Jouissance gratuite du domicile conjugal et attribution de la prestation compensatoire
Que doit-on entendre par prestation compensatoire ?
Définition de la prestation. « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance », rappelle l’article 212 du Code civil. Ces obligations, tenant au mariage, peuvent subsister même après une rupture. Ainsi en est-il du devoir de secours qui, après le divorce du couple, peut, lorsque le juge le décide, prendre l’aspect d’une prestation compensatoire1. Celle-ci est définie comme une prestation forfaitaire sous forme de capital mise à la charge de l’un des époux, destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que le divorce crée dans les conditions de vie respectives des époux (C. civ., art. 270, al. 2).
Elle peut ou non être accordée par le juge2, qui apprécie la demande en fonction de plusieurs critères3.
Objectif. La prestation compensatoire, créée par la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975, portant réforme du divorce4, a pour objectif de compenser la disparité que le divorce peut créer entre les ex-époux dans leurs conditions de vie respective. Elle permet d’effacer les déséquilibres financiers causés par le divorce dans les conditions de vie des ex-époux. Il fallait, en effet, assurer « un rééquilibrage entre deux situations dont la disparité avait été jusqu’alors occultée par la communauté de vie »5.
Nature. La prestation compensatoire a une nature complexe qui n’est pas[...]
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J. Hugot et J.-F. Pillebout, La prestation compensatoire et le divorce, 2e éd., 2002, LexisNexis, Carré Droit. Pour une étude complète sur la question, v. H. Bosse-Platière et J. Pierrot-Blondeau, « Droit à la prestation compensatoire », in Droit de la famille 2020-2021, 8e éd., 2019, Dalloz Action, p. 351 et s.
Le juge doit se prononcer par une même décision sur le divorce et sur la disparité que celui-ci est susceptible de causer dans les conditions de vie respectives des époux. Une cour d’appel ne peut donc surseoir à statuer sur la demande de prestation compensatoire dans l’attente d’un projet d’état liquidatif du régime matrimonial des époux ; en ce sens, Cass. 1re civ., 15 nov. 2017, n° 16-25700, FS-PB : DEF flash 4 déc. 2017, n° DFF142w2 ; AJ fam. 2017, p. 650, obs. P. Stoffel-Munck ; D. 2017, p. 2366 ; D. 2018, p. 641, obs. M. Douchy-Oudot.
Sur le sujet, v. C. Berthier, « Détermination de la prestation compensatoire : indécision ou controverse ? », Dr. famille 2021, n° 9.
M.-E. Roujou de Boubée, « Une institution qui se veut nouvelle ; la prestation compensatoire après divorce », in Mélanges dédiés à Gabriel Marty, 1978, Université des Sciences Sociales de Toulouse, p. 977.
J. Carbonnier, « La question du divorce. Mémoire à consulter », D. 1975, Chron., p. 115 et s., spéc. p. 120.
V. Egéa, Droit de la famille, 4e éd., 2022, LexisNexis, Manuels, n° 439.
Le caractère alimentaire de la prestation compensatoire la rend insaisissable ; en ce sens, Cass. 2e civ., 27 juin 1985, n° 84-14663 : Bull. civ. II, n° 131 ; D. 1986, p. 112, obs. A. Bénabent. La Cour retient que si la prestation compensatoire présente un caractère indemnitaire, elle présente aussi un caractère alimentaire. Dès lors, c’est à bon droit que, faisant application de l’article 2092-2, 2°, du Code civil à une rente allouée à titre de prestation compensatoire, une cour d’appel l’a déclarée insaisissable et a prononcé la nullité de la saisie-arrêt pratiquée sur cette rente.
Cass. 2e civ., 25 mai 1993, n° 91-20247 : Bull. civ. II, n° 182 ; Defrénois 30 nov. 1994, n° 35945-148, p. 1440, obs. J. Massip. Il convient de relever que la principale innovation de la loi n° 200-596 du 30 juin 2000 résidait dans l’affirmation du caractère forfaitaire de la prestation compensatoire, ayant pour corolaire le paiement sous forme de capital ; v. V. Egéa, Droit de la famille, 4e éd., 2022, LexisNexis, Manuels, n° 445.
R. Lindon et A. Bénabent, « Prestation compensatoire et pension alimentaire », JCP G 1986, I, 3234 ; v. également N. Dissaux, Rép. civ. Dalloz, v° Divorce – Conséquences entre époux, 2021.
La prestation compensation voit ses modalités assouplies. Il sera possible de demander la révision des rentes en cas de changement « important » (et non plus « notoire ») dans les ressources de l’une ou de l’autre des parties.
V., en ce sens, Cass. com., 8 oct. 2003, n° 00-14760 : Bull. civ. IV, n° 152.
Il convient de préciser que lorsque la durée du mariage est précédée d’une période de vie commune, la prise en compte de cette période est interdite ; en ce sens, Cass. 1re civ., 6 oct. 2010, n° 09-12718 : Bull. civ. I, n° 188.
Élément important et qui pourra même influer sur la forme que prendra la prestation. Elle peut exceptionnellement prendre la forme d’une rente.
Toutes leurs ressources réelles doivent être prises en compte ; v. A. Bénabent, Droit de la famille, 4e éd., 2018, LGDJ, Précis Domat, Droit privé, n° 380.
Cass. 1re civ., 28 févr. 2018, n° 17-10529, D. Une cour d’appel ne peut attribuer une prestation compensatoire à l’épouse sans procéder à une évaluation au moins sommaire du patrimoine des époux ; v. F. Terré, C. Goldie-Genicon et D. Fenouillet, Droit civil. La famille, 9e éd., 2018, Précis Dalloz, Droit privé, n° 279.
Il s’agit des produits à attendre de la liquidation du régime matrimonial : Cass. 1re civ., 5 sept. 2018, n° 17-24133, D.
L’allocation d’une prestation compensatoire peut, en effet, prendre la forme de l’attribution en pleine propriété du bien immobilier constituant le domicile conjugal : Cass. 1re civ., 31 mars 2010, n° 09-13811 : Bull. civ. I, n° 78.
V. Egéa, Droit de la famille, 4e éd., 2022, LexisNexis, Manuels, n° 441.
Cass. 1re civ., 23 juin 2010, n° 09-13812 : Bull. civ. I, n° 142 ; Dr. famille 2010. comm. 112, obs. V. Larribau-Terneyre ; LEFP sept. 2010, n° 8, p. 6, note K. Salhi et, plus récemment, Cass. 1re civ., 15 nov. 2017, n° 16-25700, FS-PB : DEF flash 4 déc. 2017, n° DFF142w2 ; GPL 10 avr. 2018, n° GPL321d6, note H. Malherbe.
Cass. 1re civ., 18 mai 2011, n° 10-17445 : Bull. civ. I, n° 91 ; Defrénois 15 avr. 2012, n° 40451, p. 349, obs. G. Champenois ; Gaz. Pal. 9 juin 2011, n° I6048, p. 24, obs. C. Berlaud ; Gaz. Pal. 9 juin 2011, n° I6049, p. 24, obs. C. Berlaud.
Cass. 2e civ., 11 déc. 1991, n° 89-20063 : Bull. civ. II, n° 338. En l’espèce, la cour d’appel s’était placée à la date à laquelle elle a statué et non à celle du prononcé du jugement.
Cass. 1re civ., 28 juin 2005, n° 02-16556 : Bull. civ. I, n° 286 ; D. 2005, IR p. 2243.
Cass. 2e civ., 14 mars 2018, n° 17-15524, D : RTD civ. 2018, p. 369, obs. A.-M. Leroyer ; GPL 3 juill. 2018, n° GPL325q7, obs. S. Fathi.
Cass. 1re civ., 13 avr. 2022, n° 20-22807, F-B : DEF 28 avr. 2022, n° DEF207o6.
Cass. 1re civ., 14 mars 2018, n° 17-15991, D : RTD civ. 2018, p. 369, obs. A-M. Leroyer.
Cass. 1re civ., 23 janv. 2008, n° 07-10571, D : Defrénois 30 mai 2008, n° 38772-2, p. 1112, obs. J. Massip ; RJPF 2008/5, n° 23, obs. T. Garé – Cass. 1re civ., 28 mai 2015, n° 13-23395, D ; Cass. 1re civ., 15 juin 2017, n° 16-19333, D ; Cass. 1re civ., 14 mars 2018, n° 17-15991, D ; Cass. 1re civ., 30 janv. 2019, n° 18-13715, D ; Cass. 1re civ., 30 sept. 2020, n° 19-19114, D ; Cass. 1re civ., 18 nov. 2020, n° 19-20615, D : AJ fam. 2020, p. 679.
V., sur la détermination de l’indemnité d’occupation due pour jouissance privative d’un bien indivis dans l’instance en divorce : Cass. 2e civ., 11 févr. 1998, n° 96-14901 : Bull. civ. II, n° 51 ; D. 1998, p. 493 ; Defrénois 15 janv. 1999, n° 36920, p. 16, note P. Malaurie.
Cass. 1re civ., 3 févr. 2004, n° 01-17094 : Bull. civ. I, n° 30 ; RJPF-2004/4, n° 19, obs. T. Garé.
Cass. 1re civ., 7 nov. 2012, n° 11-17377 : Bull. civ. I, n° 229 ; DEF flash 19 nov. 2012, n° DFF115s7.
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