Language of document : ECLI:EU:C:2020:569

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

16 juillet 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (UE) no 650/2012 – Champ d’application – Notion de “succession ayant une incidence transfrontière” – Notion de “résidence habituelle du défunt” – Article 3, paragraphe 2 – Notion de “juridiction” – Soumission des notaires aux règles de compétence judiciaire – Article 3, paragraphe 1, sous g) et i) – Notions de “décision” et d’“acte authentique” – Articles 5, 7 et 22 – Accord d’élection de for et de choix de la loi applicable à la succession – Article 83, paragraphes 2 et 4 – Dispositions transitoires  »

Dans l’affaire C‑80/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie), par décision du 17 janvier 2019, parvenue à la Cour le 4 février 2019, dans la procédure engagée par

E. E.

en présence de :

Kauno miesto 4-ojo notaro biuro notarė Virginija Jarienė,

K.-D. E.,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, MM. M. Safjan, L. Bay Larsen, Mme C. Toader (rapporteure) et M. N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : Mme C. Strömholm, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 janvier 2020,

considérant les observations présentées :

–        pour le gouvernement lituanien, par Mmes V. Kazlauskaitė-Švenčionienė et V. Vasiliauskienė ainsi que par M. K. Dieninis, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil ainsi que par Mme A. Kasalická, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement espagnol, par MM. S. Jiménez García et J. Rodríguez de la Rúa Puig ainsi que par Mme S. Centeno Huerta, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér et D. R. Gesztelyi, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement autrichien, par Mme J. Schmoll et M. G. Hesse, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. M. Wilderspin et S. L. Kalėda, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 mars 2020,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, sous g) et i), et paragraphe 2, premier alinéa, des articles 4, 5, 7, 22 et 59 ainsi que du champ d’application du règlement (UE) no 650/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen (JO 2012, L 201, p. 107, et rectificatifs JO 2012, L 344, p. 3 ; JO 2013, L 60, p. 140, et JO 2019, L 243, p. 9).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée par E. E. aux fins de la délivrance d’un certificat d’hérédité par un notaire établi à Kaunas (Lituanie), à la suite du décès de sa mère en Allemagne.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Aux termes des considérants 1, 7, 20, 22 à 24, 29, 32, 37, 39, 59, 61 et 67 du règlement no 650/2012 :

« (1)      L’Union s’est donné pour objectif de maintenir et de développer un espace de liberté, de sécurité et de justice au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes. En vue de l’établissement progressif de cet espace, l’Union doit adopter des mesures relevant du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière, notamment lorsque cela est nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur.

[...]

(7)      Il y a lieu de faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur en supprimant les entraves à la libre circulation de personnes confrontées aujourd’hui à des difficultés pour faire valoir leurs droits dans le contexte d’une succession ayant des incidences transfrontières. [...]

[...]

(20)      Le présent règlement devrait respecter les différents systèmes de règlement des successions applicables dans les États membres. Aux fins du présent règlement, il convient dès lors de donner au terme “juridiction” un sens large permettant de couvrir, non seulement les juridictions au sens strict qui exercent des fonctions juridictionnelles, mais également les notaires ou les services de l’état civil dans certains États membres qui, pour certaines questions successorales, exercent des fonctions juridictionnelles au même titre que les juridictions, et les notaires et les professionnels du droit qui, dans certains États membres, exercent des fonctions juridictionnelles dans le cadre d’une succession donnée en vertu d’une délégation de pouvoirs accordée par une juridiction. Toutes les juridictions au sens du présent règlement devraient être liées par les règles de compétence prévues dans le présent règlement. Inversement, le terme “juridiction” ne devrait pas viser les autorités non judiciaires d’un État membre qui, en vertu du droit national, sont habilitées à régler les successions, telles que les notaires dans la plupart des États membres, lorsque, comme c’est généralement le cas, ils n’exercent pas de fonctions juridictionnelles.

[...]

(22)      Les actes dressés par des notaires en matière de successions dans les États membres devraient circuler dans le cadre du présent règlement. Lorsque les notaires exercent des fonctions juridictionnelles, ils sont liés par les règles de compétence, et les décisions qu’ils rendent devraient circuler conformément aux dispositions relatives à la reconnaissance, à la force exécutoire et à l’exécution des décisions. Lorsque les notaires n’exercent pas des fonctions juridictionnelles, ils ne sont pas liés par les règles de compétence juridictionnelle et les actes authentiques qu’ils dressent devraient circuler conformément aux dispositions relatives aux actes authentiques.

(23)      Compte tenu de la mobilité croissante des citoyens et afin d’assurer une bonne administration de la justice au sein de l’Union et de veiller à ce qu’un lien de rattachement réel existe entre la succession et l’État membre dans lequel la compétence est exercée, le présent règlement devrait prévoir que le facteur général de rattachement aux fins de la détermination, tant de la compétence que de la loi applicable, est la résidence habituelle du défunt au moment du décès. Afin de déterminer la résidence habituelle, l’autorité chargée de la succession devrait procéder à une évaluation d’ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de fait pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l’État concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence. La résidence habituelle ainsi déterminée devrait révéler un lien étroit et stable avec l’État concerné, compte tenu des objectifs spécifiques du présent règlement.

(24)      Dans certains cas, il peut s’avérer complexe de déterminer la résidence habituelle du défunt. Un tel cas peut se présenter, en particulier, lorsque, pour des raisons professionnelles ou économiques, le défunt était parti vivre dans un autre État pour y travailler, parfois pendant une longue période, tout en ayant conservé un lien étroit et stable avec son État d’origine. Dans un tel cas, le défunt pourrait, en fonction des circonstances de l’espèce, être considéré comme ayant toujours sa résidence habituelle dans son État d’origine, dans lequel se trouvait le centre des intérêts de sa vie familiale et sociale. D’autres cas complexes peuvent se présenter lorsque le défunt vivait de façon alternée dans plusieurs États ou voyageait d’un État à un autre sans s’être installé de façon permanente dans un État. Si le défunt était ressortissant de l’un de ces États ou y avait l’ensemble de ses principaux biens, sa nationalité ou le lieu de situation de ces biens pourrait constituer un critère particulier pour l’appréciation globale de toutes les circonstances de fait.

[...]

(29)      Si une procédure en matière de succession est engagée d’office par une juridiction, comme cela se produit dans certains États membres, cette juridiction devrait clore la procédure si les parties conviennent de régler la succession à l’amiable par voie extrajudiciaire dans l’État membre dont la loi avait été choisie. Lorsqu’une procédure en matière de succession n’est pas engagée d’office par une juridiction, le présent règlement ne devrait pas empêcher les parties de régler la succession à l’amiable par voie extrajudiciaire, par exemple devant un notaire, dans un État membre de leur choix, dans le cas où le droit de cet État membre le permet. Ce devrait être le cas même si la loi applicable à la succession n’est pas la loi de cet État membre.

[...]

(32)      Afin de faciliter la vie des héritiers et légataires résidant habituellement dans un autre État membre que celui dans lequel la succession est ou sera réglée, le présent règlement devrait permettre à toute personne ayant le droit, en vertu de la loi applicable à la succession, de faire des déclarations relatives à l’acceptation de la succession, d’un legs ou d’une réserve héréditaire ou à la renonciation à ceux-ci, ou une déclaration visant à limiter sa responsabilité à l’égard des dettes de la succession, de faire ces déclarations sous la forme prévue par la loi de l’État membre de sa résidence habituelle devant les juridictions dudit État membre. Cette disposition ne devrait pas empêcher de faire de telles déclarations devant d’autres autorités de cet État membre qui sont compétentes pour recevoir les déclarations en vertu du droit national. Les personnes qui choisissent de se prévaloir de la possibilité de faire une déclaration dans l’État membre de leur résidence habituelle devraient informer elles-mêmes la juridiction ou l’autorité qui est ou sera chargée de la succession de l’existence de telles déclarations dans le délai éventuellement fixé par la loi applicable à la succession.

[...]

(37)      Afin de permettre aux citoyens de profiter, en toute sécurité juridique, des avantages offerts par le marché intérieur, le présent règlement devrait leur permettre de connaître à l’avance la loi applicable à leur succession. Des règles harmonisées de conflits de lois devraient être introduites pour éviter des résultats contradictoires. La règle principale devrait assurer que la succession est régie par une loi prévisible, avec laquelle elle présente des liens étroits. Pour des raisons de sécurité juridique et afin d’éviter le morcellement de la succession, cette loi devrait régir l’ensemble de la succession, c’est-à-dire l’intégralité du patrimoine composant la succession, quelle que soit la nature des biens et indépendamment du fait que ceux-ci sont situés dans un autre État membre ou dans un État tiers.

[...]

(39)      Le choix de la loi devrait être formulé de manière expresse dans une déclaration revêtant la forme d’une disposition à cause de mort ou résulter des termes d’une telle disposition. Le choix de la loi pourrait être considéré comme résultant d’une disposition à cause de mort dans le cas où, par exemple, dans sa disposition, le défunt avait fait référence à des dispositions spécifiques de la loi de l’État de sa nationalité ou dans le cas où il avait mentionné cette loi d’une autre manière.

[...]

(59)      À la lumière de l’objectif général du présent règlement qui est la reconnaissance mutuelle des décisions rendues dans les États membres en matière de successions, indépendamment du fait que de telles décisions aient été rendues dans le cadre d’une procédure contentieuse ou gracieuse, le présent règlement devrait fixer des règles relatives à la reconnaissance, à la force exécutoire et à l’exécution des décisions qui soient semblables à celles d’autres instruments de l’Union adoptés dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile. 

[...]

(61)      Les actes authentiques devraient avoir la même force probante dans un autre État membre que dans l’État membre d’origine ou les effets les plus comparables. Lors de la détermination de la force probante d’un acte authentique donné dans un autre État membre ou des effets les plus comparables, il convient de faire référence à la nature et à la portée de la force probante de l’acte authentique dans l’État membre d’origine. La force probante qu’un acte authentique donné devrait avoir dans un autre État membre dépendra dès lors de la loi de l’État membre d’origine.

[...]

(67)      Afin de régler de manière rapide, aisée et efficace une succession ayant une incidence transfrontière au sein de l’Union, les héritiers, les légataires, les exécuteurs testamentaires ou les administrateurs de la succession devraient être à même de prouver facilement leur statut et/ou leurs droits et pouvoirs dans un autre État membre, par exemple dans un État membre où se trouvent des biens successoraux. [...] »

4        L’article 1er du règlement no 650/2012, intitulé « Champ d’application », dispose, à son paragraphe 1 :

« Le présent règlement s’applique aux successions à cause de mort. Il ne s’applique pas aux matières fiscales, douanières et administratives. »

5        L’article 3, paragraphe 1, sous g) et i), et paragraphe 2, dudit règlement énonce :

« 1.      Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

g)      “décision”, toute décision en matière de successions rendue par une juridiction d’un État membre, quelle que soit la dénomination qui lui est donnée, y compris une décision concernant la fixation par le greffier du montant des frais du procès ;

[...]

i)      « acte authentique », un acte en matière de succession dressé ou enregistré formellement en tant qu’acte authentique dans un État membre et dont l’authenticité :

i)      porte sur la signature et le contenu de l’acte authentique ; et

ii)      a été établie par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à le faire par l’État membre d’origine. »

2.      Aux fins du présent règlement, le terme “juridiction” désigne toute autorité judiciaire, ainsi que toute autre autorité et tout professionnel du droit compétents en matière de successions qui exercent des fonctions juridictionnelles ou agissent en vertu d’une délégation de pouvoirs d’une autorité judiciaire ou sous le contrôle d’une autorité judiciaire, pour autant que ces autres autorités et professionnels du droit offrent des garanties en ce qui concerne leur impartialité et le droit de toutes les parties à être entendues, et que les décisions qu’ils rendent en vertu du droit de l’État membre dans lequel ils exercent leurs fonctions :

a)      puissent faire l’objet d’un recours devant une autorité judiciaire ou d’un contrôle par une telle autorité ; et

b)      aient une force et un effet équivalents à une décision rendue par une autorité judiciaire dans la même matière.

Les États membres notifient à la Commission les autres autorités et professionnels du droit visés au premier alinéa conformément à l’article 79. »

6        Figurant au chapitre II du règlement no 650/2012, l’article 4 de ce dernier, intitulé « Compétence générale », prévoit :

« Sont compétentes pour statuer sur l’ensemble d’une succession les juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès. »

7        Aux termes de l’article 5 de ce règlement, intitulé « Accord d’élection de for » :

« 1.      Lorsque la loi choisie par le défunt pour régir sa succession en vertu de l’article 22 est la loi d’un État membre, les parties concernées peuvent convenir que la ou les juridictions de cet État membre ont compétence exclusive pour statuer sur toute question concernant la succession.

2.      Cet accord d’élection de for est conclu par écrit, daté et signé par les parties concernées. Toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention est considérée comme revêtant une forme écrite. »

8        L’article 7 dudit règlement, intitulé « Compétence en cas de choix de loi », énonce :

« Les juridictions d’un État membre dont la loi avait été choisie par le défunt en vertu de l’article 22 sont compétentes pour statuer sur la succession, à condition :

[...]

b)      que les parties à la procédure soient convenues, conformément à l’article 5, de conférer la compétence à la ou aux juridictions de cet État membre ; ou

c)      que les parties à la procédure aient expressément accepté la compétence de la juridiction saisie. »

9        L’article 13 du même règlement dispose :

« Outre la juridiction compétente pour statuer sur la succession au titre du présent règlement, les juridictions de l’État membre de la résidence habituelle de toute personne qui, en vertu de la loi applicable à la succession, peut faire une déclaration devant une juridiction concernant l’acceptation de la succession, d’un legs ou d’une réserve héréditaire ou la renonciation à ceux-ci, ou une déclaration visant à limiter la responsabilité de la personne concernée à l’égard des dettes de la succession, sont compétentes pour recevoir ce type de déclarations lorsque, en vertu de la loi de cet État membre, ces déclarations peuvent être faites devant une juridiction. »

10      Figurant au chapitre III du règlement no 650/2012, relatif à la « Loi applicable », l’article 21 de ce dernier, intitulé « Règle générale », énonce :

« 1.      Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à l’ensemble d’une succession est celle de l’État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès.

2.      Lorsque, à titre exceptionnel, il résulte de l’ensemble des circonstances de la cause que, au moment de son décès, le défunt présentait des liens manifestement plus étroits avec un État autre que celui dont la loi serait applicable en vertu du paragraphe 1, la loi applicable à la succession est celle de cet autre État. »

11      L’article 22 de ce règlement, intitulé « Choix de loi », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

1.      Une personne peut choisir comme loi régissant l’ensemble de sa succession la loi de l’État dont elle possède la nationalité au moment où elle fait ce choix ou au moment de son décès.

Une personne ayant plusieurs nationalités peut choisir la loi de tout État dont elle possède la nationalité au moment où elle fait ce choix ou au moment de son décès.

2.      Le choix est formulé de manière expresse dans une déclaration revêtant la forme d’une disposition à cause de mort ou résulte des termes d’une telle disposition. »

12      Aux termes de l’article 28 dudit règlement :

« Une déclaration concernant l’acceptation de la succession, d’un legs ou d’une réserve héréditaire ou la renonciation à ceux-ci, ou une déclaration visant à limiter la responsabilité de la personne qui fait la déclaration est valable quant à la forme lorsqu’elle respecte les exigences :

[...]

b)      de la loi de l’État dans lequel la personne qui fait la déclaration a sa résidence habituelle. »

13      L’article 59 du règlement no 650/2012 prévoit :

« 1.      Les actes authentiques établis dans un État membre ont la même force probante dans un autre État membre que dans l’État membre d’origine ou y produisent les effets les plus comparables, sous réserve que ceci ne soit pas manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre concerné.

Une personne souhaitant utiliser un acte authentique dans un autre État membre peut demander à l’autorité établissant l’acte authentique dans l’État membre d’origine de remplir le formulaire établi conformément à la procédure consultative visée à l’article 81, paragraphe 2, en décrivant la force probante de l’acte authentique dans l’État membre d’origine. 

[...] »

14      L’article 60, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« Un acte authentique qui est exécutoire dans l’État membre d’origine est déclaré exécutoire dans un autre État membre, à la demande de toute partie intéressée, conformément à la procédure prévue aux articles 45 à 58. »

15      L’article 64 dudit règlement énonce :

« Le certificat [successoral européen] est délivré dans l’État membre dont les juridictions sont compétentes en vertu de l’article 4, 7, 10 ou 11. L’autorité émettrice est :

a)      une juridiction telle que définie à l’article 3, paragraphe 2 ; ou

b)      une autre autorité qui, en vertu du droit national, est compétente pour régler les successions. »

16      Aux termes de l’article 83 du même règlement, intitulé « Dispositions transitoires » :

« 1.      Le présent règlement s’applique aux successions des personnes qui décèdent le 17 août 2015 ou après le 17 août 2015.

2.      Lorsque le défunt avait, avant le 17 août 2015, choisi la loi applicable à sa succession, ce choix est valable s’il remplit les conditions fixées au chapitre III ou s’il est valable en application des règles de droit international privé qui étaient en vigueur, au moment où le choix a été fait, dans l’État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle ou dans tout État dont il possédait la nationalité.

[...]

4.      Si une disposition à cause de mort, prise avant le 17 août 2015, est rédigée conformément à la loi que le défunt aurait pu choisir en vertu du présent règlement, cette loi est réputée avoir été choisie comme loi applicable à la succession. »

 Le droit lituanien

 Le code civil

17      L’article 5.4 du Lietuvos Respublikos civilinis kodeksas (code civil de la République de Lituanie) est libellé comme suit :

« 1.      Le lieu d’ouverture de la succession est considéré comme étant le dernier lieu du domicile du défunt (article 2.12 du présent code).

2.      Dans l’hypothèse où le testateur n’avait pas de lieu de résidence permanent, le lieu d’ouverture de la succession est considéré comme étant :

1)      le lieu où le testateur vivait la plupart du temps au cours des six derniers mois avant son décès ;

2)      si le testateur résidait à plusieurs endroits, le lieu de l’ouverture de la succession est considéré comme étant le lieu des intérêts économiques ou personnels dominants du testateur (lieu où sont situés ses biens où la majeure partie d’entre eux, lorsque les biens sont situés à plusieurs endroits ; le lieu de résidence du conjoint avec lequel le testateur a maintenu une relation matrimoniale au cours des six derniers mois avant son décès, ou le lieu de résidence de l’enfant qui résidait avec le testateur).

3.      Si le lieu de résidence du testateur est impossible à déterminer conformément aux circonstances indiquées aux paragraphes 1 et 2 du présent article, le lieu de l’ouverture de la succession peut être déterminé selon la nationalité du testateur, son enregistrement, le lieu d’enregistrement des véhicules lui appartenant, et d’autres circonstances.

4.      En cas de litige, le lieu de l’ouverture de la succession peut être déterminé par la juridiction à la demande des personnes intéressées, en tenant compte de toutes les circonstances. »

18      L’article 5.66 dudit code prévoit que les héritiers légaux ou testamentaires peuvent saisir le notaire du lieu d’ouverture de la succession, en vue d’obtenir une attestation sur la succession (ci-après le « certificat d’hérédité »).

 Le code de procédure civile

19      L’article 444 du Civilinio proceso kodeksas (code de procédure civile) dispose :

« 1.      Une juridiction établit les faits dont dépendent l’ouverture, la modification, ou la fin des droits personnels ou de propriété des personnes.

2.      La juridiction examine les affaires :

[...]

8)      concernant l’acceptation de la succession, ainsi que l’établissement du lieu réel de l’ouverture de la succession ».

20      En vertu de l’article 511 dudit code, les actes d’un notaire, ou le refus de dresser un acte notarial, sont susceptibles de recours. Le recours est porté devant le tribunal du ressort du lieu d’exercice du notaire concerné.

 La loi relative au notariat

21      L’article 1er de la Lietuvos Respublikos notariato įstatymas (loi relative au notariat de la République de Lituanie, ci-après la « loi relative au notariat ») prévoit :

« Le notariat se compose de l’ensemble des notaires auxquels la présente loi confère le droit d’attester juridiquement les droits subjectifs non litigieux et les faits juridiques des personnes physiques et morales ou d’autres organisations et de leurs établissements, et de garantir la protection des intérêts légitimes de ces personnes et de l’État ».

22      En vertu de l’article 2 de cette loi, les notaires sont nommés et révoqués par le ministre de la Justice.

23      L’article 12 de ladite loi, intitulé « Indépendance des notaires », énonce que les notaires exercent leur charge indépendamment de l’influence exercée par les institutions publiques de l’État ou de l’administration, et qu’ils n’ont à se conformer qu’aux lois.

24      En vertu de l’article 26 de la même loi, les notaires délivrent notamment des certificats d’hérédité. Les faits constatés dans les documents certifiés sous forme notariée sont établis et n’ont pas à être prouvés, tant que ces documents ne sont pas reconnus invalides selon les modalités fixées par la législation.

25      Conformément à l’article 41 de la loi relative au notariat, la personne qui estime que c’est à tort qu’un acte notarié a été accompli ou qu’un refus d’accomplir un tel acte a été opposé, peut intenter une action devant une juridiction.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

26      E. E. est un ressortissant lituanien. Sa mère, également de nationalité lituanienne, a épousé K.-D. E., un ressortissant allemand, et a changé de domicile pour vivre, avec E. E., chez son mari en Allemagne. Le 4 juillet 2013, elle a établi devant une notaire, dont l’étude est située à Garliava (Lituanie) un testament dans lequel elle a désigné son fils comme héritier universel.

27      Lors du décès de la mère de E. E., survenu en Allemagne, un bien immobilier, à savoir un appartement situé à Kaunas, était enregistré au nom de la défunte. Le 17 juillet 2017, E. E. a saisi une notaire établie à Kaunas aux fins de l’ouverture du dossier de succession et de la délivrance d’un certificat d’hérédité.

28      Le 1er août 2017, cette notaire a refusé d’établir ledit certificat au motif que la résidence habituelle de la défunte, au sens de l’article 4 du règlement no 650/2012, devait, selon elle, être regardée comment étant située en Allemagne.

29      E. E. a contesté ce refus devant le Kauno apylinkės teismas (tribunal de district de Kaunas, Lituanie). Par une décision du 29 janvier 2018, cette juridiction a fait droit à la demande du requérant au motif que la défunte n’avait pas rompu ses liens avec la Lituanie.

30      La notaire saisie par E. E. a interjeté appel de cette décision devant le Kauno apygardos teismas (tribunal régional de Kaunas, Lituanie). Dans le cadre de cette procédure, E. E. a présenté une demande tendant à ce que soit versée au dossier une déclaration de K.-D. E. dans laquelle celui-ci avait affirmé ne pas avoir de prétentions sur la succession de la défunte et consenti à la compétence des juridictions lituaniennes, aucune procédure successorale n’ayant été ouverte en Allemagne.

31      Par une décision du 26 avril 2018, cette juridiction a annulé la décision attaquée et a rejeté la demande de E. E., lequel a formé un pourvoi en cassation devant le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie).

32      C’est dans ces conditions que le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Est-ce que la situation de l’affaire au principal, où une citoyenne lituanienne, dont la résidence habituelle était éventuellement située dans un autre État membre à la date de son décès, mais qui n’avait en tout état de cause jamais rompu ses liens avec son pays d’origine et qui, notamment, avait établi un testament avant son décès en Lituanie, par lequel elle avait légué tous ses biens à son héritier, un citoyen lituanien, et où il est apparu au moment de l’ouverture de la succession que l’ensemble de l’héritage consistait en un bien immobilier situé en Lituanie, et où, par ailleurs, son conjoint survivant, ressortissant d’un autre État membre, avait clairement exprimé son intention de renoncer à toutes prétentions sur les biens de la défunte, n’avait pas pris part à la procédure juridictionnelle en Lituanie et avait consenti à la compétence des juridictions lituaniennes et à l’application du droit lituanien, doit être considérée, au sens des dispositions du règlement no 650/2012, comme une succession ayant une incidence transfrontière auquel ce règlement devrait s’appliquer ?

2)      Les notaires lituaniens, qui ouvrent une succession, délivrent un certificat d’hérédité et accomplissent les autres actes nécessaires pour que les héritiers fassent valoir leurs droits, doivent-ils être considérés comme des “juridictions”, au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 650/2012, compte tenu du fait que les notaires respectent dans leur activité les principes d’impartialité et d’indépendance, que leurs décisions les lient eux-mêmes ainsi que les autorités judiciaires, et que leurs actes peuvent faire l’objet d’un recours juridictionnel ?

3)      Si la réponse à la deuxième question est [affirmative], les certificats d’hérédité délivrés par les notaires lituaniens doivent-ils être considérés comme des décisions, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 650/2012 et faudrait-il de ce fait déterminer la compétence aux fins de les délivrer ?

4)      Si la réponse à la deuxième question est négative, les dispositions [des articles 4 et] 59 du règlement no 650/2012 (en combinaison ou séparément, mais pas exclusivement) doivent-elles être interprétées en ce sens que les notaires lituaniens peuvent, sans appliquer les règles générales de compétence, [...] délivrer des certificats d’hérédité, et que ces derniers devraient être considérés comme étant des documents authentiques, entraînant aussi des effets juridiques dans les autres États membres ?

5)      L’article 4 du règlement no 650/2012 ou d’autres dispositions de ce règlement doivent-ils être interprétés en ce sens que la résidence habituelle du défunt peut être fixée seulement dans un État membre spécifique ?

6)      Les dispositions des articles 4, 5, 7 [et] 22 du règlement no 650/2012 (lues en combinaison ou séparément, mais pas exclusivement) doivent-elles être interprétées et appliquées en ce sens que, en vertu des circonstances factuelles de l’affaire mentionnées dans la première question, les parties intéressées en l’espèce ont consenti à la compétence des juridictions lituaniennes et à l’application du droit lituanien ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et cinquième questions

33      Par ses première et cinquième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement no 650/2012 doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « succession ayant une incidence transfrontière » une situation dans laquelle le défunt était un ressortissant d’un État membre qui résidait dans un autre État membre à la date de son décès, mais n’avait pas rompu ses liens avec le premier de ces États membres, et si, dans cette situation, la dernière résidence habituelle du défunt, au sens de ce règlement, doit être fixée dans un seul État membre.

34      À titre liminaire, il convient de relever que le règlement no 650/2012 a été adopté sur le fondement de l’article 81, paragraphe 2, TFUE, lequel vise uniquement les matières civiles ayant une incidence transfrontière.

35      Conformément à ses considérants 1 et 7, ce règlement a notamment pour objet de faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur en supprimant les entraves à la libre circulation de personnes confrontées à des difficultés pour faire valoir leurs droits dans le contexte d’une succession ayant des incidences transfrontières. Il vise, selon son considérant 67, à régler de manière rapide, aisée et efficace une succession ayant de telles incidences.

36      Afin de déterminer si une succession présente lesdites incidences et entre, dès lors, dans le champ d’application du règlement no 650/2012, il y a lieu, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 34 de ses conclusions, de déterminer, en premier lieu, l’État membre de la résidence habituelle du défunt au moment de son décès et, en second lieu, si cette résidence peut être fixée dans un autre État membre en raison de la localisation d’un autre élément relatif à la succession dans un État membre différent de celui de la dernière résidence habituelle du défunt.

37      Il convient, à cet égard, de relever, que, si aucune disposition du règlement no 650/2012 ne définit la notion de « résidence habituelle du défunt au moment de son décès », au sens de celui-ci, des indications utiles figurent à ses considérants 23 et 24.

38      Selon le considérant 23 de ce règlement, c’est à l’autorité chargée de la succession qu’il incombe de déterminer la résidence habituelle du défunt et, à cette fin, cette autorité doit tenir compte tant du fait que le facteur général de rattachement est constitué par la résidence habituelle du défunt au moment du décès que de l’ensemble des circonstances de la vie de celui-ci au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de fait pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l’État concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence. La résidence habituelle ainsi déterminée devrait révéler un lien étroit et stable entre la succession et l’État concerné.

39      À cet égard, le considérant 24 dudit règlement évoque différentes hypothèses dans lesquelles il peut s’avérer complexe de déterminer la résidence habituelle. Ainsi, selon la dernière phrase de ce considérant, si le défunt était ressortissant d’un État ou y avait l’ensemble de ses principaux biens, sa nationalité ou le lieu de situation de ces biens pourrait constituer un critère particulier pour l’appréciation globale de toutes les circonstances de fait, lorsque, pour des raisons professionnelles ou économiques, le défunt était parti vivre dans un autre État pour y travailler, parfois pendant une longue période, tout en ayant conservé un lien étroit et stable avec son État d’origine.

40      Il en découle que la résidence habituelle du défunt doit être fixée, par l’autorité chargée de la succession, au moyen d’une évaluation d’ensemble des circonstances de l’espèce, dans un seul État membre.

41      En effet, ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 42 de ses conclusions et ainsi qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour, une interprétation des dispositions du règlement no 650/2012 selon laquelle la résidence habituelle du défunt au moment de son décès pourrait être fixée dans plusieurs États membres entraînerait un morcellement de la succession, étant donné que ladite résidence constitue le critère aux fins de l’application des règles générales énoncées aux articles 4 et 21 de ce règlement, selon lesquels tant la compétence des juridictions pour statuer sur l’ensemble d’une succession que la loi applicable en vertu dudit règlement, qui est destinée à régir l’ensemble d’une succession, sont déterminées en fonction de cette résidence. Dès lors, cette interprétation serait incompatible avec les objectifs du même règlement (voir, en ce sens, arrêts du 12 octobre 2017, Kubicka, C‑218/16, EU:C:2017:755, point 57, et du 21 juin 2018, Oberle, C‑20/17, EU:C:2018:485, points 53 à 55).

42      De surcroît, il y a lieu d’apprécier si la succession présente un caractère transfrontière en raison de la localisation d’un autre élément relatif à celle-ci dans un État différent de celui de la dernière résidence habituelle du défunt.

43      À cet égard, il convient de relever que la Cour a jugé qu’une succession a des incidences transfrontières lorsqu’elle comprend des biens situés dans plusieurs États membres et, en particulier, dans un État différent de celui de la dernière résidence du défunt (voir, en ce sens, arrêt du 21 juin 2018, Oberle, C‑20/17, EU:C:2018:485, point 32). En outre, le règlement no 650/2012 vise, de manière non exhaustive, d’autres circonstances qui peuvent révéler l’existence d’une succession impliquant plusieurs États membres.

44      Ainsi que l’a également relevé, en substance, M. l’avocat général au point 65 de ses conclusions, un faisceau d’indices concordants, tels que ceux mentionnés aux considérants 23 et 24 du règlement no 650/2012 et visés, notamment, aux points 38 et 39 du présent arrêt, sont de nature, sous réserve des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer, à conduire à la conclusion qu’une succession telle que celle en cause au principal, ayant une incidence transfrontière, relève du champ d’application du règlement no 650/2012.

45      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et cinquième questions que le règlement no 650/2012 doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « succession ayant une incidence transfrontière » une situation dans laquelle le défunt, ressortissant d’un État membre, résidait dans un autre État membre à la date de son décès, mais n’avait pas rompu ses liens avec le premier de ces États membres, dans lequel se trouvent les biens composant sa succession, tandis que ses successibles ont leur résidence dans ces deux États membres. La dernière résidence habituelle du défunt, au sens de ce règlement, doit être fixée par l’autorité saisie de la succession dans un seul desdits États membres.

 Sur la deuxième question 

46      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 650/2012 doit être interprété en ce sens que les notaires lituaniens peuvent être considérés comme étant des « juridictions », au sens de ce règlement.

47      Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 650/2012, une autorité non judiciaire ou un professionnel du droit, compétents en matière de successions, relèvent de la notion de « juridiction », au sens de cette disposition, lorsqu’ils exercent des fonctions juridictionnelles ou agissent en vertu d’une délégation de pouvoirs d’une autorité judiciaire ou sous le contrôle d’une autorité judiciaire, pour autant qu’ils offrent des garanties en ce qui concerne leur impartialité et le droit de toutes les parties à être entendues, et que les décisions qu’ils rendent en vertu du droit de l’État membre dans lequel ils exercent leurs fonctions peuvent faire l’objet d’un recours devant une autorité judiciaire ou d’un contrôle par une telle autorité et ont une force et un effet équivalents à une décision rendue par une autorité judiciaire dans la même matière.

48      En outre, il ressort du considérant 20 du règlement no 650/2012 qu’il convient de donner, dans le cadre de ce règlement, au terme « juridiction » un sens large, en englobant également les notaires lorsqu’ils exercent des fonctions juridictionnelles pour certaines questions successorales.

49      Par ailleurs, il convient de préciser que l’absence de notification relative à l’exercice par les notaires de fonctions juridictionnelles, prévue à l’article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 650/2012, par un État membre, n’est pas déterminante quant à la qualification de « juridiction » de ces notaires (arrêt du 23 mai 2019, WB, C‑658/17, EU:C:2019:444, point 64).

50      Il importe également de rappeler que le règlement no 650/2012 précise, à son article 3, paragraphe 2, que la notion de « juridiction », au sens de ce règlement, englobe non seulement les autorités judiciaires, mais également toute autre autorité et tout autre professionnel du droit compétents en matière de successions qui exercent des fonctions juridictionnelles et qui satisfont aux conditions établies par cette même disposition (arrêt du 23 mai 2019, WB, C‑658/17, EU:C:2019:444, point 40).

51      À cet égard, la Cour a déjà relevé qu’une autorité exerce des fonctions juridictionnelles lorsqu’elle est susceptible d’être compétente en cas de contestation en matière de successions. Ce critère s’applique indépendamment de la nature contentieuse ou gracieuse de la procédure de délivrance d’un certificat d’hérédité (arrêt du 23 mai 2019, WB, C‑658/17, EU:C:2019:444, point 56).

52      Or, en l’occurrence, il y a lieu de constater que, aux termes de l’article 1er de la loi relative au notariat, les notaires lituaniens se voient conférer le droit d’attester juridiquement des droits subjectifs non litigieux.

53      Il paraît en découler, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 81 de ses conclusions, qu’un notaire lituanien n’est pas compétent pour statuer sur les questions controversées entre les parties et qu’il n’a pas le pouvoir d’établir des faits qui ne sont pas clairs et évidents, ni de statuer sur des faits contestés.

54      Ainsi, il y a lieu de considérer que, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi, la délivrance d’un certificat national d’hérédité par les notaires lituaniens n’emporte pas l’exercice de fonctions juridictionnelles.

55      Cela étant, au vu des termes de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 650/2012, la qualité de « juridiction », au sens de cette disposition, peut également découler du fait, pour les autorités et professionnels visés, d’agir par délégation ou sous le contrôle d’une autorité judiciaire. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas des notaires lituaniens lorsqu’ils délivrent un certificat national d’hérédité

56      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 650/2012 doit être interprété en ce sens que, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi, les notaires lituaniens n’exercent pas des fonctions juridictionnelles lors de la délivrance d’un certificat national d’hérédité. Toutefois, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si ces notaires agissent par délégation ou sous le contrôle d’une autorité judiciaire et, en conséquence, peuvent être qualifiés de « juridictions », au sens de cette disposition.

 Sur la troisième question

57      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans le cas où elle considérerait que les notaires lituaniens peuvent être qualifiés de « juridictions », au sens du règlement no 650/2012, le certificat d’hérédité qu’ils délivrent, peut être considéré comme étant une « décision », au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 650/2012, et si, aux fins de le délivrer, ces notaires peuvent appliquer les règles de compétence prévues au chapitre II de ce règlement.

58      Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 650/2012, il est entendu par « décision » toute décision en matière de successions rendue par une juridiction d’un État membre, quelle que soit la dénomination qui lui est donnée.

59      Il découle de cette disposition que la seule condition prévue par ce règlement pour qu’un acte puisse être qualifié de « décision » est qu’il soit rendu par une « juridiction », au sens de l’article 3, paragraphe 2, dudit règlement.

60      Dès lors, dans le cas où la juridiction de renvoi considérerait que les notaires lituaniens peuvent être qualifiés de « juridictions », au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 650/2012, le certificat d’hérédité délivré par l’un de ces notaires peut être qualifié de « décision », au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous g), de ce règlement.

61      S’agissant des règles de compétence, la Cour a jugé que le règlement no 650/2012, notamment l’article 4 de celui-ci, détermine la compétence internationale relative aux procédures visant des mesures portant sur l’ensemble d’une succession, telles que, notamment, la délivrance des certificats d’hérédité nationaux, indépendamment de la nature contentieuse ou gracieuse de ces procédures, ainsi qu’il découle également du considérant 59 de ce règlement (voir, en ce sens, arrêt du 21 juin 2018, Oberle, C‑20/17, EU:C:2018:485, points 44 et 45).

62      Ainsi qu’il découle du considérant 22 du règlement no 650/2012, lorsque les notaires exercent des fonctions juridictionnelles ou agissent par délégation ou sous le contrôle d’une autorité judiciaire, ils sont liés par les règles de compétence, prévues au chapitre II de ce règlement, et les décisions qu’ils rendent devraient circuler conformément aux dispositions relatives à la reconnaissance, à la force exécutoire et à l’exécution des décisions, visées au chapitre IV de ce règlement.

63      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 650/2012 doit être interprété en ce sens que, dans le cas où la juridiction de renvoi considérerait que les notaires lituaniens peuvent être qualifiés de « juridictions », au sens de ce règlement, le certificat d’hérédité qu’ils délivrent, peut être considéré comme étant une « décision », au sens de cette disposition, de telle sorte que, aux fins de le délivrer, ces notaires peuvent appliquer les règles de compétence prévues au chapitre II dudit règlement.

 Sur la quatrième question

64      Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande si les articles 4 et 59 du règlement no 650/2012 doivent être interprétés en ce sens qu’un notaire d’un État membre, qui n’est pas qualifié de « juridiction », au sens de ce règlement, peut, sans appliquer les règles générales de compétence prévues par ledit règlement, délivrer les certificats d’hérédité et si ces derniers doivent être considérés comme étant des « actes authentiques », au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous i), du même règlement, produisant des effets dans les autres États membres.

65      Plus précisément, par la première partie de cette quatrième question, la juridiction de renvoi demande si, afin d’assurer l’unité d’une succession, dans le cas où les notaires lituaniens ne seraient pas qualifiés de « juridictions », au sens du règlement no 650/2012, ils sont liés par les règles de compétence prévues au chapitre II du règlement no 650/2012, intitulé « Compétence », et si, avant de délivrer un certificat national d’hérédité, ils doivent déterminer quelles juridictions seraient, le cas échéant, compétentes en vertu desdites dispositions.

66      À cet égard, il ressort des termes clairs du considérant 22 du règlement no 650/2012 que, lorsque les notaires n’exercent pas des fonctions juridictionnelles, ils ne sont pas liés par les règles de compétence juridictionnelle.

67      En outre, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, l’article 4 de ce règlement détermine la compétence internationale des juridictions des États membres relative aux procédures visant des mesures portant sur l’ensemble d’une succession (arrêt du 21 juin 2018, Oberle, C‑20/17, EU:C:2018:485, point 44). En revanche, les autorités non juridictionnelles ne sont pas visées par les dispositions du chapitre II du règlement no 650/2012 relatives aux règles de compétence.

68      Dès lors, il y a lieu de relever que, si la juridiction de renvoi devait considérer que les notaires lituaniens ne peuvent pas être qualifiés de « juridictions », au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 650/2012, ces notaires ne seraient pas soumis aux règles de compétence juridictionnelle prévues par le règlement no 650/2012 et ils ne devraient pas davantage déterminer quelles juridictions seraient, le cas échéant, compétentes pour statuer, en vertu des dispositions du chapitre II de ce règlement.

69      Par ailleurs, le principe de l’unité de la succession n’est pas absolu, ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 79 de ses conclusions. Le règlement no 650/2012 vise la situation dans laquelle les autorités de plusieurs États membres interviennent dans la même succession. Il ressort de l’article 13 de ce règlement que celui-ci admet que, lorsque les héritiers ou les légataires résident habituellement dans un État membre autre que celui dans lequel la succession est ou sera réglée, les autorités de l’État membre de leur résidence habituelle peuvent recevoir des déclarations concernant la succession. Cela répond à l’objectif dudit règlement, visant à faciliter la vie des héritiers et des légataires, ainsi qu’il ressort du considérant 32 du même règlement.

70      Cette interprétation n’est pas infirmée par l’article 64 du règlement no 650/2012, relatif à la délivrance du certificat successoral européen, qui a pour objet de préciser que les règles de compétence contenues aux articles 4, 7, 10 et 11 de ce règlement sont applicables non seulement aux juridictions, au sens de l’article 3, paragraphe 2, dudit règlement, mais également aux autres autorités qui, en vertu du droit national, sont compétentes pour régler les successions. En effet, le certificat successoral européen, qui a été créé par le règlement no 650/2012, jouit d’un régime juridique autonome, établi par les dispositions du chapitre VI de ce règlement (arrêt du 21 juin 2018, Oberle, C‑20/17, EU:C:2018:485, point 46).

71      La juridiction de renvoi s’interroge, en outre, par la seconde partie de sa quatrième question, sur la qualification du certificat national d’hérédité d’« acte authentique », au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous i), du règlement no 650/2012, ainsi que sur les effets de celui-ci.

72      L’article 3, paragraphe 1, sous i), du règlement no 650/2012 définit l’« acte authentique » comme étant un acte en matière de successions dressé ou enregistré formellement en tant qu’acte authentique dans un État membre et dont l’authenticité, d’une part, porte sur la signature et le contenu de l’acte authentique et, d’autre part, a été établie par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à le faire par l’État membre d’origine.

73      De plus, il ressort du considérant 62 de ce règlement qu’il convient d’adopter une interprétation autonome du concept d’« authenticité », répondant à une série d’éléments, notamment la véracité de l’acte, les exigences de forme qui lui sont applicables, les pouvoirs de l’autorité qui le dresse et la procédure suivie pour le dresser. L’authenticité devrait également recouvrir les éléments factuels consignés dans l’acte par l’autorité concernée, tels que le fait que les parties indiquées ont comparu devant ladite autorité à la date indiquée et qu’elles ont fait les déclarations qui y sont mentionnées.

74      Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si ces éléments sont réunis. Toutefois, bien que cette juridiction soit la seule compétente pour apprécier les faits en cause au principal et pour interpréter la législation nationale, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, la Cour, appelée à fournir au juge national des réponses utiles, est compétente pour donner des indications tirées du dossier dont elle dispose.

75      En l’occurrence, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 87 de ses conclusions, le certificat d’hérédité est un acte authentique selon le droit national et, ainsi qu’il ressort de l’article 26 de la loi relative au notariat, les notaires sont habilités à délivrer des certificats relatifs à une succession, lesquels contiennent des éléments qui sont considérés comme établis.

76      Partant, sous réserve des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer, un certificat national d’hérédité, tel que celui en cause au principal, semble remplir les conditions prévues à l’article 3, paragraphe 1, sous i), du règlement no 650/2012.

77      Pour le cas où la juridiction de renvoi considérerait que ce certificat constitue un acte authentique, au sens de ladite disposition, il y a lieu de relever, s’agissant des effets de celui-ci, en premier lieu, qu’il ressort de l’article 59, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 650/2012 que les actes authentiques établis dans un État membre ont la même force probante dans un autre État membre ou y produisent les effets les plus comparables. À cet égard, il est précisé au considérant 61 de ce règlement que, lors de la détermination de la force probante d’un acte authentique donné dans un autre État membre ou des effets les plus comparables, il convient de faire référence à la nature et à la portée de la force probante de l’acte authentique dans l’État membre d’origine. La force probante qu’un acte authentique donné devrait avoir dans un autre État membre dépendra dès lors de la loi de l’État membre d’origine.

78      En outre, conformément à l’article 59, paragraphe 1, second alinéa, du règlement no 650/2012, afin d’utiliser un acte authentique dans un autre État membre, il est possible de demander à l’autorité l’établissant dans l’État membre d’origine de remplir le formulaire correspondant à celui qui figure à l’annexe 2 du règlement d’exécution (UE) no 1329/2014 de la Commission, du 9 décembre 2014, établissant les formulaires mentionnés dans le règlement no 650/2014 (JO 2014, L 359, p. 30).

79      En second lieu, en vertu de l’article 60, paragraphe 1, du règlement no 650/2012, un acte authentique qui est exécutoire dans l’État membre d’origine est déclaré exécutoire dans un autre État membre, conformément à la procédure prévue aux articles 45 à 58 dudit règlement.

80      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la quatrième question que les articles 4 et 59 du règlement no 650/2012 doivent être interprétés en ce sens qu’un notaire d’un État membre, qui n’est pas qualifié de « juridiction », au sens de ce règlement, peut, sans appliquer les règles générales de compétence prévues par ledit règlement, délivrer les certificats nationaux d’hérédité. Si la juridiction de renvoi considère que ces certificats remplissent les conditions prévues à l’article 3, paragraphe 1, sous i), du même règlement, et peuvent, dès lors, être considérés comme étant des « actes authentiques », au sens de cette disposition, ceux-ci produisent, dans les autres États membres, les effets que l’article 59, paragraphe 1, et l’article 60, paragraphe 1, du règlement no 650/2012 attribuent aux actes authentiques.

 Sur la sixième question

81      Par sa sixième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 4, 5, 7 et 22 du règlement no 650/2012 doivent être interprétés en ce sens que la volonté du de cujus ainsi que l’accord entre ses successibles peuvent conduire à la détermination d’une juridiction compétente en matière de successions et à l’application d’une loi successorale d’un État membre autre que celles qui résulteraient de l’application des critères dégagés par ce règlement.

82      En ce qui concerne la détermination de la juridiction compétente en matière de successions, il convient de relever que l’article 4 du règlement no 650/2012 établit une règle générale, selon laquelle sont compétentes pour statuer sur l’ensemble d’une succession les juridictions d’un État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès, tandis que l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement contient des dispositions qui dérogent à cette règle générale et admet la possibilité, pour les parties à la procédure successorale, de convenir que sont compétentes les juridictions d’un État membre autre que celui qui résulterait de l’application des critères dégagés par ce règlement.

83      Conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 650/2012, les parties à la procédure peuvent convenir que les juridictions de l’État membre dont la loi a été choisie par le défunt pour régir sa succession, en vertu de l’article 22 de ce règlement, ont compétence exclusive pour statuer sur toute question concernant la succession.

84      L’article 5, paragraphe 2, et l’article 7 du règlement no 650/2012 précisent les conditions de forme qui doivent être satisfaites afin que l’accord d’élection de for soit valable. En particulier, il ressort de l’article 5, paragraphe 2, et de l’article 7, sous b), de ce règlement que cet accord doit être conclu par écrit, daté et signé par les parties à la procédure, ou que ces parties doivent avoir expressément accepté la compétence de la juridiction saisie, ainsi qu’il est prévu à l’article 7, sous c), dudit règlement.

85      En l’occurrence, s’il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour que les parties à la procédure successorale ont conclu un accord conformément aux conditions susmentionnées, afin de conférer une compétence exclusive aux juridictions lituaniennes, la juridiction de renvoi indique que l’époux survivant de la défunte, de nationalité allemande et vivant en Allemagne avec elle au moment de son décès, avait déclaré consentir à une telle compétence.

86      Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 121 de ses conclusions, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si une telle déclaration a, dans la procédure au principal, un effet attributif de compétence, au sens de l’article 7, sous c), du règlement no 650/2012.

87      Au demeurant, il convient de rappeler que, ainsi qu’il découle du considérant 29 du règlement no 650/2012, ce dernier ne doit pas être interprété en ce sens qu’il empêche les parties de régler la succession à l’amiable, en dehors de tout litige, dans un État membre de leur choix, dans le cas où le droit de cet État membre le permet et même si la loi applicable à la succession n’est pas la loi de ce dernier.

88      S’agissant de la question de savoir si la volonté du de cujus ainsi que l’accord entre ses successibles peuvent conduire à l’application d’une loi successorale d’un État membre autre que celui qui résulterait de l’application des critères dégagés par le règlement no 650/2012, il y a lieu de relever que, en vertu du paragraphe 1, premier alinéa, de l’article 22 de celui-ci, intitulé « Choix de loi », une personne peut choisir comme loi régissant l’ensemble de sa succession la loi de l’État dont elle possède la nationalité au moment où elle fait ce choix ou au moment de son décès. En outre, le paragraphe 2 de cet article 22 précise que ledit choix doit être formulé de manière expresse dans une déclaration revêtant la forme d’une disposition à cause de mort ou résulter des termes d’une telle disposition.

89      Ainsi que l’a relevé la Commission dans ses observations écrites, il convient de lire l’article 22, paragraphe 2, du règlement no 650/2012 à la lumière du considérant 39 de ce dernier, selon lequel le choix de la loi peut résulter des termes d’une disposition à cause de mort, notamment lorsque le défunt avait fait référence à des dispositions spécifiques de la loi de l’État de sa nationalité.

90      En l’occurrence, étant donné que la loi lituanienne est la loi de l’État membre dont la défunte avait la nationalité au moment de son décès, cette loi pouvait être valablement choisie en vertu de l’article 22, paragraphe 1, du règlement no 650/2012. À cet égard, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si un tel choix résulte des termes du testament en cause au principal, conformément à l’article 22, paragraphe 2, de ce règlement.

91      En outre, il ressort du dossier dont dispose la Cour que ledit testament a été établi en Lituanie, le 4 juillet 2013, avant l’entrée en vigueur du règlement no 650/2012, et que le décès de la personne concernée a eu lieu après le 17 août 2015, à savoir après la date d’entrée en application des règles prévues par ce règlement. Ainsi, les dispositions transitoires, visées à l’article 83 du règlement no 650/2012, peuvent également être pertinentes, conformément au paragraphe 1 de cet article.

92      Le paragraphe 2 de l’article 83 dudit règlement vise les cas dans lesquels le défunt avait, avant le 17 août 2015, choisi la loi applicable à sa succession. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 102 de ses conclusions, cette disposition vise à préserver la volonté du testateur et, pour que ce choix soit valable, il doit remplir les conditions fixées à ladite disposition. En revanche, le paragraphe 4 de cet article régit les cas dans lesquels une disposition à cause de mort ne comporte pas un tel choix.

93      Plus précisément, conformément audit paragraphe 4, si une disposition à cause de mort, prise avant le 17 août 2015, est rédigée conformément à la loi que le défunt pouvait choisir en vertu du présent règlement, cette loi est réputée avoir été choisie comme loi applicable à la succession.

94      Cette disposition est applicable en l’occurrence, dès lors que, d’une part, le testament en cause au principal a été rédigé avant le 17 août 2015 et, d’autre part, la loi lituanienne pouvait être choisie, conformément à l’article 22, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 650/2012, étant donné que la défunte possédait la nationalité lituanienne au moment où ce testament a été rédigé. Par conséquent, cette loi, conformément à laquelle ledit testament a été rédigé, est réputée avoir été choisie comme loi applicable à la succession en cause au principal.

95      À cet égard, il convient, enfin, de rappeler que, ainsi qu’il ressort du considérant 27 de ce règlement, les dispositions de ce dernier sont conçues pour assurer que l’autorité chargée de la succession en vienne, dans la plupart des cas, à appliquer son droit national.

96      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la sixième question que les articles 4, 5, 7 et 22 ainsi que l’article 83, paragraphes 2 et 4, du règlement no 650/2012 doivent être interprétés en ce sens que la volonté du de cujus ainsi que l’accord entre ses successibles peuvent conduire à la détermination d’une juridiction compétente en matière de successions et à l’application d’une loi successorale d’un État membre autre que celles qui résulteraient de l’application des critères dégagés par ce règlement.

 Sur les dépens

97      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1)      Le règlement (UE) no 650/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen, doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « succession ayant une incidence transfrontière » une situation dans laquelle le défunt, ressortissant d’un État membre, résidait dans un autre État membre à la date de son décès, mais n’avait pas rompu ses liens avec le premier de ces États membres, dans lequel se trouvent les biens composant sa succession, tandis que ses successibles ont leur résidence dans ces deux États membres. La dernière résidence habituelle du défunt, au sens de ce règlement, doit être fixée par l’autorité saisie de la succession dans un seul desdits États membres.

2)      L’article 3, paragraphe 2, du règlement no 650/2012 doit être interprété en ce sens que, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi, les notaires lituaniens n’exercent pas des fonctions juridictionnelles lors de la délivrance d’un certificat national d’hérédité. Toutefois, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si ces notaires agissent par délégation ou sous le contrôle d’une autorité judiciaire et, en conséquence, peuvent être qualifiés de « juridictions », au sens de cette disposition.

3)      L’article 3, paragraphe 1, sous g) du règlement no 650/2012 doit être interprété en ce sens que, dans le cas où la juridiction de renvoi considérerait que les notaires lituaniens peuvent être qualifiés de « juridictions », au sens de ce règlement, le certificat d’hérédité qu’ils délivrent, peut être considéré comme étant une « décision », au sens de cette disposition, de telle sorte que, aux fins de le délivrer, ces notaires peuvent appliquer les règles de compétence prévues au chapitre II dudit règlement.

4)      Les articles 4 et 59 du règlement no 650/2012 doivent être interprétés en ce sens qu’un notaire d’un État membre, qui n’est pas qualifié de « juridiction », au sens de ce règlement, peut, sans appliquer les règles générales de compétence prévues par ledit règlement, délivrer les certificats nationaux d’hérédité. Si la juridiction de renvoi considère que ces certificats remplissent les conditions prévues à l’article 3, paragraphe 1, sous i), du même règlement, et peuvent, dès lors, être considérés comme étant des « actes authentiques », au sens de cette disposition, ceux-ci produisent, dans les autres États membres, les effets que l’article 59, paragraphe 1, et l’article 60, paragraphe 1, du règlement no 650/2012 attribuent aux actes authentiques.

5)      Les articles 4, 5, 7 et 22 ainsi que l’article 83, paragraphes 2 et 4, du règlement no 650/2012 doivent être interprétés en ce sens que la volonté du de cujus ainsi que l’accord entre ses successibles peuvent conduire à la détermination d’une juridiction compétente en matière de successions et à l’application d’une loi successorale d’un État membre autre que celles qui résulteraient de l’application des critères dégagés par ce règlement.

Signatures


*      Langue de procédure : le lituanien.