L'apport partiel d'actif simplifié
Un apport partiel d’actif peut être soumis au régime juridique des scissions simplifiées. Le champ d’application de ce mécanisme est toutefois plus obscur aujourd’hui qu’il ne l’était par le passé.
1. On sait que les opérations d’apport partiel d’actif peuvent non seulement être soumises au régime des scissions mais accéder au bénéfice d’un régime simplifié dès l’instant qu’une société détient 100 % du capital de l’autre (ni AGE, ni rapports des dirigeants, ni rapport des commissaires à la scission dans aucune des sociétés participant à l’opération).
2. La loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, dite loi Soilihi, a en effet introduit un régime simplifié spécifique aux apports partiels d’actifs intervenant entre une société mère et sa filiale détenue à 100 %, lorsque les deux sociétés concernées sont des sociétés par actions (C. com., art. L. 236-22). Cette modification était attendue. Avant cette loi de réforme, le régime de l’apport partiel d’actif simplifié résultait d’un jeu de renvoi compliqué, imposant de raisonner par analogie avec la fusion simplifiée. Or, cette analogie s’est révélée largement inadaptée puisqu’elle aboutissait dans les faits à ne permettre que les opérations d’apports partiels d’actifs de la filiale vers la société mère, opérations qui demeurent rares en pratique. La loi Soilihi est donc venue rectifier une[...]
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L’article L. 236-22 du Code de commerce continue en effet de disposer, en son alinéa 1er, que « la société qui apporte une partie de son actif à une autre société et la société qui bénéficie de cet apport peuvent décider d’un commun accord de soumettre l’opération aux dispositions des articles L. 236-16 à L. 236-21 ».
V., sur ce point, les auteurs du Memento Lefebvre Sociétés commerciales, 2022, n° 83621.
Qui dispose, en son alinéa 1er : « Sans préjudice de l’article 140, les États membres n’imposent pas l’approbation de la scission par l’assemblée générale de la société scindée si les sociétés bénéficiaires sont, dans leur ensemble, titulaires de toutes les actions de la société scindée et de tous les autres titres conférant un droit de vote aux assemblées générales de la société scindée et que les conditions suivantes sont remplies (…) ».
Pour mémoire, l’article L. 236-11 du Code de commerce dispose désormais (al. 1er) : « Lorsque, depuis le dépôt au greffe du tribunal de commerce du projet de fusion et jusqu’à la réalisation de l’opération, la société absorbante détient en permanence la totalité des actions représentant la totalité du capital des sociétés absorbées ou qu’une même société détient en permanence la totalité des actions représentant la totalité du capital de la société absorbante et des sociétés absorbées, il n’y a lieu ni à approbation de la fusion par l’assemblée générale extraordinaire des sociétés participant à l’opération ni à l’établissement des rapports mentionnés au quatrième alinéa de l’article L. 236-9 et à l’article L. 236-10 ».
A. Couret et C. Barrillon, « La loi Soilihi et les maladresses du législateur », D. 2019, p. 171.
V. entre autres commentateurs de la loi Soilihi : C. Coupet, « La loi du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation : miscellanées de droit des sociétés », BJS oct. 2019, n° BJS120e1 ; A. Couret et C. Barrillon, « La loi Soilihi et les maladresses du législateur », D. 2019, p. 171 ; C. Barrillon, D. Baugard, F. Bernauer, D. Capelli, A. Couret, J.-J. Daigre, A. Eglinger, C. Guyard, O. Masi, V. De Pazzis, A. Pollet, F. Riquier-Tahier, B. Roucher et C. Le Sone-Thomas, « Le régime des restructurations simplifiées », Actes prat. ing. sociétaire 2021, nos 152 et s. ; Études Joly Sociétés, Fusion, scission, n° S_EF030, n° 142, M.-L. Coquelet et C. Barrillon.
Relire l’article 154 de la directive consolidée n° 2017/1132 du 14 juin 2017 (précitée).
Relire C. com., art. L. 236-2, al. 1er.
V. toutefois, en sens contraire, l’avis n° 21-039 du comité juridique de l’ANSA (1er déc. 2021) qui estime que l’interprétation de la loi française « doit être conforme à la directive européenne qui n’offre aucune option aux États membres » puisqu’elle dispose : « Les États membres n’imposent pas l’approbation de la scission par l’assemblée générale de la société scindée si les sociétés bénéficiaires sont, dans leur ensemble, titulaires de toutes les actions de la société scindée et de tous les autres titres conférant un droit de vote aux assemblées générales de la société scindée. » On aimerait souscrire à l’opinion mais, outre qu’il n’y a pas vraiment matière à « interprétation » de la loi française (qui est claire, même si elle est absurde et contraire à la directive européenne), cette directive ne dispense que de la tenue de l’assemblée générale de la société scindée (et non de celles des sociétés bénéficiaires de la scission), alors que tout l’intérêt de la scission simplifiée « à 100 % » est – précisément – de se passer de toute assemblée générale, y compris chez les sociétés bénéficiaires de l’opération.
Conforme, au demeurant, à celui que proposent les auteurs de l’article consacré au « régime des restructurations simplifiées », Actes prat. ing. sociétaire 2021, nos 152 et s., spéc. p. 35, n° 177.
En ce sens, ANSA, CJ, avis, 12 oct. 2011, n° 11-057, confirmé par ANSA, avis, 3 sept. 2014, n° 14-055, vu C. com., art. L. 233-29, al. 1er, qui dispose : « Une société par actions ne peut posséder d’actions d’une autre société, si celle-ci détient une fraction de son capital supérieure à 10 % ».
Qui dispose : « À défaut d’accord entre les sociétés intéressées pour régulariser la situation, celle qui détient la fraction la plus faible du capital de l’autre doit aliéner son investissement. Si les investissements réciproques sont de la même importance, chacune des sociétés doit réduire le sien, de telle sorte qu’il n’excède pas 10 % du capital de l’autre. » Le délai d’un an est pour sa part fixé par l’article R. 233-19 du Code de commerce. En ce sens, H. Le Nabasque, A. Soilleux et A. Duguay, « Les scissions et apports partiels simplifiés », in « La réforme des fusions et des scissions de sociétés », BJS mars 2012, n° 120, p. 274 ; et, dans le même sens, Études Joly Sociétés, Apport partiel d’actif, n° S_EA140, n° 068, M.-L. Coquelet et C. Barrillon.
La société absorbante « renonce » à émettre les parts ou les actions qui devaient lui revenir.
Attribution en partage à la société absorbante de la fraction du patrimoine de la société absorbée correspondant aux droits de l’absorbante, apport/fusion rémunéré du solde.
Citée supra n° 14, note 11.
V. déjà, sur ce point, n° 14 du présent article et les références citées à la note 12 ; et, favorables – également – à la rémunération en ce cas, C. Barrillon, D. Baugard, F. Bernauer, D. Capelli, A. Couret, J.-J. Daigre, A. Eglinger, C. Guyard, O. Masi, V. De Pazzis, A. Pollet, F. Riquier-Tahier, B. Roucher et C. Le Sone-Thomas, « Le régime des restructurations simplifiées », Actes prat. ing. sociétaire 2021, n° 189.
V., dans le même sens, C. Barrillon, D. Baugard, F. Bernauer, D. Capelli, A. Couret, J.-J. Daigre, A. Eglinger, C. Guyard, O. Masi, V. De Pazzis, A. Pollet, F. Riquier-Tahier, B. Roucher et C. Le Sone-Thomas, « Le régime des restructurations simplifiées », Actes prat. ing. sociétaire 2021, n° 189.
V., dans le même sens, les auteurs cités à la note précédente, ainsi que Études Joly Sociétés, Apport partiel d’actif, n° S_EA140, n° 070, M.-L. Coquelet et C. Barrillon.
V., dans le même sens, C. Barrillon, D. Baugard, F. Bernauer, D. Capelli, A. Couret, J.-J. Daigre, A. Eglinger, C. Guyard, O. Masi, V. De Pazzis, A. Pollet, F. Riquier-Tahier, B. Roucher et C. Le Sone-Thomas, « Le régime des restructurations simplifiées », Acte prat. ing. sociétaire 2021, n° 189. Et, dans le même sens, ANSA, CJ, avis, 4 déc. 2019, n° 19 062.
Sauf l’hypothèse où l’apport peut être rémunéré par des titres auto-détenus en portefeuille.
Ainsi que le soulignent les auteurs du dossier consacré au « régime des restructurations simplifiées » (in Actes prat. ing. sociétaire 2021, n° 194), lorsqu’ils écrivent, au n° 193 : « Faut-il considérer que la loi a organisé un cas d’émission de titres nouveaux sans assemblée (…) ou faut-il, dans l’ambiguïté des textes applicables, considérer que lorsque la loi dispense, elle n’interdit pas ».
V., en ce sens également, C. Barrillon, D. Baugard, F. Bernauer, D. Capelli, A. Couret, J.-J. Daigre, A. Eglinger, C. Guyard, O. Masi, V. De Pazzis, A. Pollet, F. Riquier-Tahier, B. Roucher et C. Le Sone-Thomas, « Le régime des restructurations simplifiées », Actes prat. ing. sociétaire 2021, n° 194.
Une SASU dans la figure de l’apport partiel d’actif « vers le bas », comme dans celle d’une opération réalisée entre sociétés sœurs dont l’une (la société apporteuse) est une SARL et l’autre (la bénéficiaire de l’apport) une SASU. Une EURL lorsque, dans la figure de l’apport partiel d’actif réalisé entre sociétés sœurs, les deux sont des EURL.
En ce sens, les auteurs du Mémento Lefebvre Sociétés commerciales, 2022, n° 86061.
La doctrine l’admet (v. pour ex., les auteurs du Mémento Lefebvre Sociétés commerciales, 2022, n° 86062), ainsi qu’une réponse ministérielle (AN, rép. min., 15 juill. 1972, n° 24966, P. Ruais).
C’est-à-dire : (i) en cas d’apport partiel d’actif réalisé « vers le haut » (hypothèse assez rare en pratique), où une AGE de la mère – si celle-ci est une société pluripersonnelle – apparaît nécessaire comme (ii) en cas de scission simplifiée, pour les sociétés bénéficiaires de l’opération, lesquelles détiennent « ensemble » (mais seulement « ensemble ») 100 % du capital de la société qui se scinde, lorsque cette scission simplifiée est possible, c’est-à-dire – désormais – entre SARL ou entre des SARL et des sociétés par actions.
Elle ne peut être mise en œuvre que dans une société dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé, dans la limite de 10 % de son capital, et pour rémunérer – exclusivement – des apports en nature constitués de titres de capital ou de valeurs mobilières donnant accès au capital (C. com., art. L. 22-10-53, désormais détaché de l’article L. 225-147).
Mise en place par la loi Pacte du 22 mai 2019, en ces termes (C. com., art. L. 236-9, II, al. 1er) : « Par dérogation au premier alinéa du I, l’assemblée générale extraordinaire de la société absorbante peut déléguer sa compétence au conseil d’administration ou au directoire, selon le cas, pour décider d’une fusion par absorption pendant une durée qu’elle fixe et qui ne peut excéder vingt-six mois. L’assemblée générale extraordinaire de la société absorbante qui décide une fusion par absorption peut également déléguer le pouvoir au conseil d’administration ou au directoire, selon le cas, de déterminer les modalités définitives du projet de fusion, pour une durée qu’elle fixe et qui ne peut excéder cinq ans ».
L’article L. 236-9, II, prévoit expressément (en son alinéa 3) que : « Lorsque l’assemblée générale extraordinaire fait usage d’une des facultés prévues au premier alinéa du présent II et que la fusion nécessite une augmentation de capital, elle délègue également, par une résolution particulière et dans les conditions prévues aux articles L. 225-129 à L. 225-129-5, son pouvoir ou sa compétence de décider de l’augmentation de capital permettant d’attribuer des titres de capital aux associés de la ou des sociétés absorbées ».
C. com., art. L. 236-22, al. 1er : « La société qui apporte une partie de son actif à une autre société et la société qui bénéficie de cet apport peuvent décider d’un commun accord de soumettre l’opération aux dispositions des articles L. 236-16 à L. 236-21 » – C. com., art. L. 236-16 : « Les articles L. 236-9 et L. 236-10 sont applicables à la scission ».
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