De l'intérêt de conseiller une donation entre époux à l'occasion de la stipulation d'un usufruit successif
Quel est l’intérêt de stipuler un usufruit successif à l’occasion d’une donation avec réserve d’usufruit ?
L’article 949 du Code civil dispose qu’il « est permis au donateur de faire la réserve à son profit ou de disposer, au profit d’un autre, de la jouissance ou de l’usufruit des biens meubles ou immeubles donnés ». La donation avec réserve d’usufruit instaure donc un démembrement de propriété entre le donateur usufruitier et le donataire nu-propriétaire. L’usufruit réservé s’éteindra au décès de l’usufruitier, le donataire devenant alors plein propriétaire.
Le donateur conserve l’usage et la jouissance du bien. Il n’est donc pas à proprement parler dépossédé, de sorte que « la donation est indolore pour lui alors que, juridiquement, elle le déleste tout de même de la nue-propriété des biens transmis »1. Il est aussi dispensé de fournir une caution (C. civ., art. 601). L’intérêt pour le donataire est surtout fiscal puisqu’il ne paie des droits de mutation à titre gratuit que sur la seule valeur de la nue-propriété. Lors de l’extinction de l’usufruit, il ne sera pas imposé au titre de la reconstitution de la pleine propriété (CGI, art. 1133).
La stipulation d’un usufruit successif, improprement qualifiée de réversion d’usufruit, est fréquente en présence d’une donation avec réserve d’usufruit. Par ce biais, le donateur prévoit qu’à son[...]
L'accès à l'intégralité de ce document est réservé aux abonnés
Leprovaux J., in JCl. Civil Code, Art. 949 à 952, fasc. unique, v° Donations et testaments – Réserve d’usufruit et retour conventionnel, 2017, n° 6.
Leprovaux J., in JCl. Civil Code, Art. 949 à 952, fasc. unique, v° Donations et testaments – Réserve d’usufruit et retour conventionnel, 2017, n° 28.
Cass. ch. mixte, 8 juin 2007, n° 05-10727 : Bull. civ. ch. mixte, n° 6 ; JCP G 2007, II 10130, note Goubeaux G. ; RTD civ. 2007, p. 588, obs. Revet T. ; RTD civ. 2007, p. 605, obs. Grimaldi M. ; Defrénois 15 déc. 2007, n° 38692-1, p. 1688, obs. Chappert A.
Leprovaux J., in JCl. Civil Code, Art. 949 à 952, fasc. unique, v° Donations et testaments – Réserve d’usufruit et retour conventionnel, 2017, n° 29.
De Los Santos M. et Guilbert P.-A., « Maîtriser les enjeux civils et fiscaux d’une constitution d’usufruit successif entre époux », JCP N 2015, n° 6, 1074, nos 13 et s.
Grimaldi M., Droit des successions, 7e éd., 2017, LexisNexis, nos 354 et s. ; Levillain N., JCl. Liquidations – Partages, v° Quotité disponible et réserve – Quotité disponible entre époux – Mise en œuvre, fasc. 90, 2017, nos 71 et s. ; Vareille B., « Mise en garde sur la liquidation des donations au dernier vivant », Defrénois 15 sept. 2015, n° 120t2, p. 869 ; Zalewski V., « La combinaison des quotités disponibles après la loi du 23 juin 2006 : aspects pratiques », RJPF 2009, n° 12, p. 8 et s.
Cass. 1re civ., 26 avr. 1984, n° 83-11839 : Bull. civ. I, n° 140, confirmé par Cass. 1re civ., 20 févr. 1996, n° 93-17115 : Bull. civ. I, n° 99 (v. Grimaldi M., Droit des successions, 7e éd., 2017, LexisNexis, nos 354 et s.).
Vareille B., « La quotité disponible spéciale entre époux », JCP N 2018, n° 9, 1319.
Grimaldi M., Droit des successions, 7e éd., 2017, LexisNexis, n° 356. V. aussi, Cass. 1re civ., 18 oct. 1994, n° 93-11384 : Bull. civ. I, n° 302 ; RTD civ. 1995, p. 414, obs. Patarin J. ; D. 1995, p. 336, note Vareille B.
Grimaldi M., Droit des successions, 7e éd., 2017, LexisNexis, nos 192 et s ; v. aussi Gaudemet S. et Vincent D., « La dévolution successorale », Defrénois 15 janv. 2017, n° 125f6, p. 8, nos 7 et s.
Dans ce sens, Zalewski V., « L’imputation des libéralités faites au conjoint survivant sur ses droits légaux : un retour au droit antérieur à la loi du 3 décembre 2001 », Defrénois 15 sept. 2007, n° 38638, p. 1184 ; Vareille B., « Réflexions sur l’imputation en droit des successions », RTD civ. 2009, p. 1, spéc. n° 19 ; Catala P. et Leveneur L., JCl. Civil Code, Art. 756 à 767, v° Droits du conjoint successible – Nature – Montant – Exercice, 2015, n° 85. En effet, les travaux parlementaires laissent apparaître que ce texte est d’ordre public, l’Assemblée nationale ayant supprimé la possibilité pour le disposant d’écarter cette imputation (v. rapport Richemont, Sénat, n° 343, p. 324 et s.). Certains auteurs considèrent néanmoins que le texte serait supplétif de volonté (v. Grimaldi M., Droit des successions, 7e éd., 2017, LexisNexis, n° 194 ; Ferré-André S., « Le rapport à succession et le conjoint survivant », JCP N 2018, n° 42, 1322, nos 40 et s.). Il est vrai que, dans le droit antérieur à la loi du 3 décembre 2001, l'imputation des droits conventionnels sur les droits légaux, prévue par l'ancien article 767 du Code civil, avait été jugée comme supplétive de volonté (Cass. 1re civ., 10 mai 1960 : Bull. civ. I, n° 250).
Dans l’hypothèse où le texte ne serait pas d’ordre public et que le conjoint opterait pour le quart légal en pleine propriété, la donation préciputaire qui lui est consentie n’aurait pas à être prise en compte pour l’établissement de la masse de calcul définie à l’article 758-5, alinéa 1er, du Code civil (en ce sens, Grimaldi M., Droit des successions, 7e éd., 2017, LexisNexis, n° 186).
En ce sens, Nicod M., « L’imputation des libéralités entre époux sur les droits légaux », Defrénois 19 avr. 2018, n° 135n0, p. 33.
Pour une application, Cass. 1re civ., 25 oct. 2017, n° 17-10644, F-PB : JCP N 2017, n° 49, 1333, note Sauvage F. ; Defrénois 26 avr. 2018, n° 135z9, p. 34, obs. Chamoulaud-Trapiers A. ; Defrénois 16 nov. 2017, n° 131b9, p. 9 ; JCP N 2018, n° 28, 1245, note Epailly D. ; RTD civ. 2018, p. 188, obs. Grimaldi M.
Grimaldi M., Droit des successions, 7e éd., 2017, LexisNexis, n° 186 ; Vareille B., « Réflexions sur l’imputation en droit des successions », RTD civ. 2009, p. 1, n° 25 ; Gaudemet S. et Vincent D., « La dévolution successorale », Defrénois 15 janv. 2017, n° 125f6, p. 8, n° 10.
Dans ce sens, Berre S., « La réversion d’usufruit, instrument de protection du conjoint survivant ? », Defrénois 30 janv. 2009, n° 38885, p. 197, n° 7.
Vareille B., « Réflexions sur l’imputation en droit des successions », RTD civ. 2009, p. 1, n° 25.
Vareille B., « Réflexions sur l’imputation en droit des successions », RTD civ. 2009, p. 1, n° 27.
Rapp. 106e congrès des notaires de France, 2010, Bordeaux, p. 997.
Grimaldi M., Droit des successions, 7e éd., 2017, LexisNexis, n° 195.
Cass. 1re civ., 6 févr. 2001, n° 99-10845 : Bull. civ. I, n° 28 ; RTD civ. 2001, p. 637, obs. Patarin J.
À l’exception toutefois, et si les conditions en sont réunies, du droit viager d’usage et d’habitation. En effet, celui-ci semble devoir s’imputer sur les droits légaux par priorité aux libéralités entre époux et partant à tout usufruit successif (v. Vareille B., « Réflexions sur l’imputation en droit des successions », RTD civ. 2009, p. 1, n° 28).
Petit F., « L’intérêt persistant des donations entre époux après la loi du 3 décembre 2001 et celle du 23 juin 2006 », JCP N 2008, n° 44, 1344.
Sauvage F., « Le cantonnement des libéralités », Defrénois 15 mai 2010, n° 39110, p. 1027 ; Murat P., « Les choix des héritiers quant à l’objet reçu : l’exemple du cantonnement », Defrénois 15 janv. 2017, n° 125g0, p. 17.
Grimaldi M., Droit des successions, 7e éd., 2017, LexisNexis, n° 339.
Pour une application de cet article, v. CA Paris, 19 déc. 2007, n° 06/07846 : RTD civ. 2008, p. 340, obs. Grimaldi M.
V. Grimaldi M., « L’emploi des deniers grevés d’usufruit », Defrénois 28 févr. 1999, n° 36939, p. 193.
Grimaldi M., Droit des successions, 7e éd., 2017, LexisNexis, nos 340 et s.
Cass. 1re civ., 3 déc. 1996, n° 94-21799 : Bull. civ. I, n° 437 ; Defrénois 30 juin 1997, n° 36599, p. 817, obs. Champenois G.
Testez gratuitement Lextenso !