La délicate qualification des capitaux d'assurance-vie reçus d'un tiers par un époux commun en biens
Quelles conséquences la situation matrimoniale du bénéficiaire de capitaux d’assurance-vie peut-elle avoir sur la propriété de ces fonds ?
Cette problématique apparaît lorsqu’un bénéficiaire est marié – ou a vocation à être un jour marié – sous un régime de communauté.
En effet, si la nature propre du capital reçu par un époux au dénouement du contrat de son conjoint est clairement définie par les textes1, tel n’est pas le cas des fonds provenant de contrats d’assurance-vie souscrits par un tiers.
Or un souscripteur-assuré peut souhaiter que les sommes issues de son contrat appartiennent en propre au bénéficiaire qu’il a désigné.
Cette volonté, résultant d’une situation a priori banale, soulève en réalité plusieurs difficultés pratiques. Doit-on considérer que les capitaux-décès doivent intégrer l’actif de communauté, ou, au rebours, que ces derniers constituent un bien propre à l’époux bénéficiaire ?
Comment déterminer la nature des capitaux-décès reçus au dénouement d’un contrat d’assurance-vie souscrit par un tiers ?
La perception de capitaux d’assurance-vie par un époux commun en biens emporte des conséquences sur la composition du patrimoine du couple. Si tous les biens sont censés être communs, à l’exception de ceux acquis antérieurement au mariage ou en cours de régime, par donation, succession, legs ou en emploi ou remploi de fonds propres (C. civ.,[...]
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L’article L. 132-16 du Code des assurances précisant en son premier alinéa que « le bénéfice de l’assurance contractée par un époux commun en biens en faveur de son conjoint, constitue un propre pour celui-ci ». La seule exception, visée par le second alinéa de cet article, concerne le rare cas des primes manifestement exagérées, lequel fait naître une récompense due par le survivant au profit de la communauté en raison des primes payées par cette dernière.
Iwanesko M. et Cordier V., « L’optimisation de la rédaction des clauses bénéficiaires », JCP N 2010, 1059.
Courtieu G., « Assurance sur la vie : à propos de la désignation du bénéficiaire », Resp. civ. et assur. 2009, étude 2 ; Martin D. R., « L’assurance mixte », JCP N 1994, 100540.
Naudin E. et Iwanesko M., « Assurance-vie et droit des régimes matrimoniaux », Dr. & patr. mensuel 2012, n° 218, p. 46.
Casey J., « Assurance-vie et communauté : aspects pratiques et liquidatifs », Gaz. Pal. 23 janv. 2010, n° I0207, p. 11.
V. not. Sauvage F., « À qui profite le décès avant acceptation du bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie ? », RJPF 2008/12, n° 30 ; Mayaux L., « Assurance vie : divergence, vous avez dit “divergence” ? », RGDA 2009, p. 13.
Cass. 1re civ., 5 nov. 2008, n° 07-14598 : Bull. civ. I, n° 250 ; JCP G 2009, II 10041, note Cannarsa M.
Cass. ch. mixte, 23 nov. 2004, n° 01-13592 : Bull. civ. ch. mixte, n° 4 – Cass. ch. mixte, 23 nov. 2004, n° 02-11352 : Bull. civ. ch. mixte, n° 4 – Cass. ch. mixte, 23 nov. 2004, n° 02-17507 : Bull. civ. ch. mixte, n° 4 – Cass. ch. mixte, 23 nov. 2004, n° 03-13673 : Bull. civ. ch. mixte, n° 4 ; JCP N 2005, 1003, note Grosjean P. ; RTD civ. 2005, p. 434, note Grimaldi M. ; Defrénois 15 avr. 2005, n° 38142-1, p. 607, note Aubert J.-L.
En ce sens, Aubert J.-L., note sous Cass. ch. mixte, 23 nov. 2004, n° 03-13673 : in Defrénois 15 avr. 2005, n° 38142-1, p. 607.
CA Lyon, 12 avr. 2010, n° 08/06750. Cet arrêt a, certes timidement et de manière accessoire, qualifié de biens propres les capitaux-décès d’assurance-vie reçus par un époux commun en biens.
Grimaldi M., « Réflexions sur l’assurance-vie et le droit patrimonial de la famille », Defrénois 15 juin 1994, n° 35841, p. 737, n° 1 et s. ; Grimaldi M., Droit patrimonial de la famille, 6e éd., 2018-2019, Dalloz Action, p. 138, n° 132.72 ; Delmas Saint Hilaire P., « L’assurance-vie en droit patrimonial de la famille », JCP N 2014, 1173 ; Leroy M., Guide de l’assurance-vie 2018, LexisNexis, p. 194, § 708 à 710.
À moins que le bénéficiaire soit désigné à titre onéreux, afin de régler une dette.
Meiller A. et Leyrat H., « Pour un assujettissement de l’assurance-vie au droit des libéralités », Defrénois 5 avr. 2018, n° 133a3, p. 17.
Cass. ch. mixte, 21 déc. 2007, n° 06-12769 : Bull. civ. ch. mixte, n° 13 ; JCP E 2008, 1265 note Hovasse S. ; Dr. fisc. 2008, comm. 217, note Deboissy F. – CE, 21 oct. 2009, n° 316881 : Dr. & patr. mensuel 2011, n° 201, p. 87, obs. Delmas Saint-Hilaire P.
Cass. com., 26 oct. 2010, n° 09-70927, D : Defrénois 15 juill. 2011, n° 40051, p. 1165, note Douet F.
Cénac P. et Tessier C., « Assurance-vie et régimes matrimoniaux – Résolution pratique des incohérences », Actes prat. strat. patrimoniale 2013, n° 4 du périodique, dossier 30.
Cass. 1re civ., 8 juill. 2010, n° 09-12491 : Bull. civ. I, n° 170 ; Defrénois 15 avr. 2011, n° 39225-2, p. 703, note Vareille B. – Cass. 1re civ., 20 mars 2013, n° 11-27221, D : Defrénois 30 avr. 2013, n° 112g0, p. 407, note Leroy M. À ce sujet, v. Leroy M. et Iwanesko M., « L’intégration volontaire de l’assurance-vie dans la succession », JCP N 2013, n° 46, 1263 et Douet F., « Retour sur l’intégration volontaire de l’assurance-vie dans la succession », JCP N 2014, n° 4, 178.
Depondt A., « Assurance-vie : les incohérences du droit positif (première partie) », JCP N 2010, 1167. V. contra Casey J., « Assurance-vie et communauté : aspects pratiques et liquidatifs », Gaz. Pal. 23 janv. 2010, n° I0207, p. 11 déjà cité, pour qui « il est manifeste qu’une seule mention “d’exclusion de communauté” ne saurait suffire : le bénéficiaire n’y consent pas (il ne sait rien de cet acte), et le souscripteur ne s’appauvrit de rien irrévocablement, puisqu’il peut changer de bénéficiaire, ou racheter son contrat ».
Concernant les contrats acceptés après l’entrée en vigueur de la loi n° 2007-1775 du 17 décembre 2007. Par suite de l’acceptation du bénéficiaire, le souscripteur ne peut plus effectuer de rachat sans son autorisation. V. not. Hovasse S., « Assurance-vie et régime de communauté », JCP N 2001, p. 1465 et s.
CE, 19 nov. 2004, n° 254797 : Defrénois 15 janv. 2006, n° 38306, p. 43, note Sauvage F.
Ergan E., « La qualification libérale de l’attribution à titre gratuit du bénéfice du contrat d’assurance-vie », RJPF 2001/7-8, n°12, p. 6.
Petroni-Maudière N., « L’articulation des règles de l’assurance-vie avec les règles du régime matrimonial », LPA 3 juin 2014, p. 66.
Pour une illustration récente, v. Cass. 1re civ., 20 nov. 2019, n° 16-15867, PB : JCP G 2020, 11, note Peterka N.
Il sera alors nécessaire de procéder à une déclaration d’emploi ou de remploi des sommes, en application de l’article 1434 du Code civil.
Conformément à l’article 1436 du Code civil, les biens acquis à l’aide des capitaux-décès intégreront la communauté si la contribution de cette dernière est supérieure, à charge de récompense au patrimoine propre, et inversement.
Et notamment les dispositions de l’article 900 du Code civil, permettant d’insérer une condition au sein d’une disposition entre vifs ou testamentaire, à condition que celle-ci ne soit pas contraire aux lois ou aux mœurs.
Cass. 1re civ., 8 déc. 1987, n° 85-11769 : Bull. civ. I, n° 343. V. not. Poirier M.-H., « Assurance-vie – Le fonctionnement de la clause bénéficiaire démembrée », Actes prat. strat. patrimoniale 2009, n° 26, dossier 11.
À l’inverse, le souscripteur-assuré peut souhaiter voir les capitaux-décès intégrer la communauté existant entre le bénéficiaire et son conjoint, à l’instar d’une donation sous condition d’entrée en communauté. Une telle charge semble pouvoir pareillement être imposée au sein d’une clause bénéficiaire.
V. not. Bigot-Gonçalves M., « La rédaction de la clause bénéficiaire », Dr. & patr. mensuel 2012, n° 218, p. 54. L’inscription de cette clause au fichier central de dispositions de dernières volontés (FCDDV) sera gage de sécurité mais la confidentialité en découlant ne sera pas réellement pertinente en l’occurrence.
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