Emmanuel Macron ouvre le dossier de la responsabilité des magistrats et des procédures disciplinaires, sans pour autant prendre le risque de braquer la magistrature, échaudée par la nomination d’Eric Dupond-Moretti comme garde des sceaux. Le chef de l’Etat a saisi le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), comme la Constitution l’y autorise, pour lui demander un avis avant de légiférer probablement à l’automne. « Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me donner votre avis, d’une part, sur la possibilité de mieux appréhender l’insuffisance professionnelle du magistrat dans son office juridictionnel, dans le respect du principe d’indépendance, et d’autre part, de rendre plus efficace le dispositif de plaintes de justiciables », écrit le chef de l’Etat dans le courrier que Le Monde a pu consulter.
M. Macron s’est dit, dès 2017, favorable à une réforme constitutionnelle renforçant les garanties d’indépendance du parquet… et, en même temps, au renforcement de la mise en œuvre de la responsabilité des magistrats. « Il s’agit d’une question de confiance et de légitimité dans la justice », écrit-il dans cette saisine exceptionnelle du CSM, l’institution chargée de veiller à la déontologie des magistrats et à l’indépendance de la justice.
Seules trois plaintes de justiciables en six ans ont donné lieu à un renvoi devant la formation disciplinaire… qui n’a pas infligé de sanction
L’une des innovations de la réforme constitutionnelle de 2008 était justement de permettre aux justiciables de se plaindre du comportement d’un magistrat. L’objectif est raté. Sur les quelque 1 700 plaintes dont le CSM a été saisi de 2015 à 2020, la plupart ont été écartées car irrecevables, les autres étant jugées infondées. L’une des difficultés est qu’une bonne part des gens saisissent l’institution pensant pouvoir contester la décision d’un juge. Or, en dehors des recours (appel, cassation), remettre en cause une décision juridictionnelle porterait atteinte à l’indépendance du juge garantie par la Constitution. Au final, seules trois plaintes de justiciables en six ans ont donné lieu à un renvoi devant la formation disciplinaire… qui n’a pas infligé de sanction.
Manque de preuves
Les premiers présidents de cour d’appel ne font pour leur part pratiquement jamais usage de leur pouvoir de dénonciation auprès du CSM de faits motivant d’éventuelles poursuites disciplinaires. En pratique, celui-ci ne statue que sur les affaires dont le ministre de la justice le saisit. La procédure est ensuite transparente à l’égard des citoyens, puisque les audiences disciplinaires sont publiques et annoncées plusieurs semaines à l’avance sur le site du CSM dont les décisions sont ensuite mises en ligne. En 2020, il y en eut sept, pour une population de plus de 8 000 magistrats.
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