligation naturelle.
V. not. l’article 1100-2 de synthèse de notre système de l’obligation naturelle.
Il s’agit ici d’une distinction classique entre bienfaisance et justice même non civile, au sujet de laquelle nous donnons dans notre ouvrage quelques références littéraires (notamment Dostoïevski) ou juridiques (notamment Pothier). Un juge qualifiait de « monstrueuse » l’argumentation de l’administration fiscale qualifiant de donation ce qui n’était, selon lui, que l’acquit d’une dette naturelle reconnue en conscience. TI La Réole, 4 mars 1846, Lavaissière c/ la régie : D. 1846, 3, 60.
L’obligation naturelle non objectivement appréciable en argent est soumise, en ce qui concerne les effets du transfert de valeur, au droit des libéralités. V. not. les articles 1100-4 et 1100-5 de synthèse du système de l’obligation naturelle. L’obligation naturelle de rembourser un associé ayant abandonné sa créance pour que la société puisse retourner à meilleure fortune est objectivement appréciable en argent car la dette naturelle sera du montant global de la dette initiale civilement abandonnée, objectivement constatable. Les cas d’absence d’appréciabilité objective renvoient par exemple à la reconnaissance après service non chiffrable ou à la partie qui dépasse le montant objectivement chiffrable.
Nous pensons par exemple aux lois fiscales relatives à la fiscalité des transferts de valeurs entre parents et enfants, que l’on ne peut évidemment éluder de manière générale par le biais de l’obligation naturelle dans la mesure où l’esprit de la loi n’est pas dans une telle élusion.
Notamment entre parents ou enfants.
Outre son effet psychologique.
CAA Douai, 6 août 2010, n° 09DA01342, rapp. Baes Honoré C. : la convention définissait le retour à meilleure fortune comme la réalisation d’un résultat positif.
Par ex. CAA Paris, 31 juill. 2015, n° 14PA05378, conf., rapp. Pages D.
Par ex., admettant la possibilité d’obligation naturelle : CA Rennes, 26 mars 2014, n° 12/02679, prés. Laurent M.-G. (banque) ; CA Chambéry, 22 avr. 2014, n° 09/01779, rapp. Morel J. (commune).
Par ex. CAA Nantes, 17 mars 2011, n° 10NT00185, rapp. Christien R.
CAA Paris, 6 juill. 1993, n° 91PA00997, rapp. Duhant M.
CAA Paris, 31 juill. 2015, n° 14PA05378, conf., rapp. Pages D.
Notamment en ce qui concerne l’article 156, II, 2°, du Code général des impôts. V. notre article à paraître sur la question à la Revue de droit fiscal 2019, n° 49.
CA Paris, 26 juin 2012, n° 11/02098, rapp. Beaudonnet P. ; CA Versailles, 17 juin 2014, (cassé sur un autre fondement par Cass. com., 14 mars 2006, n° 04-18519, prés. Tricot D., rapp. Gueguen C.).
CAA Paris, 15 juin 2005, n° 00PA01225, rapp. Alfonsi J.
CAA Douai, 6 août 2010, n° 09DA01342, rapp. Baes Honoré C.
CAA Nancy, 27 mars 2014, n° 12NC01019, conf., prés. Stefanski C., rapp. Guidi L.
CAA Marseille, 22 mars 1999, n° 96MA01683, conf., rapp. Guerrive M.
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