La question de la transmission des droits de vote double attachés à une participation apportée
Une participation peut constituer une branche d’activité. Apportée à une autre société, les droits de vote double dont elle bénéficiait se transmettent à la société bénéficiaire de l’apport dès l’instant que cet apport a été soumis au régime juridique des scissions.
1. On sait, en application de l’article L. 225-124, alinéa 1er, du Code de commerce, que :
« Toute action convertie au porteur ou transférée en propriété perd le droit de vote double attribué en application des articles L. 225-123 et L. 22-10-46. Néanmoins, le transfert par suite de succession, de liquidation de communauté de biens entre époux ou de donation entre vifs au profit d’un conjoint ou d’un parent au degré successible ne fait pas perdre le droit acquis et n’interrompt pas le délai mentionné au premier alinéa de l’article L. 225-123 et à l’article L. 22-10-46. Il en est de même, sauf stipulation contraire des statuts, en cas de transfert par suite d’une fusion ou d’une scission d’une société actionnaire. »
Ce premier alinéa, qui vise l’hypothèse dans laquelle c’est la participation porteuse du droit de vote double qui se trouve transmise à la société bénéficiaire d’une fusion ou d’une scission, est inutilement répétée, selon nous1, par l’alinéa 3 de l’article qui dispose, lui aussi, que :
« Les droits de vote double dans des sociétés tierces dont bénéficie[...]
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Sauf à admettre, ce qui est concevable, et même assez probable, que l’intention du législateur, lorsqu’il a introduit ce troisième alinéa (dû à la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016), aurait été de neutraliser l’effet des clauses insérées dans les statuts de la société « tierce », lesquelles ne pourraient donc plus faire échec au maintien du droit de vote double en cas de fusion de l’un de ses actionnaires, mais seulement interrompre à l’égard du nouvel actionnaire issu de la fusion le délai de détention des actions nécessaire à l’acquisition de ce droit de vote double : en ce sens, v. D. Poracchia, « Aspects de droit des sociétés de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique du 9 décembre 2016 », BJS janv. 2017, n° BJS115z5, spéc. p. 78, et les annotateurs du « Code des sociétés » Dalloz, 2022, note II, A, sous l’article L. 225-124.
Ce qui suppose que la participation apportée puisse être regardée comme constituant, en elle-même, pour elle-même, une « branche d’activité » (v. supra) ou qu’elle soit incluse dans une telle branche d’activité.
Mémento Lefebvre Sociétés commerciales, 2022, n° 47720.
Ou que, cotée, elle soit éligible au droit de vote double « de droit » institué par la loi Florange du 29 mars 2014, aujourd’hui codifiée au texte de l’article L. 22-10-46 du Code de commerce.
En application de l’article 115-2 du CGI.
Le Lamy Sociétés commerciales 2021, n° 4721. Et c’est encore cette hypothèse que d’autres auteurs appréhendent lorsque, prenant acte des positions adoptées par les auteurs du Mémento Sociétés commerciales ou du Lamy Sociétés commerciales, ils concluent que « l’exception [prévue par l’alinéa 2 de l’article L. 225-124] ne paraît pas pouvoir être étendue aux apports partiels d’actifs soumis au régime juridique des scissions » : P. Y. Chabert, « La figure de la scission partielle en droit français », Rev. sociétés 2005, p. 759, n° 56.
A. Reygrobellet, « Patchwork de nouveautés en droit des affaires », JCP N 2017, 1006, n° 30, qui suggère que « les alinéas 1 et 3 de l’article L. 225-124 ne visant toujours pas l’apport partiel d’actif, il conviendrait sans doute d’en déduire que la mesure de faveur ne s’applique pas dans ce cas particulier ».
Mémento Lefebvre Sociétés commerciales, 2022, n° 47725.
Car, dans la figure des alinéas 1 et 3 de l’article, il y a bien un transfert des actions à l’entité bénéficiaire de l’apport partiel d’actif (non une subrogation).
Il n’y renvoie plus, par inadvertance semble-t-il, depuis la réécriture de l’article L. 233-16 par la loi de simplification du droit des sociétés du 19 juillet 2019, dite loi Soilihi.
Il arrive, mais rarement, que des textes visent spécifiquement l’opération d’apport partiel d’actif : l’article L. 145-16 du Code de commerce le fait pour admettre la transmission du bail à usage commercial à la société bénéficiaire d’une fusion, d’une scission, d’une « TUP » ou d’un apport partiel d’actif soumis au régime des scissions, mais uniquement pour prendre acte que l’apport entraîne alors une transmission universelle de patrimoine. De même, pour les apports de fonds de commerce, l’article L. 141-21 du Code de commerce, visant l’article L. 236-22 du même code, dispose que « sauf s’il résulte d’une opération de fusion ou de scission soumise aux dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 236-2 et des articles L. 236-7 à L. 236-22 (…), tout apport de fonds de commerce fait à une société en constitution ou déjà existante doit être porté à la connaissance des tiers dans les conditions prévues par les articles L. 141-12 à L. 141-18 sur un support habilité à recevoir des annonces légales et par voie d’insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales ». Mais ces renvois à la « figure » de l’apport partiel d’actif demeurent exceptionnels. Lorsqu’ils existent, ils ont pour mérite essentiel de dissiper tout doute sur le champ d’application de ces textes.
Stricto sensu, la « scission partielle » est toutefois l’opération qui, en application de l’article 115, 2, du CGI, entraîne (comme dans la figure de la scission) l’attribution des titres ayant rémunéré l’apport aux actionnaires de la société apporteuse.
Cass. com., 16 févr. 1988, n° 86-19645 : Bull. civ. IV, n° 69 puis Cass. com., 5 mars 1991, n° 88-19269 : Bull. civ. IV, n° 100 ; jurisprudence constante depuis.
Avant que la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 ne crée un article L. 236-6-1 autorisant toutes les sociétés, indépendamment de leur forme, à placer un apport partiel d’actif « sous le régime des articles L. 236-1 à L. 236-6 ».
Cass. com., 3 juin 2003, n° 99-18707 : Bull. civ. IV, n° 92 ; BJS août 2003, n° 195, p. 933, note B. Saintourens, confirmant CA Paris, 25e ch. B, 2 juill. 1999 ; dans le même sens, v. aussi CA Paris, 1re ch. G, 19 sept. 2001 : D. 2001, AJ, p. 3124, confirmé sur ce point par Cass. com., 30 nov. 2004, n° 01-16581 : BJS févr. 2005, n° 42, p. 241, note P. Le Cannu ; JCP E 2005, n° 4, p. 124.
En ce sens, voir notamment les auteurs du Mémento Sociétés commerciales, 2022, n° 84210, qui relèvent que les tribunaux « retiennent ainsi en bloc le régime des nullités des scissions ».
Dans le même sens, v. aussi Bull. CNCC, n° 98, juin 1995, p 204.
CA Paris, 5-8, 4 févr. 2014, n° 12/16545 : BJS juill. 2014, n° BJS112c9, note B. Dondero.
Notamment les auteurs du Mémento Lefebvre Sociétés commerciales, 2022, n° 47725 (précité).
En ce sens, v. du moins : D. Poracchia, « Aspects de droit des sociétés de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique du 9 décembre 2016 », BJS janv. 2017, n° BJS115z5, spéc. p. 78, et les annotateurs du « Code des sociétés » Dalloz, 2022, note II, A, sous l’article L. 225-124.
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- 1À propos des apports partiels d’actifs soumis au régime des scissions